Afrique: Les Seychelles lancent des instruments de financement novateurs et font appel au fonds du FMI pour le climat

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Grâce à des instruments de financement novateurs, les Seychelles parviennent à concilier conservation de la nature et développement économique. Cette nation insulaire d'Afrique de l'Est tire l'essentiel de ses revenus du tourisme et de la pêche. Les Seychelles ont été le premier pays à émettre une obligation bleue et à déclarer la protection de ses zones côtières fragiles, en échange d'un nouvel accord lui permettant de se libérer d'une partie de sa dette souveraine.

C'est désormais le deuxième pays africain, après le Rwanda, à bénéficier de la facilité pour la résilience et la durabilité (FRD) du FMI, qui a pour objet d'aider les pays disposant d'une marge budgétaire limitée à relever des défis à long terme, tels que le changement climatique et la préparation aux pandémies.

Dans un entretien accordé à Focus-Pays, Naadir Hassan, ministre des Finances, de la Planification économique et du Commerce des Seychelles, et Calixte Ahokpossi, chef de mission du FMI, décrivent la FRD et l'approche novatrice des Seychelles pour assurer le financement et la réalisation de leurs objectifs en matière de climat.

Quelles sont les répercussions du changement climatique sur l'économie des Seychelles ?

Hassan : Pays insulaire au relief peu élevé, les Seychelles dépendent en grande partie de leurs zones côtières et sont donc particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. Quelque 90 % de la population et la plupart des infrastructures essentielles du pays, les centrales électriques, les installations de stockage des produits alimentaires, les ports, etc. sont concentrés sur l'étroit plateau côtier qui entoure Mahé, Praslin et La Digue, les principales îles peuplées du pays. L'élévation continue du niveau de la mer accroît le risque d'érosion côtière, d'intrusion d'eau salée dans les sources d'eau douce et de dégâts sur les constructions et les infrastructures.

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Par ailleurs, le changement climatique menace les plages et récifs coralliens préservés du pays, qui sont des attractions touristiques majeures. Le tourisme est un secteur économique crucial pour les Seychelles, car il représente plus de 20 % du PIB et assure un quart des emplois.

En dernier lieu, le changement climatique altère les populations de poissons en modifiant les courants océaniques, la température de l'eau et les écosystèmes. Ces perturbations peuvent provoquer une réduction des stocks halieutiques et nuire à l'économie et aux moyens de subsistance de nombreux habitants.

Nous sommes conscients de l'urgence de la lutte contre le changement climatique. Ainsi, nous avons été très impliqués dans les négociations internationales sur le climat. Nous avons également défini des stratégies globales d'adaptation et d'atténuation. À long terme, nous entendons effectuer une transition vers les énergies renouvelables afin d'atteindre notre objectif d'émissions nulles d'ici 2050. Mais les coûts de mise en oeuvre sont considérables ; ils dépassent 600 millions de dollars sur les dix prochaines années, soit environ 5 % du PIB par an. Nous sollicitons l'aide financière des organismes internationaux pour soutenir notre action.

Quel sera le rôle de la facilité pour la résilience et la durabilité du FMI ?

Hassan : L'appui financier permet de dégager un espace budgétaire indispensable pour mettre en oeuvre des mesures de renforcement de la résilience, d'atténuation des effets du changement climatique et de promotion d'un développement durable. Il devrait également aider à mobiliser d'autres sources de financement privé pour des projets liés au climat. En outre, l'assistance technique et le renforcement des capacités assurés par le FMI nous aideront à améliorer nos cadres institutionnels et politiques.

Les Seychelles ont été le premier pays à mener à bien un échange dette-climat en faveur de la conservation du milieu marin. Quelles sont les autres options de financement novatrices que vous envisagez dans le domaine du climat ?

Hassan : En plus de l'échange dette-climat, les Seychelles ont lancé en 2018 la première obligation bleue souveraine au monde, un instrument financier inédit pour soutenir des projets durables dans le domaine marin et halieutique. L'obligation a permis de lever 15 millions de dollars auprès d'investisseurs internationaux. Cette opération confirme la possibilité pour les pays de recourir aux marchés des capitaux pour financer l'utilisation durable des ressources marines.

À l'avenir, les Seychelles sont disposées à considérer d'autres options novatrices de financement de la lutte contre le changement climatique, telles que l'échange de droits d'émission de carbone et les obligations de développement durable.

Le changement climatique est un enjeu vital pour notre pays. Pour relever ce défi, nous devons faire preuve de créativité et d'innovation. Nous tâchons de tirer parti de toutes les options qui s'offrent à nous.

Quelles sont les réformes proposées dans le cadre de la FRD ?

Calixte Ahokpossi : Les mesures de réforme se répartissent en trois catégories. Premièrement, l'investissement public et la gestion budgétaire. La FRD permettra la révision des procédures budgétaires et d'évaluation des projets afin de promouvoir les investissements dans des infrastructures résilientes au changement climatique. Deuxièmement, le secteur financier. Un objectif de la FRD est de permettre aux Seychelles d'accéder plus facilement aux fonds climatiques et de renforcer la résilience du secteur financier. Pour ce faire, les banques seront soumises à des tests de résistance, et les informations pertinentes seront rassemblées et communiquées. Troisièmement, l'atténuation et l'adaptation. La FRD aidera le pays dans sa transition vers les énergies renouvelables, dans l'adoption de codes de construction tenant compte du changement climatique et dans l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies de financement des risques de catastrophes.

Comment comptez-vous assurer le suivi des progrès accomplis ?

Calixte Ahokpossi : Nous suivrons la procédure standard pour les revues. Les revues au titre de la FRD seront effectuées en même temps que les revues au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC), qui vise à améliorer la stabilité macroéconomique et les cadres de politique générale des Seychelles et à favoriser une croissance inclusive. Lors de ces revues, les progrès réalisés seront évalués, par rapport à des objectifs prédéterminés, pour chaque mesure de réforme au titre de la FRD. En outre, les autorités présenteront des informations actualisées sur leur programme général d'action climatique.

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