Ile Maurice: Équilibre - Le paradoxe de la migration et de l'inflation

Les mois passent et pourtant le contrôle de l'inflation reste aussi bien un sujet d'actualité qu'une préoccupation majeure dans plusieurs pays du monde, y compris Maurice. À ce défi se greffent l'immigration des étrangers, facilitée par les autorités pour booster notre économie, et la fuite de nos cerveaux qui ne trouvent pas leur place chez nous et recherchent de nouveaux horizons économiques. Zoom sur ce paradoxe qui met à mal l'équilibre du pays.

Malgré la mise en place de nombreuses stratégies, l'immigration et son impact potentiel sur l'inflation deviennent une piste à explorer pour certains pays. Tandis que, dans d'autres cas, l'impact de l'inflation sur l'émigration et les conséquences de la fuite des cerveaux suscitent de vives inquiétudes. Ce paradoxe se manifeste également à Maurice. D'un côté, de nouvelles mesures sont mises en place pour faciliter l'emploi des étrangers dans le pays afin de favoriser la croissance économique.

D'un autre côté, les Mauriciens quittent le pays pour des destinations telles que le Canada ou l'Australie, entre autres, à la recherche d'un avenir meilleur en raison de l'augmentation du coût de la vie ou du manque d'opportunités professionnelles équitablement rémunérées. Cela se produit alors que nous faisons face à un vieillissement démographique, avec 43 % de la population âgée entre 20 et 49 ans à juillet 2022. En ce qui concerne la population âgée de 65 ans et plus, la proportion est passée de 12,6 % en 2021 à 13,1 % en 2022, selon Statistics Mauritius.

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Pour commencer, remplir les postes vacants d'emplois non désirés par les locaux peut être une stratégie à adopter dans un plan anti-inflationniste. À titre d'exemple, un secteur capable d'augmenter sa production - avec plus de maind'oeuvre saisonnière et avec un coût soutenable de cette main-d'oeuvre - est un point positif pour la capacité d'exportation et, donc, de croissance.

Par exemple, si le Royaume-Uni et les États-Unis affichaient à récemment une politique en faveur du contrôle de l'immigration, des voix se manifestent maintenant pour l'ouverture des frontières aux travailleurs étrangers dans certains secteurs clés pour booster la productivité de l'économie. Au Royaume-Uni, les secteurs les plus en demande de travailleurs étrangers sont l'hébergement et la restauration, la santé, et les professions scientifiques.

Dans ce contexte, selon la BBC, Gita Gopinath, directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI), est d'avis qu'avec une inflation locale aussi élevée, avoir des travailleurs qui peuvent combler le manque dans certains secteurs contribuera à faire baisser l'inflation. De même, aux États-Unis, certains économistes sont d'avis que pour parvenir à des salaires réels plus élevés, tout en réduisant l'inflation et en encourageant l'emploi, le pays doit soit augmenter la participation de la population active et développer la formation soit accroître le nombre de travailleurs disponibles, en admettant des travailleurs étrangers.

Quel mode migratoire est le plus bénéfique ?

À Maurice, de nombreuses entreprises dans les secteurs manufacturier, de la construction, de l'hôtellerie ou encore des services financiers se sont exprimées à de nombreuses reprises en faveur de la facilitation du recrutement étranger. L'avantage de la migration saisonnière, c'est qu'elle permet à une entreprise de recruter de manière dynamique et, donc, de booster sa productivité, alors que le travailleur peut, lui, renvoyer suffisamment d'argent dans son pays et retourner auprès de sa famille au bout d'un certain temps. Il est bon de savoir que, selon les chiffres de la Banque de Maurice, au dernier trimestre de 2022, plus de Rs 2 milliards ont été transférées hors de Maurice par les travailleurs étrangers. Par contre, uniquement Rs 719 millions ont été transférées par les Mauriciens travaillant à l'étranger vers le pays.

Toutefois, l'immigration doit être un outil utilisé avec précaution, car une tendance à la baisse des salaires, avec le recrutement étranger dans certains secteurs face à l'augmentation vertigineuse du coût de la vie, peut aussi encourager les talents mauriciens à quitter le pays. À titre d'exemple, une étude menée en 2022, l'Africa Youth Survey auprès de plus de 4 500 jeunes Africains âgés de 18 à 24 ans, a révélé que 52 % d'entre eux sont susceptibles d'envisager l'émigration au cours des prochaines années - les difficultés économiques et les possibilités d'éducation étant les principales raisons invoquées. Déjà, en 2022, l'on jugeait cette situation alarmante pour le développement économique des pays concernés.

Depuis la «fin» du Covid-19, d'autres pays, comme le Canada ou l'Australie entre autres, renforcent aussi leur capacité d'immigration, avec le Canada qui a accueilli 437 000 immigrants en 2022, avec un objectif de 465 000 pour 2023, selon le site de Canada Visa. The Guardian indique que l'Australie prévoit, elle, une augmentation annuelle de la population de 235 000 personnes, due à l'immigration. En 2022, le FMI prévenait aussi que les petits États sont confrontés à de graves difficultés pour conserver le capital humain en raison de la perte de compétences et de la fuite des cerveaux, due à une importante migration, ce qui impacte évidemment la croissance de ces États.

Pourtant, la force d'une main-d'oeuvre qualifiée, nécessaire pour accroître le potentiel productif et la croissance, doit être planifiée. Elle se planifie en identifiant les secteurs porteurs à long terme, en ajustant l'offre éducative en conséquence, en redonnant du pouvoir d'achat aux Mauriciens, afin que qu'ils ne soient pas défaitistes face à leur avenir et celui de leurs enfants, et en ayant un véritable contrôle statistique sur les tendances de l'émigration et les profils des Mauriciens qui quittent le pays. Si c'est une bonne chose d'accueillir des étrangers pour stimuler la croissance, il est tout aussi important de créer un environnement favorable pour encourager les Mauriciens compétents à rester dans le pays !

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