Afrique de l'Ouest: Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal - Pourquoi la Guinée a suspendu sa participation

20 Juillet 2023
analyse

Non contente de la prise en compte de ses « préoccupations » et « intérêts stratégiques » par l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs), la Guinée a décidé de suspendre sa participation. Les raisons avancées par les autorités guinéennes cachent, en réalité, des frustrations relatives à la distribution des postes dans les instances de décision.

La 19e Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs), tenue le mardi 18 juillet, en visioconférence, a causé quelques frictions au sein de cette instance sous-régionale.

En effet, au sortir de cette réunion de haut niveau, dirigée par le Président de la Transition, Chef de l'État de la République du Mali, Assimi Goïta, et à laquelle ont pris part le Président de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh EL Ghazouani, le Président de la Transition de la Guinée, Président du Comité national du rassemblement pour le développement (Cnrd), le Colonel Mamady Doumbouya, ainsi que le Premier ministre du Sénégal, Amadou Bâ, représentant le Chef de l'État, Macky Sall, la Guinée a décidé de suspendre sa participation.

Dans un communiqué rendu public, juste après cette rencontre et lu à la télévision nationale, les autorités guinéennes ont annoncé que le pays gelait ses activités dans l'Omvs avec effet immédiat. Entre autres griefs soulevés, la non-prise en compte « des préoccupations et des intérêts stratégiques de la République de Guinée au sein de l'Omvs depuis la création de cette organisation ». Et le communiqué de citer, en guise d'exemples, « le retard considérable dans le financement du barrage hydroélectrique de Koukoutamba, situé dans la préfecture de Tougué, région de Labé », ainsi que « la sous-représentation de la Guinée au sein des instances décisionnelles de l'Omvs ».

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Frustrations

La question de la « sous-représentation » de la Guinée dans les instances de décision de l'Omvs semble être la principale raison de la décision des autorités guinéennes de suspendre leur participation à l'Omvs. En effet, l'un des points à l'ordre du jour de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de l'organisation était le renouvellement des instances dirigeantes, notamment la rotation de la présidence de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement et du Conseil des Ministres.

Ainsi, Assimi Goïta du Mali, qui assurait la présidence en exercice de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement, a été remplacé par Mohamed Ould Cheikh EL Ghazouani de la Mauritanie. Dans la même veine, Bintou Camara, Ministre de l'Énergie et de l'Eau de la République du Mali, a succédé au Ministre sénégalais de l'Eau et de l'Assainissement Serigne Mbaye Thiam comme président du Conseil des Ministres de l'Omvs.

Faut-il le rappeler, la présidence de la Conférence des Chefs d'État et celle du Conseil des Ministres sont occupées alternativement par les États membres, à savoir la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Mais, c'est moins ces deux décisions issues de la 19e Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de l'Omvs qui ont frustré les autorités guinéennes que le poste de Haut-commissaire adjoint de l'Omvs non pourvu. En effet, selon une source autorisée, ce poste devait être occupé par la Guinée, mais étant donné que la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement pense à sa suppression, il a été laissé vacant. Notre interlocuteur de préciser que ce poste avait été créé, il y a une dizaine d'années, pour régler des problèmes de...frustration. Aujourd'hui, sa suppression en a créé.

En 1971, la Guinée avait déjà quitté l'Omvs

Ce n'est pas la première fois que la Guinée exprime ses états d'âme sur le fonctionnement de cette structure sous-régionale. Membre fondateur de l'Organisation des États riverains du fleuve Sénégal (Oers), mise en place en 1968 et ancêtre de l'Omvs, la Guinée avait claqué la porte en 1971, un an avant que la structure ne change de dénomination. Ce n'est qu'en 2005 que la Guinée réintégrera l'Organisation après avoir signé, en 1992, un protocole-cadre de coopération avec l'Omvs, puis, en 2004, un accord instituant un Conseil interministériel Guinée/Omvs et une commission juridique et technique. L'ancien Premier ministre de la Guinée Kabiné Komara a occupé le poste de Haut-commissaire de l'Omvs entre 2013 et 2017. À sa suite, il y a eu le Malien Ahmed Diané Semega, de 2017 à 2022, et depuis novembre dernier, c'est le Mauritanien Mohamed Ould Ahmed Vettah qui dirige l'Omvs.

L'Omvs « regrette » la décision de la Guinée

L'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs) n'a pas tardé à réagir à la décision des autorités guinéennes de suspendre leur participation à l'instance intergouvernementale. Dans une note parvenue au « Soleil », l'Omvs dit « regretter profondément » cet acte. Sans aucun commentaire sur les griefs soulevés par la Guinée, l'instance sous-régionale assure qu'elle « s'attèlera, en relation avec ses hautes instances, à trouver les solutions appropriées aux raisons évoquées ». Considérée comme un modèle en matière de pilotage de l'exploitation et de la gestion rationnelle des ressources d'eau transfrontalières, l'Omvs, dans son communiqué, indique qu'elle continuera à contribuer au développement économique et social du bassin du fleuve Sénégal conformément aux objectifs pour lesquels elle a été créée en 1972.

Vers la création d'une banque de développement régionale

Outre le renouvellement des instances de décision, la 19ème Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de l'Omvs s'est penchée sur les orientations et instructions engageant l'ensemble du système Omvs afin de maintenir et renforcer la dynamique visant la réalisation des objectifs de l'Organisation, notamment la poursuite de la réalisation du Programme d'infrastructures commun. Après des échanges fructueux, la Conférence a pris acte du bilan du Conseil des Ministres présenté par le Président sortant, Serigne Mbaye Thiam, Ministre de l'Eau et de l'Assainissement de la République du Sénégal, lit-on dans le communiqué qui a sanctionné cette rencontre de haut niveau. Par ailleurs, on apprend que la Conférence a salué et soutenu « l'initiative visionnaire » de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani relative à la mise en place d'une Banque de développement multilatérale pour faciliter la mobilisation des ressources pour le développement du bassin du fleuve Sénégal. Dans cette optique, la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement a engagé le Conseil des Ministres, en rapport avec le Haut-commissariat de l'Omvs, à diligenter une étude pour une mise en oeuvre rapide de cette initiative.

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