Afrique: Mare-Chicose - Les camionneurs rongent leur frein face au délai des opérations

Scène intrigante en plein hiver et période de pluie au centre d'enfouissement de Mare-Chicose, avec une longue file de camions. Nombreux sont les camionneurs qui patientent pour pouvoir décharger les déchets en provenance des cinq centres de transfert de déchets dans le pays. En raison de ce délai excessif des opérations au centre d'enfouissement, des chauffeurs sont obligés de prendre leur mal en patience, d'autres personnes déplorent l'inaction des autorités face à un problème qui, selon eux, perdure depuis longtemps, et des propriétaires de camions font les frais de la perte de leurs revenus.

À 9 heures ce jeudi, une longue file de camions transportant des déchets en provenance des cinq différents centres de transfert de déchets du pays, nommément Poudre-d'Or, Roche-Bois, La Chaumière, La Brasserie et La Laura, retient notre attention. En effet, ces poids lourds patientent en vue de décharger les déchets sur place avant de repartir pour leurs centres de collecte respectifs. À Mare-Chicose, le gigantesque empilement de déchets, situé entre la montagne du Mont Vernon, se distingue de loin.

Quelques travailleurs se consacrent à leurs activités de nettoyage. Bravant le froid, les camionneurs attendent leur tour, tout en éteignant le moteur de leur véhicule pour éviter toute perte de carburant. Ils seront là pendant des heures. «Je suis arrivé aujourd'hui à 8 heures du centre de collecte de déchets. Vu le nombre de camions qui me précèdent, je ne partirai pas d'ici avant 14 heures», confie un camionneur.

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La raison de ce délai pour le traitement des déchets, explique-t-il, est la construction en cours pour agrandir le site afin de pouvoir contenir tous les déchets, car le lieu est déjà sursaturé. «Vu la saturation et le manque d'espace pour stocker tous les déchets, des travaux d'agrandissement sont en cours. De plus, la plateforme servant à décharger les déchets du camion est petite, entraînant un délai dans la durée des activités de chaque camion.» Au moment où un poids lourd achève ses opérations, ils sont déjà nombreux à patienter dans la file d'attente, car ce centre d'enfouissement bourdonne à chaque instant de l'arrivée des camions en provenance des centres de transfert de déchets.

Ce délai, affirme le camionneur, pose également des problèmes de productivité. «Je suis censé effectuer deux ou trois trajets du centre jusqu'ici pour décharger les déchets, mais vu ce retard, surtout à cause des conditions météorologiques, je ne peux en effectuer qu'un», relate-t-il. «Certains camionneurs viennent même se mettre en attente à 1 heure, 2 heures voire 5 heures du matin. Zot vinn bar zot plas. Heureusement», dit-il, «nou reussi gagnn nou zourne.»

L'inaction des autorités déplorée

Une source proche du dossier nous explique que ce problème se pose à trois égards et dure depuis plus de deux ans. Premièrement, il n'y a pas d'équipement approprié pour assurer le bon déroulement des opérations. Par ailleurs, l'équipement actuellement utilisé est inefficace face à la quantité de déchets jetés quotidiennement sur le site. «Il devrait y avoir quatre à cinq machines fonctionnant sur le site, telles que des bulldozers et des compacteurs de déchets, qui transportent les déchets transportés par les camions et les compressent en vue de leur stockage. Actuellement, il y a une seule machine, entraînant un délai supplémentaire pour le rangement des déchets issus d'un camion, d'où un retard cumulatif pour tous les autres.»

Ensuite, la plateforme destinée à la collecte des déchets est elle-même petite, ajoutant au problème. «L'espace réservé à la décharge étant restreint, il faut du temps pour que tous les déchets soient déchargés du camion. De plus, avec un nombre inadéquat de machines convenables, la gestion et la compaction de ces déchets prennent également du temps. Idéalement, selon les conditions de travail, l'ensemble du processus d'entrée des camions sur le site d'enfouissement de Mare-Chicose, de déchargement des déchets et de sortie des camions du site, devrait durer 40 minutes. Mais avec des heures de retard, ce sont les propriétaires des camions et le personnel des centres de transfert de déchets qui en font les frais.»

Notre interlocuteur, qui a préféré témoigner sous couvert d'anonymat, avance également que ce problème a été évoqué plusieurs fois auprès du gérant du centre d'enfouissement de Mare-Chicose ainsi qu'auprès du ministère - à qui de nombreuses lettres ont été envoyées - mais qu'aucune mesure n'a été prise. «Une préoccupation majeure est aussi que les déchets ne sont actuellement pas compactés pour être stockés, ce dans un lieu déjà surchargé. Nous avons évoqué le problème à plusieurs reprises, mais les autorités font la sourde oreille.»

Si pour les camionneurs, la patience est une vertu, pour les propriétaires de camions, ce délai entraîne des conséquences directes sur leurs revenus. «Les gérants de centres de transfert de déchets sont payés par le ministère en fonction de chaque tonne de déchets qu'ils transfèrent au centre d'enfouissement de Mare-Chicose. Les gérants possèdent quelques camions et embauchent les autres auprès de propriétaires individuels de camions, qu'ils rémunèrent à leur tour en fonction des tonnes de déchets que ces camions transportent depuis le centre de transfert jusqu'au site d'enfouissement.»

À titre d'exemple, si un propriétaire destine son camion au transfert des déchets du centre de transfert à Mare-Chicose et confie la tâche à ses chauffeurs, «il estimerait qu'en une journée, son véhicule effectuerait trois trajets et transférerait suffisamment de tonnes de déchets pour toucher un montant rentable, comme Rs 15 000. Mais vu le délai, avec seulement un voyage effectué, cela signifie nettement moins de tonnes de déchets transférés, donc moins de revenus pour les centres de transfert, ainsi que pour les propriétaires de camions tels que Rs 5 000. Cela n'est pas viable car les frais de main-d'oeuvre restent les mêmes et à la fin du mois, les déductions d'emprunt ou les dépenses ménagères demeurent inchangées.»

L'express a sollicité par courrier électronique plus de renseignements concernant cette situation à un représentant de Sotravic Limitée, qui s'occupe de Mare-Chicose. A l'heure où nous mettions sous presse, une réponse à nos questions était toujours attendue. Nous avons aussi sollicité le ministère de l'Environnement, mais un retour était toujours attendu.

Audit et ONU

Des situations problématiques constatées au centre d'enfouissement de Mare-Chicose ont été la cible de critiques ainsi que de plusieurs études au cours des dernières années, avec plusieurs rapports dénonçant la situation dangereuse à laquelle ce centre d'enfouissement était confronté en raison de sa mauvaise gestion. Par exemple, le bureau de l'Audit avait, dans son rapport intitulé «Environment Protection - Ensuring Proper Disposal of Hazardous Wastes», fait une visite en mai 2017 et souligné que, entre autres, des déchets électroniques étaient exposés dans des espaces ouverts et sur le sol.

En septembre 2022, Marcos Orellana, Rapporteur spécial des Nations unies sur les incidences sur les Droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, avait fait état de la situation alarmante de la gestion des déchets au centre d'enfouissement de Mare-Chicose. Puis, en novembre dernier, un grave incendie s'est produit sur le lieu.

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