Ile Maurice: Échouement du «Tresta Star» - «Des erreurs qui ont mené à un naufrage inévitable», note le rapport de BEA MER

C'était en 2022, pendant le passage du cyclone Batsirai. Ce pétrolier indien battant pavillon mauricien s'échoue sur les côtes réunionnaises. Comment ? Pourquoi ? Le rapport du bureau d'enquêtes sur les événements de la mer, de l'île soeur, fournit des réponses.

Le bureau d'enquêtes sur les événements de mer (BEA MER) chargé de faire la lumière sur l'échouement du Tresta Star, le 3 février 2022, à proximité de la Pointe du Tremblet, à La Réunion, a rendu son rapport fin juin. Selon les conclusions, plusieurs lacunes ont été détectées et elles ont mené à un échouement inévitable du pétrolier-ravitailleur. «Lorsque le Tresta Star entre dans les eaux territoriales françaises, il dérive à plus de cinq noeuds vers la côte. Un échouement dans le sud-est de La Réunion, entre Sainte-Rose et Saint-Philippe, semble alors inévitable», peut-on y lire.

Analysant les circonstances du naufrage, le BEA MER fait ressortir que le Tresta Star - de la société indienne AMBA Shipping & Logistics Private Ltd qui gère plus d'une vingtaine de navires de charge, mais battant pavillon mauricien - n'a pas été autorisé à naviguer hors des limites portuaires et n'a pas non plus été conçu pour. «C'est un navire prévu dès sa conception pour naviguer uniquement en zone portuaire.»

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Alors que le cyclone intense Batsirai frappait Maurice, le Tresta Star s'est trop écarté de l'abri sur la zone côtière. Emporté par la tempête, le capitaine du navire de 74 mètres de long n'a plus contrôlé sa route et a dérivé vers le sud-ouest, en direction de l'île soeur.

Le BEA MER a identifié une série de facteurs qui ont contribué à l'accident. «L'interdiction de se réfugier à quai à Port-Louis, un appareillage un peu tardif et une route trop éloignée de la côte ont exposé aux éléments un navire sur ballasts, offrant une forte prise au vent et disposant d'une faible puissance de propulsion.» Autre constat. Le Tresta Star est resté trois mois au mouillage, sans aucune activité, alors qu'il effectuait entre 15 à 30 soutages par mois, entre janvier 2020 et octobre 2021.

En raison de la non-reconduction de son contrat d'affrètement, le navire n'a plus eu d'activité et a été au mouillage à Port-Louis pendant trois mois, avant de prendre la mer. De plus, aucun contrôle de la coque n'avait été effectué depuis trois ans... «Les grilles d'aspiration de la réfrigération des moteurs sont certainement un peu colmatées, ce qui provoque des arrêts répétés de ces moteurs. Le Tresta Star n'est maître de sa manoeuvre dans ces conditions météorologiques», dit le rapport.

Il a dérivé pendant 20 heures

Il mentionne également que l'équipage, habitué à naviguer sur les côtes sur un navire sur ballasts, a été contraint de prendre le large. Le capitaine avait prévu trois jours de navigation à petite vitesse dans le sud de Maurice pendant que le cyclone passait au nord de l'île. Ne maîtrisant pas les moyens de communication prévus en haute mer, ce n'est qu'après 20 heures de dérive pendant le cyclone qu'une alerte de détresse a été tardivement transmise par le capitaine, par Inmarsat-C (messagerie par satellite).

Cela a ainsi rendu toute intervention marine ou aérienne rapide impossible, due au cyclone mais aussi à la zone où le navire dérivait. Si le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de La Réunion (CROSS SOI), l'équivalent des Maritime Rescue Coordination Centres (MRCC) à Maurice, est entré en contact avec les navires à proximité pour porter assistance au Tresta Star, aucune intervention n'a pu être entreprise.

Ne contrôlant plus sa route, le pétrolier-ravitailleur s'est encastré dans les roches volcaniques du Tremblet, soit à la limite du parc national de La Réunion, classé au patrimoine national de l'Unesco. Le rapport note qu'il n'existe aucun remorqueur d'intervention d'assistance et de sauvetage prépositionné en cas de mauvais temps

Du coup, en cas de difficultés, le capitaine d'un navire devrait pouvoir bénéficier des conseils d'un pilote maritime ou d'un salvage master, via le centre de secours en mer, afin de pouvoir prendre les meilleures décisions. Les navires qui prévoient de rester à proximité des côtes lors d'un passage de cyclone devraient disposer d'une puissance de propulsion suffisante pour faire face aux mauvaises conditions météorologiques attendues.

À l'armateur indien, le BEA MER recommande qu'il prévienne les autorités mauriciennes «lorsqu'un de ses navires doit naviguer hors des limites qui lui sont réglementairement autorisées pour que celle-ci puisse donner les conditions dans lesquelles le navire pourrait être autorisé à sortir de sa zone de navigation réglementaire». Autre recommandation : s'assurer qu'un navire soit maintenu en état lorsqu'il est en mouillage durant plusieurs mois, ce qui lui permettra d'utiliser toute sa propulsion.

Le port n'est pas épargné dans ce rapport qui recommande à ce qu'il étudie «les mesures de réglementation à prendre en cas de cyclone pour les navires qui ne sont pas autorisés à naviguer en haute mer».

CHRONOLOGIE

7 h 29 : Le Tresta Star est à mi-distance entre Maurice et La Réunion. Le CROSS SOI reçoit un courrier électronique du centre de coordination de sauvetage maritime et aérien australien (JRCC Australia), relayant un message de détresse par satellite en provenance du pétrolier. Mais le CROSS SOI avait déjà repéré le pétrolier depuis quelques heures, en surveillant l'AIS des navires. Il pénétrait alors la zone sous contrôle français.

7 h 50 : Le Tresta Star confirme être en difficulté en raison des conditions météorologiques et de problèmes de propulsion. Il est emporté par le cyclone et requiert l'assistance d'un remorqueur.

De 10 h 00 à 11 h 40 : Aucune communication ne pourra être établie avec le MRCC Maurice.

13 h 40 : L'ancre bâbord n'est pas utilisable.

18 h 30 : La section aérienne de la gendarmerie confirme l'impossibilité d'engager un hélicoptère alors que le cyclone frappe La Réunion. Une demande pour connaître la disponibilité des hélicoptères de la Police Helicopter Squadron (PHS) est faite à travers le MRCC. Ce dernier, incapable de répondre, demande qu'une requête soit adressée par courrier électronique.

20 h 03 : Un des deux moteurs de propulsion est hors service et sa capacité de manoeuvre est altérée.

20 h 55 : Le navire percute la côte volcanique du Tremblet. La double coque est éventrée. Le capitaine demande une évacuation immédiate de son équipage. Après quelques minutes, le navire n'a plus d'énergie et la lumière à bord s'éteint.

01 h 44 : Une tyrolienne est installée par les pompiers pour une évacuation de l'équipage. Un premier secouriste monte à bord pour mettre en place un baudrier.

02 h 01 : C'est le début de l'évacuation des membres d'équipage.

03 h 23 : Le dernier membre d'équipage est à terre.

Amende de Rs 100 millions

Des amendements sont prévus à la «Merchant Shipping Act», dans le «Finance (Miscellaneous Provisions) Bill 2023», pour renforcer la sécurité maritime. En effet, en cas de naufrage, par négligence ou une intention de provoquer un accident maritime de la part du capitaine, de l'armateur ou de l'exploitant du navire, et qui entraînerait des dommages humains ou environnementaux, soit une menace à la sécurité nationale, ils devront s'acquitter d'une amende de Rs 100 millions et d'une peine de prison de 60 ans. De plus, tous les frais engagés par le gouvernement seront payés par l'armateur, l'agent, l'opérateur ou l'assureur du navire.

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