Madagascar: Energie - La Jirama accuse de lourds passifs pour l'exercice 2022

Le futur manager pour redresser la situation financière de la Jirama est prévenu. Il ou elle va hériter des complications nées d'une gestion tatillonne du passé.

Prévisible. Les difficultés techniques de la Jirama, depuis des années, ponctuées par des délestages à n'en plus finir pour ses abonnés, puisent leurs sources dans des considérations d'ordre financier. Cette fois-ci, c'est le ministère de l'Énergie et des hydrocarbures, MEH, lui-même qui a publié, sous forme de tableaux (noirs cela va de soi) les extraits des comptes annuels, avant audit, des exercices comptables de 2022, 2021 et 2020 de la Jirama.

Les déliquescences, d'une année à l'autre, sautent aux yeux. Les principaux indicateurs n'ont cessé de dégrader. Ainsi, pour 2022, l'année s'est terminée par un passif de 3,353 milliards d'ariary, contre 2,945 en 2021 et 2,521 en 2020. Ce passif du bilan est composé par les capitaux propres, son passif non-courant et son passif courant. Pour ce qui est des résultats nets, il a été de - 666 millions pour 2022, contre -378 et - 289 pour les années précédentes. Concernant le chiffre d'affaires, il a connu un léger progrès. 753 millions d'ariary en 2020, 755 en 2021 et 852 l'an passé.

Comment expliquer ces déboires financiers ? Les premiers éléments de réponses et les solutions éventuelles ont été, peut-être, apportés par une analyse de la Banque Mondiale. Dans un audit approfondi, elle a estimé à 150 millions de dollars la perte d'exploitation de la Jirama en 2022, soit l'équivalent de 604 milliards d'ariary. Des chiffres éloquents expliquent cette décadence à peine croyable.

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« Un déficit de vente de 0,11 dollar par kWh pour un coût de production moyen de 0,24 dollar par kWh. Pour une production annuelle d'électricité de 1 900 GWh, avec 28% de pertes techniques et un taux de récupération de 98%, la Jirama avait perdu 150 millions de dollars soit environ 604 milliards d'ariary l'année dernière ». Ces évidences mathématiques pour ne pas parler d'état de rapprochement sont rapportées dans le document sur le Cadre de partenariat pays, CPF, 2023-2027 qui lie le Groupe de la Banque mondiale et Madagascar.

Approche à trois niveaux

La Banque Mondiale souligne « que les transferts de fonds gouvernementaux d'environ 100 millions de dollars par an à sa société énergétique ne permettent plus à la Jirama de maintenir sa viabilité financière. Alors que cette compagnie avait atteint le seuil de rentabilité en 2009, d'après ce qui y est rappelé ». Soit, elle n'a pas fait de bénéfice mais elle n'a pas non plus contracté de dettes.

Il s'agit ainsi d'une manière détournée de mettre en lumière l'inefficacité des subventions financières. Sans compter la mauvaise gouvernance dans la gestion interne de la Jirama. Le 3 décembre 2021, la Banque Mondiale elle-même a exigé la restitution, sans moratoire, de ses 634 719 dollars, alloués au projet Pagose mais affectés aux rubriques « des dépenses inéligibles », selon les termes de la Banque mondiale.

Celle-ci a insisté sur l'application du système tarifaire Optima et Optima business. Des modules devant être la solution pour combler ces abysses financiers d'une profondeur interminable. Dans ce document, la Banque mondiale « met en évidence des coûts de production d'électricité élevés pour justifier la situation. La Banque Mondiale soutient que la dépendance de la Jirama à l'égard des carburants coûteux pour environ la moitié de sa production d'électricité est symptomatique de son incapacité à développer des ressources nationales à moindre coût, telles que l'énergie hydraulique et solaire.

Les producteurs d'électricité indépendants lui fournissent plus de 55 % de sa production ». Or la Banque Mondiale rappelle « que ceci se fait dans le cadre de contrats d'achat d'électricité négociés directement à des conditions qui ne sont pas toujours favorables à la compagnie nationale ». La Banque Mondiale avance une approche à trois niveaux pour sortir de cette ornière qui semble sans issue. « Dans le premier scénario, le pays peut entreprendre une réforme de l'ensemble du secteur. Elle comprend entre autres l'accélération de l'accès à l'électricité dans les zones rurales par le développement des activités de densification et d'extension du réseau, les mini-réseaux et les solutions hors réseau ».

La Banque Mondiale propose aussi « d'orienter la transition énergétique en s'éloignant des combustibles fossiles importés et coûteux. Approuver les réformes clés nécessaires pour relever les défis de gouvernance et l'interface de la Jirama avec le secteur privé ». Le pays peut, le cas échéant, choisir une réforme partielle du secteur.

Ce deuxième scénario consiste en la mise en oeuvre de réformes axées sur le développement de l'accès à l'électricité dans les zones rurales par le biais de produits hors réseau et de mini-réseaux, y compris l'externalisation des services de la Jirama dans les réseaux isolés, tout en réduisant ses investissements directs ou ses actifs. Cela pourrait inclure des réformes sur la réglementation et le renforcement des capacités dans le secteur, le développement avec l'Agence pour le développement de l'électrification rurale (Ader) et le secteur privé de mini-réseaux dans les zones rurales, ainsi que l'expansion du marché solaire hors réseau dans les zones éloignées et isolées. Une démarche de proximité fiable avec les projets de construction de 37 parcs solaires.

La Jirama, pour sa part, afin de renflouer sa trésorerie, a envisagé d'un service à part entière pour recouvrer ses créances, évaluées à 200 milliards d'ariary. Elle a commencé par couper l'électricité des gros clients avant de s'en prendre aux particuliers, si besoin est.

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