Soudan: A El Fasher, les équipes MSF ont pris en charge plus de 1 000 blessés de guerre

communiqué de presse

Les équipes MSF travaillent depuis février 2023 dans l'hôpital Sud d'El Fasher, capitale de l'État du Darfour du Nord au Soudan. Suite au déclenchement du conflit il y a trois mois et en soutien au ministère de la Santé, elles ont réorganisé les services et réorienté les activités médicales pour pouvoir répondre aux besoins de la population. Mohammed Alfaqeeh, coordinateur de projet MSF, témoigne du travail effectué et de la situation en cours

Que se passe-t-il actuellement dans la ville d'El Fasher ?

La situation à El Fasher, la capitale du Darfour du Nord, reste tendue. Les combats se poursuivent depuis le début du conflit le 15 avril et divers groupes militaires et armés opèrent dans la région. Les Forces armées soudanaises (FAS) et le gouverneur du Darfour contrôlent la ville, où des barrages routiers ont été placés aux entrées de chaque quartier résidentiel. Il y a aussi de nombreuses barrières et points de contrôle à travers El Fasher. Malgré les promesses de cessez-le-feu, la ville est toujours attaquée et cette violence continue a eu un impact significatif sur les habitants.

En raison des combats et des risques de pillage, le marché central est fermé depuis des semaines et seuls quelques magasins ouvrent parfois leurs portes. Les salaires ne sont pas versés et le manque d'activités économiques a gravement affecté la population, en particulier les travailleurs précaires.

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Des problèmes de transport ont empêché l'arrivée de nombreux articles essentiels. Les routes reliant El Fasher à d'autres localités, telles que les villes de Kutum, Tawila et El Obiud, sont partiellement fermées. De nombreuses milices opèrent le long de ces routes et dépouillent les passagers. Les options pour l'approvisionnement de la ville sont limitées et dangereuses. La rareté des ressources a entraîné une flambée des prix, exacerbant les difficultés auxquelles les gens sont confrontés. La fermeture de toutes les banques (certaines ayant été pillées) a ajouté à la pression économique. Et bien que quelques convois escortés aient réussi à faire venir quelques vivres de Port-Soudan, les pénuries persistent.

Comment le système de santé est-il affecté par les combats en cours ?

Le ministère de la Santé a du mal à répondre à l'énorme demande en soins de santé. Malgré des dons de l'Organisation mondiale de la Santé, il y a un manque général de fournitures, un financement insuffisant et un soutien très limité des ONG internationales, dont beaucoup ont quitté la région lorsque le conflit a commencé. Seuls 10 à 15 établissements de santé sont opérationnels à El Fasher, contre plus de 100 avant le début du conflit actuel.

Le manque de carburant a récemment été la source d'une interruption d'approvisionnement en électricité et en eau de la ville pendant trois semaines. Les conséquences de cette situation ont été désastreuses. Plus de 100 personnes nécessitant des dialyses sont décédées faute de pouvoir recevoir un traitement. MSF a depuis reçu une demande pour fournir du carburant à ce centre de dialyse, et nous leur fournissons maintenant 800 litres par mois.

En juin, le ministère de la Santé du Darfour du Nord a reçu sa première cargaison de fournitures médicales en provenance de Port-Soudan. C'est la seule cargaison que l'État ait réceptionnée depuis le début de la crise et les articles envoyés n'étaient pas uniquement destinés à El Fasher. Malheureusement, la semaine dernière, un entrepôt du ministère de la Santé, situé dans la partie orientale d'El Fasher, a été pillé, ce qui a encore aggravé les pénuries. Bien que certaines pharmacies privées continuent d'être partiellement opérationnelles, elles sont également confrontées à des défis liés à des pénuries générales de médicaments.

Dans ce contexte, quel soutien apporte MSF à l'hôpital Sud d'El Fasher ?

MSF soutient l'hôpital Sud d'El Fasher depuis février de cette année et, à ce jour, avec le personnel du ministère de la Santé, nous avons soigné plus de 1 000 blessés de guerre. Avant le début du conflit, l'hôpital, principalement dédié aux soins obstétricaux, n'avait pas de capacité chirurgicale. Nous devions transférer les cas urgents ou les complications, comme les césariennes, vers un hôpital voisin. Lorsque le conflit a commencé et que tous les autres hôpitaux de la ville ont été contraints de fermer, les chirurgiens de ces autres hôpitaux sont venus volontairement opérer les blessés de guerre dans cet hôpital. Nous avons ensuite travaillé avec le ministère de la Santé pour doter l'hôpital d'une capacité de prise en charge chirurgicale.

Actuellement, MSF est responsable des services de maternité et de chirurgie au sein de l'hôpital. Nous avons recruté 140 personnes et procédé à des modifications de l'aménagement pour améliorer la prise en charge des patients. En conséquence, l'hôpital Sud dispose désormais de deux blocs opératoires, d'un laboratoire et d'un service de radiographie, et fournit des services médicaux aux blessés de guerre, aux personnes souffrant de maladies chroniques ou de problèmes de médecine interne. Nous avons également remplacé le groupe électrogène de l'hôpital et amélioré ses connexions électriques internes, assurant ainsi une alimentation électrique constante dans tout l'établissement. En outre, nous avons réhabilité les infrastructures d'eau et d'assainissement.

Quelle est la situation actuelle à l'Hôpital Sud ?

L'hôpital Sud est désormais le seul hôpital de référence pour l'ensemble de l'État du Darfour du Nord. D'autres établissements ont été contraints de fermer lorsque le conflit a commencé. L'hôpital pédiatrique, par exemple, a été pillé, tandis que d'autres ne fonctionnent que partiellement en raison du manque de médicaments. En conséquence, l'hôpital Sud est débordé. Il ne disposait que de 36 lits au début du conflit, et bien qu'il en compte aujourd'hui plus de 110, tous les services sont pleins et des patients sont toujours soignés dans les couloirs faute d'espace.

Nous recevons environ 10 blessés de guerre par jour, nous effectuons quatre à cinq interventions chirurgicales par jour et environ 50 changements de pansements. La plupart des cas que nous traitons actuellement proviennent des parties orientales d'El Fasher, ainsi que des villes de Kutum et Tawila. La ville de Tawila, et le camp de personnes déplacées qui s'y trouve, ont récemment été attaqués, faisant de nombreuses victimes et provoquant le déplacement d'environ 18 000 familles. Environ un quart d'entre elles sont arrivées à El Fasher, et la ville accueille également un certain nombre de personnes qui ont réussi à arriver ici depuis Kutum. Beaucoup nous sont parvenues dans un état critique et certaines ont signalé qu'en raison de la situation sécuritaire, il leur a fallu une semaine pour se rendre à l'hôpital.

Certaines personnes déplacées ont cherché refuge dans l'une des 40 écoles de la ville, et environ 600 personnes qui ont fui l'est d'El Fasher, Kutum et Tawila ont tenté de se réfugier dans l'enceinte de l'hôpital. Nous avons maintenant réussi à reloger quelque 500 personnes, mais il y en a encore une centaine qui vivent dans l'enceinte de l'hôpital.

Nous avons réussi à livrer 10 tonnes de fournitures chirurgicales à l'hôpital à la mi-mai 2023, depuis le Tchad. Cependant, en raison de multiples contraintes, il nous avait fallu six semaines pour faire entrer cette première cargaison dans le pays et la négociation de l'accès reste un énorme défi.

Comment la situation évolue-t-elle ?

MSF s'efforce de maintenir un approvisionnement régulier en médicaments, en carburant et en eau pour faciliter le bon fonctionnement de l'hôpital. Bien que la situation soit gérable pour le moment, nous espérons sincèrement que les événements catastrophiques qui se sont déroulés au début du conflit ne se reproduiront pas.

Au cours des 48 premières heures des combats, 136 blessés sont arrivés à l'hôpital Sud et 11 personnes sont décédées des suites de leurs blessures. Au cinquième jour, nous avions reçu 279 blessés et 44 étaient décédés des suites de leurs blessures. Aujourd'hui, le nombre de morts à El Fasher s'élève à plus de 300. À l'hôpital, 60 % des lits sont actuellement occupés par des blessés de guerre, dont beaucoup doivent composer avec des blessures qui ont changé leur vie.

Avec l'arrivée de la saison des pluies et, avec elle, des maladies comme le paludisme et le choléra, nous nous attendons à ce que la pression sur l'hôpital augmente considérablement au cours des prochaines semaines. Mais si les combats s'intensifient et que nous recevons un nouvel afflux de blessés, la situation redeviendra catastrophique. L'équipe est maintenant formée de manière à pouvoir faire face aux afflux massifs de blessés mais nous espérons que la situation ne se présentera pas.

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