Madagascar: Gouvernance - La lutte contre la corruption en péril

Corruption

La journée africaine de lutte contre la corruption sera célébrée mardi. Une occasion de faire le point sur la situation à Madagascar, notamment, dans le contexte politique houleux qu'impose l'échéance électorale.

Attention danger. La lutte contre la corruption à Madagascar traverse une période de forte turbulence. À cause de facteurs endogènes et exogènes au système de lutte contre la corruption, le combat est en train de prendre un virage périlleux. La journée africaine de lutte contre la corruption sera célébrée ce 11 juillet. L'idée est que durant cette journée, chaque État fasse le point sur le combat contre ce fléau. Les progrès effectués et ceux à améliorer. À Madagascar, l'heure sera aussi au bilan. D'autant plus que durant le dernier semestre de cette année devrait démarrer les réflexions sur la suite à donner à la Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC), dont la mise en oeuvre arrive à échéance en 2025. L'heure est grave. Le principal indicateur des résultats du combat contre ce fléau, inscrit dans la SNLCC ne sera vraisemblablement pas atteint.

"La vision est de sortir définitivement Madagascar du groupe des pays les plus corrompus (...) à l'horizon 2025", selon le document de la SNLCC. Cela devrait se traduire par un score de 50/100 à l'Indice de perception de la corruption (IPC). Au titre de l'année 2022, la note de Madagascar à l'IPC, publiée en février est de 26/100. La même que pour l'année 2021. La Grande île fait donc du sur place. Les péripéties rencontrées par le Système anti-corruption (SAC), ces derniers mois, n'arrangent pas les choses. La mise en place de l'Agence de recouvrement des avoirs illicites (ARAI), est pourtant une avancée conséquente. Elle complète l'armada des entités qui sont au front pour combattre le fléau.

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Omerta

En parallèle, cependant, la révision de la loi sur les Pôles anti-corruption (PAC), affaiblit cette entité judiciaire spécialisée selon les acteurs du SAC. Elle s'accompagne d'une lenteur pour la mise en place des PAC dans les chefs-lieux de province autres qu'Antananarivo et Mahajanga. La démission de la société civile de la Commission de suivi et évaluation des PAC (CSE-PAC), n'a fait qu'aggraver les choses. La démission était pour dénoncer les failles suite à la révision de la loi sur les PAC.

Cependant, elle a torpillé le fragile équilibre dans les rapports de force entre les représentants des instances publiques et civiles au sein du CSE-PAC. En face, chaque acte des PAC et les autres entités de lutte contre la corruption que sont le Bureau indépendant anti-corruption et le Service de renseignement financier (SAMIFIN), font face à différents courants de pression extérieure. Il y a les pressions politiques, économiques, corporatistes, régionales, et même ethniques.

Le dossier concernant la directrice générale par intérim de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNAPS), en est un exemple. Elles risquent de se renforcer en vue de l'échéance électorale et durant les premiers mois qui suivront le début du nouveau mandat présidentiel. Des cas, toutefois, amènent les profanes à penser que la lutte contre la corruption et les délits connexes tendent à devenir des armes de règlement de compte ou de chasse aux sorcières politique. Tous ces paramètres mettent pourtant en péril la guerre menée contre la corruption. La raison est que le système de répression et de sanction s'en trouve sensiblement fragilisé. En résulte des enquêtes inachevées, des instructions en pointillé, des poursuites sans suite, des détentions préventives levées soudainement, ou encore des Interdictions de sortie (IST), inopérantes.

Au final, les affaires de présumées grandes corruptions restent souvent sans suite. Les suspicions de poursuites, décisions, ou détentions arbitraires vociférées ne sont pas forcément avérées. Malheureusement, l'omerta sous couvert du principe du secret de l'enquête ou de l'instruction, chez les enquêteurs et surtout du côté de la justice plombe encore plus la lutte. À l'ère de l'immédiateté de l'information, se murer dans le silence c'est laisser les rumeurs et la désinformation faire leur loi. Ceux qui sont chargés d'un dossier sont pourtant les seuls à même d'évaluer la gravité des faits et d'expliquer les raisons d'une décision prise.

De dire ce qu'il en est réellement. La sensibilité, la portée et les différents enjeux autour de la plupart des dossiers de corruption et délits connexes ont imposé la mise en place d'entités spécialisées pour les traités et les réprimés. Il serait temps d'envisager également des allégements spéciaux sur certains principes de droit, comme le secret de l'information ou de l'instruction sur ces types de dossiers. Cela pourrait aider à délester les organes de répression des différents courants de pression et rassurer l'opinion publique. La redevabilité et la transparence sont des paramètres de la bonne gouvernance. Deux piliers de la probité dans la gestion des affaires publiques. Deux principes que les entités anti-corruptions devraient songer à inscrire et à rendre systématique dans leur méthodologie de traitement des affaires judiciaires. Tel qu'inscrit dans la SNLCC qui plus est, la bonne gouvernance est la finalité de la lutte. Aussi, une charité bien ordonnée commence par soi-même.

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