Afrique: L'avenir de la musique classique africaine s'écrit en République Démocratique du Congo [3/3]

Cet été, RFI vous emmène sur les traces d'un métissage musical encore méconnu : la musique classique africaine. Ce courant, fruit de la rencontre entre les techniques classiques européennes et les traditions du continent, est inventé au Nigeria et au Ghana au début du XXe siècle. Son avenir, lui, pourrait bien s'écrire en République démocratique du Congo. Dans ce fief de la rumba, certains compositeurs se battent pour voir émerger une musique classique congolaise. Une série écrite et réalisée par Pauline Le Troquier avec l'aide de l'African Concert Series.

L'avenir de la musique classique africaine pourrait-il se jouer en RDC ? Certains compositeurs congolais montrent la voie aujourd'hui. Pourtant, dans ce bastion de la rumba, imaginer un métissage entre le classique européen et les musiques locales a longtemps relevé de l'impensable.

Dès sa naissance dans les années 50, la rumba congolaise rythme la marche vers l'indépendance. Dans le Léopoldville populaire bouillonnant, elle est érigée en référence nationale et ses artistes largement soutenus par le président Mobutu. Au contraire, la musique classique introduite par les colons belges au début du siècle n'est ni apprise, ni écoutée hors des cercles européens. Manda Tchebwa est musicologue congolais : « Tout mélange avec la rumba était alors considéré comme une agression contre la souveraineté de cette musique nationale qui est la référence absolue du peuple. »

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« On a joué Mozart, Bach, Schumann, mais quel a été notre apport ? »

Il faut attendre 1994 pour qu'une tout autre mélodie se fasse entendre à Kinshasa. Cette année-là, l'Orchestre symphonique kimbanguiste (OSK) naît à l'intérieur de l'Église kimbanguiste, un mouvement chrétien influent dans le pays. À ses débuts, l'orchestre jouait des messes et des oratorios. Depuis, ses 200 musiciens ont réalisé la prouesse de faire vivre le répertoire classique lors de concerts en RDC et au-delà, aux États-Unis.

« On a joué Mozart, Bach, Schumann... On a véritablement intégré les musiques occidentales chez nous. Mais si on doit se souvenir de notre passage sur Terre et parmi les musiciens classiques, quel a été notre apport ? » s'interroge Héritier Mayimbi, premier violon de l'orchestre symphonique et surtout précurseur dans l'invention d'une musique classique congolaise.

Depuis quelques années, Mayimbi tente aux côtés d'une vague de compositeurs de « donner naissance à une musique classique africaine » en RDC. Sa symphonie Luba en est le reflet. Loin des temps habituels du classique, le compositeur adopte le modèle rythmique de la tribu du même nom qui vit dans la province du Kasaï. Entre les instruments à cordes, les tambours soutiennent le pas d'une marche presque fantastique.

Les pygmées, un retour à la « racine » de la musique congolaise

L'Orchestre kimbanguiste compte un autre défricheur de la musique classique congolaise, son fondateur. Petit-fils de Simon Kimbangu, chef spirituel de l'Église kimbanguiste, Armand Diangienda se destinait à être pilote d'avion après des études aux États-Unis.

« Papa Armand », comme il est aussi appelé, œuvre aujourd'hui pour un changement de perspective dans l'univers classique congolais. Son travail repose sur la volonté d'y intégrer les musiques anciennes, considérées comme les plus « pures ». Lui a décidé de puiser dans la musique des Pygmées.

« J'ai choisi la musique des pygmées parce qu'ils ne sont pas trop en contact avec l'extérieur. Je me suis dit qu'ils pouvaient avoir quelque chose d'intéressant, explique Diangienda. Je trouve que c'est vraiment la racine même de la musique congolaise. Et j'aimerais me battre pour ne pas perdre cette racine-là. »

Sa symphonie Mon Identité utilise une structure et des instruments occidentaux, le tout dans une coloration typique pygmée, ici caractérisée par la polyphonie ou encore la répétition en écho.

En 2024, un festival de musique classique congolaise à Kinshasa

La scène classique congolaise cherche encore sa place aujourd'hui et pour ancrer définitivement ce courant, les écoles de musique misent sur les nouvelles générations.L'Institut national des Arts (INA) de Kinshasa fait office de laboratoire, où les élèves sont formés à ce nouveau répertoire depuis une dizaine d'années. Mais l'école manque encore de plateformes d'expérimentations, comme un orchestre symphonique.

Armand Diangienda est bien conscient de ce défi. Le chef de l'Orchestre kimbanguiste veut même organiser un festival pour encourager les jeunes compositeurs à créer dans un style classique congolais. Et pour que ce jour compte, le musicien a retenu une date symbolique : le 30 juin 2024, jour de la fête de l'indépendance congolaise.

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