Afrique: Panique dans le camp zambien - Paul Biya, l'ambazonien en fuite

24 Juillet 2023

Hier soir, dans le cadre de la Coupe du Monde féminine de football qui se joue actuellement en Australie et en Nouvelle-Zélande, l'équipe nationale de Zambie, 77e au classement FIFA, affrontait l'armada japonaise, 8e au classement et vainqueur du mondial 2011, menée par la capitaine et vétérane Saki Kumagai. Et alors qu'elles affirmaient avant la rencontre n'avoir « peur de personne » et être « capables de tenir tête à n'importe quel adversaire », les coéquipières de Barbra Banda ont subi la dure loi du haut niveau, balayées 5-0 comme par une bourrasque, par les filles du Soleil levant.

Car après la théorie, il y a le fait ; au-delà des grandes paroles, il y a la réalité du terrain (au propre comme au figuré). Et donc, la promptitude à hausser les épaules doit correspondre à la capacité à concrétiser ce qu'on a affirmé. Dans le cas contraire, on court droit vers la désillusion. C'est exactement ce que nous dit l'écrivain camerounais Joseph Ngoué dans son livre « La Croix du Sud », publié en 1984 : « plus haut grimpe le chimpanzé, plus retentit sa chute quand survit l'arbaletrier à l'oeil sûr. »

Ce que nous avons remarqué ici, c'est que pendant longtemps les joueuses zambiennes ont semblé miser sur la providence divine pour tenir face aux vagues nippones. La discipline des japonaises, dans cette équipe réglée comme une horloge suisse, aurait pourtant dû leur mettre la puce à l'oreille et leur faire comprendre que la rencontre serait archi compliquée. Mais sans doute ont-elles considéré ce but refusé à la 23e minute (pour hors-jeu) à l'attaquante Mina Tanaka, comme un signe du destin en leur faveur. Par conséquent, elles n'ont alors pas jugé qu'il était impératif pour elles de réajuster leur tactique, notamment en prenant plus d'initiatives offensives. L'impression qui s'en est dégagée fut alors plutôt celle d'une volonté de protéger le statut quo. Et sur ces entrefaites, l'inévitable a fini par survenir, avec l'ouverture du score de la jeune Hinata Miyazawa, 23 ans, juste avant la pause.

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La manita

Mais les habitudes, dit-on, ont la peau dure. C'est ainsi qu'au début du second acte (50e), le nouveau but refusé à Tanaka, décidément malchanceuse, a fait renaître dans l'esprit des Zambiennes l'idée saugrenue que, même sans pousser pour tenter au moins une frappe cadrée, elles pourraient renverser la vapeur et sortir victorieuses de leur duel du jour. Et cette conviction délirante a dû se renforcer davantage après qu'un penalty sifflé à la 52e a été par la suite... annulé par la VAR ! Décidément, Dieu était du côté de la Zambie en ce jour de Sabbat ! Et on le sait tous, quand on est béni du Seigneur, rien ne peut nous arriver !

Sauf que les croyances n'engagent que ceux qui y croient. Les deux buts inscrits coup sur coup par Mina Tanaka (enfin !) trois minutes plus tard et par Miyazawa (pour un doublé) à la 62e, ont fini par faire comprendre aux filles en bronze de la CAN 2022 (troisièmes derrière l'Afrique du Sud et le Maroc) que Dieu n'avait rien à voir dans cette histoire. Et pour les récalcitrants qui auraient continué de douter, le quatrième pion marqué à la 71e par la joueuse d'Angel City (USA) Jun Endo, ainsi que le pénalty transformé dans les toutes dernières secondes par Riko Ueki, ont définitivement scellé le sort des joueuses du sieur Bruce Mwape. Le verdict est une « Manita » nette et sans bavures : 5 - 0. Cinq, comme les doigts d'une main humaine.

Et parce que Dieu est capricieux et qu'il agit parfois aussi en faveur de nos adversaires, il faut noter que le fameux pénalty d'Ueki a d'abord été raté par celle-ci, avant que l'arbitre ne lui accorde une seconde chance, en raison d'une sortie prématurée de Catherine Musonda hors de ses cages. Comble de malheur, la pauvre gardienne prendra un carton rouge dans la foulée, ce qui la prive d'ores et déjà de la prochaine rencontre, face à la monstrueuse équipe d'Espagne et sa constellation d'artistes autour de la double Ballon d'Or en titre, Alexia Putellas.

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Ce que l'on croyait être une bénédiction céleste peut donc s'avérer n'être qu'un traquenard, un véritable couteau à double tranchant, un bulldog baveux, impatient de mordre son propre maître. En football comme en politique, celui qui se voit trop fort et trop beau trop vite s'expose à un réveil des plus mouvementés.

Les mauvais calculs de Biya

Au Cameroun, le scénario est à peu près similaire. Mais d'abord, souvenez-vous : il y a quelque temps je vous évoquais une célèbre anecdote concernant Néron, funeste empereur romain qui, en l'an 64, et alors que Rome brûlait sous un violent incendie, a préféré aller s'asseoir sur une colline, le mont Quirinal, et s'est mis à jouer de la lyre, son instrument de musique, plutôt que de gérer l'extinction du feu en tant que chef suprême. Et je vous faisais constater que c'est de la même façon que Biya, prince de la fainéantise, procède face à la crise du NOSO. Au moment où le Cameroun brûle, au moment où les sécessionnistes se radicalisent de plus en plus et se mettent à traquer tous ceux qu'ils considèrent comme des « étrangers francophones » dans « leur pays » pour les assassiner ou les chasser, le vieil empereur d'Etoudi est en balade à Genève depuis un mois, en train d'écouter les berceuses de sa femme Chantal, la tête posée sur ses genoux.

À présent, constatez l'analogie entre la déroute de la Zambie de ce samedi soir et la déroute de la méthode Biya sur la crise anglophone. Au début du conflit, le régime (ou plutôt le Gang) de Yaoundé a, par réflexe macabre, opté d'entrée de jeu pour une ruse qui lui avait toujours porté chance jusqu'ici, à savoir, la méthode du pourrissement*. Elle consistait à empêcher l'expression de toutes les voix dissidentes et à générer ainsi une sorte de paralysie politique, un immobilisme où il ne se passe rien, et où toutes les alarmes s'avèrent n'être que de fausses alertes, comme des hors-jeu qui se succèdent. Alors les jours se suivent et se ressemblent, et l'on mise sur le fait que ce statu quo qu'on a fabriqué finira par épuiser la résistance de nos opposants.

Et en parallèle, on sait que l'usage de la force à chaque début de contestation populaire génère une crainte continue, qui finit par étouffer ladite contestation. Ça a toujours fonctionné à tous les coups, donc forcément, cette fois aussi, ça marchera !

Alors on a la grande gueule. On se met à dire avec Jean Jacques Ze qu'on va « dératiser » la zone anglophone ; on déclare aux côtés de Famé Ndongo que ce n'est qu'une question de temps et qu'« en six mois tout sera réglé » ; on affirme comme Owona Nguini qu'en réalité « il n'y a même pas de crise anglophone ». Comme cette Zambie candide persuadée de sa bonne étoile, on sait que la chance nous a toujours souri et que nos adversaires ont toujours courbé l'échine face à nos lugubres stratagèmes. Nous avons tout obtenu de la part des arbitres : hors-jeu sifflés, buts non-validés et, bien entendu, pénaltys refusés à l'adversaire. Et on commence à clamer à qui veut l'entendre qu'on n'y peut rien, car « c'est Dieu qui a installé Biya, le père de la nation, à Etoudi ». Donc, si toutes les campagnes contre lui ont échoué à ce jour, c'est parce qu'il est béni par Dieu lui-même.

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L'instant de panique

Mais comme vous pouvez le constater après plus de six ans, les « Ambaboys » ont fini par inscrire un but à Bamenda, puis un autre à Muyuka, puis un à Batibo, un à Ngarbuh, un à Kumba, un à Buea, et ainsi de suite. Il faut d'ailleurs préciser qu'ici, le cap de la simple Manita a été dépassé depuis fort longtemps. Ici, ça ne brûle pas que dans cinq villes, ça brûle de partout ! Car ceux que le Gang de Yaoundé a radicalisés à coups de matraque et de musellement et en pariant sur le soutien divin, ont fini par se rebeller et par crier vengeance. À présent, les voilà encore plus déterminés à faire la guerre que ceux-là mêmes qui les ont poussés à cette guerre. En témoignent les exactions de plus en plus impitoyables qu'ils commettent.

Ces derniers jours notamment, les images qui nous parviennent de Bamenda font froid dans le dos. Les séparatistes ont désormais décidé d'éliminer toute chose qui leur évoque le pouvoir central de Yaoundé, du commerçant débrouillard du quartier ayant grandi avec eux, au citoyen le plus lambda du quotidien. Ils chassent, pourchassent, traquent et tuent leurs semblables avec deux fois plus d'ardeur que depuis 2017, le tout dans une guerre stupide, causée par un dirigeant à la vision politique tout aussi idiote. Un « pète de la nation » incompétent et paresseux, incapable de réajuster sa politique en reconnaissant d'une part son erreur grossière, et en initiant une vraie offensive pacifique pour régler cette erreur : un dialogue, un vrai, incluant les sujets qui fâchent, et les personnes qui fâchent. C'est tellement simple, mais ça exige un courage que seuls les hommes intelligents possèdent.

Au lieu de ça, notre médiocre jouisseur de 90 ans est en villégiature sur les rives du Léman, en Suisse, pays où le dialogue inclusif et la consultation populaire sont inscrits dans les globules rouges de la population. Chez lui, il n'a aucune idée de ce que c'est. Rome brûle et Néron joue de la lyre sur les montagnes helvétiques. Les Ambaboys assassinent leurs congénères et le Premier Ambaboy, celui-là même qui les a transformés ainsi en raison de sa brutalité animale, est en fuite à Genève, laissant à d'autres humoristes tout aussi incompétents le soin de réparer son désordre. Entre fainéantise et maladie chronique, entre bilan économique nauséabond et insécurité absolue, entre échec de l'esbroufe et radicalisation ultime, c'est définitivement la panique dans le camp zambien. Et à l'heure du bilan, aucun de ces Malfrats en costard ne voudra reconnaître sa responsabilité dans la Manita nationale que les Camerounais des deux berges du Mungo sont en train de vivre.

Mais alors... étant donné que la défaite sur la rive gauche est d'ores et déjà actée (vu que, comme je l'ai écrit il y a plus de trois ans, Paul Biya n'a aucune chance de résoudre cette crise par les armes), étant donné que les « autorités » d'Ambazonie expulsent déjà les ressortissants de la Camerounie, que fera le capitaine de la Zambie quand le feu et le sang auront franchi pour de bon la rive droite ?

Sans doute l'élimination au premier tour.

(Car nul ne va au Mondial en comptant sur la chance ; sauf les sorciers)

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