Ile Maurice: Crèches dans les entreprises - Des petits bouts, de gros défis

Mettre en place une garderie au sein d'une entreprise comptant plus de 250 employés. L'idée a été formulée lors de la présentation du Budget 2023-24 et approuvée dans le «Finance Bill», mardi dernier, à l'Assemblée nationale.

Elle commence à germer dans l'esprit de certaines entreprises, alors que d'autres anticipent. Cette annonce favorisera-t-elle un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle ?

Pensez à cette image : celle de Monsieur Nounours, assis dans un bureau avec sa cravate, son petit uniforme et son sourire charmeur. Il veut devenir le meilleur ami de plusieurs petits, âgés de trois mois à trois ans. Et il n'est pas le seul. D'autres peluches l'accompagnent au même titre que des cahiers à colorier, des legos Duplo et des livres d'histoires avec pleins de jolis dessins. Il semble que cette initiative de créer un environnement accueillant et familial au sein des entreprises pourrait être envisageable d'ici peu. Le but : offrir la possibilité aux parents de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Les chefs d'entreprise pourraient motiver leurs employés-parents en leur permettant de garder un lien étroit avec leurs enfants pendant les heures de travail.

Ce serait un soulagement, avance Jaya. Cette dernière est mère de deux enfants âgés de deux et quatre ans. Elle raconte que le matin, c'est la galère. Elle doit courir de chez elle à la garderie, sans oublier qu'en fin de journée, elle doit quitter son entreprise le plus rapidement possible afin de récupérer les petits. «Si l'entreprise envisage d'avoir une crèche, cela nous faciliterait la vie et nous serions également moins stressés.»

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Ce qui la rend encore plus inquiète, ce sont les jours où les enfants sont malades. «On demande aux responsables de la crèche de leur donner leurs médicaments. Mais on ne peut pas être à 100 % sûrs que cela se fait correctement. Avec une garderie dans la compagnie, je pourrais m'y rendre aux heures adéquates et les administrer.»

Au cas par cas

Toutefois, plusieurs questions surviennent, surtout quand on parle de l'environnement de travail. Sans dévaloriser aucun secteur, il faut le reconnaître, l'atmosphère au sein d'une usine de textile n'est pas la même qu'au sein d'une banque. Pour Jane Ragoo, c'est un facteur qui doit être grandement pris en considération. «Cela ne peut pas être un one-size-fits-all.

On ne peut laisser les petits dans un lieu où ils entendent du tapage et où la poussière est omniprésente. Cela risque de les affecter», soutient la secrétaire de la Confédération des travailleurs du secteur privé. Une raison pour laquelle la syndicaliste demande que des professionnels en aient la charge. Sans oublier que ces garderies devront aussi avoir des heures flexibles. «Il ne faut pas oublier qu'il y a des parents qui quittent leur domicile à sept heures et ne finissent le travail qu'après 17-18 heures.»

En tout cas, cette mesure ne doit pas entraîner de discrimination, une fois mise en place au sein des différentes entreprises. «On sait combien il est difficile pour les mamans de quitter les petits après les trois premiers mois.» Selon Jane Ragoo, il faudrait aussi que ces enfants, ayant atteint l'âge de trois ans, soient placés sous le ministère de l'Éducation et non sous celui de l'Égalité des genres et du bien-être de la famille. «Des études ont prouvé que, de la naissance à six ans, si l'enfant a déjà une bonne éducation, il deviendra demain un meilleur adulte.»

Avoir un bon départ dans la vie est le combat de l'Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy. Elle avance qu'un travail de sensibilisation est réalisé depuis deux ans pour faire comprendre à tous que les bébés ont des droits. «On défend ces enfants car ils ne peuvent pas encore parler. Mais ils ont besoin d'un bon départ dans la vie.» Avoir une crèche sur le lieu de travail de la mère promouvra le droit de l'enfant, confie notre interlocutrice, tout comme l'allaitement. «J'espère que cette mesure sera rapidement mise en place car elle permettra aux mamans d'allaiter leurs petits. Elles pourront avoir l'esprit tranquille, surtout quand l'enfant est malade car elles pourront subvenir à ses besoins.»

Cette idée peut être considérée comme avant-gardiste. «En tout cas, elle facilitera la relation entre la maman et son enfant. On sait que lors de leur séparation, les deux parties sont anxieuses.» Toutefois, elle concède qu'il faut procéder au cas par cas. «La crèche se doit d'être un lieu très propre, où l'hygiène est importante.» De même, il y a une unité au sein du ministère de l'Égalité des genres et du bien-être de la famille qui aura pour tâche de superviser ces crèches.

Vers une garderie inter-entreprises: les implications à examiner

L'idée d'une garderie inter-entreprises a été suggérée et examinée pour une possible mise en pratique. Les entreprises y réfléchissent sérieusement, mais elles sont également conscientes des implications qui en découlent. Selon Areff Salauroo, président de l'Association of Human Resource Professionals of Mauritius, et Chief Executive Officer de La Sentinelle Group : «Cela s'annonce très compliqué car avoir une garderie au sein d'une entreprise requiert des compétences spécifiques. Les enfants demandent beaucoup d'attention et seules les personnes qualifiées peuvent s'en occuper. De plus, il faudra une bonne couverture assurance car les risques sont importants.»

Face à cette tâche, il sera nécessaire de conseiller et d'épauler les membres pour mener à bien cette initiative, soutient Areff Salauroo. Toutefois, la question a déjà été évoquée au sein des entreprises. En effet, des réflexions et des discussions approfondies ont déjà eu lieu à ce sujet. «J'avais proposé des 'garderies inter-entreprises' afin que cette proposition ait plus de succès. Une garderie isolée dans une entreprise est moins attrayante qu'une garderie inter-entreprises où quelques entreprises collaborent pour avoir une garderie de qualité avec des vraies facilités. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de faire vite et de démontrer le 'compliance' sans être totalement prêt.»

Il ne faut pas oublier qu'un tel projet demande d'importants investissements financiers. «Ce n'est pas uniquement financier, mais également en termes d'autres ressources : l'environnement, le lieu, les ressources humaines qualifiées, le matériel, les équipements, les soins et les suivis médicaux, entre autres. Il ne faut pas que nous encouragions des garderies qui n'ont pas le niveau car il faudra surtout assurer la santé et la sécurité des enfants. Malheureusement, cet investissement augmentera les coûts d'opération des entreprises.»

Le CEO du groupe La Sentinelle ajoute que cette idée avait déjà germé dans l'esprit de l'entreprise il y a dix ans. «Aujourd'hui, la compagnie ne compte pas plus de 250 employés. Mais, à l'époque, l'espace avait été identifié et les professionnels du domaine avaient été contactés. Mais l'élément de risque nous avait fait reculer car nous parlons ici d'offrir un environnement propice, un service de qualité et un accompagnement éducatif, d'autant plus que chaque tranche d'âge a des besoins différents. Nous avons donc abandonné l'idée.»

Du côté de Business Mauritius, on préfère ne pas se prononcer pour le moment, du moins jusqu'à ce que les éléments clairs et précis soient soumis par les autorités compétentes. Par ailleurs, au sein du ministère du Travail, l'on soutient que la mesure implique la collaboration de trois ministères, à savoir les Finances, l'Égalité des genres et du bien-être de la famille ainsi que le ministère du Travail. Ces trois entités vont élaborer les «guidelines» pour sa mise en oeuvre après le vote du Finance Bill, le mardi 18 juillet.

La United Basalt Products Ltd donne déjà l'exemple

Certaines compagnies privées ont déjà mis en place leur proche crèche, bien avant l'évocation de cette mesure. C'est le cas de la United Basalt Products Ltd (UBP), qui a lancé ce projet dès 2015. La crèche a été installée au siège de l'entreprise, à Trianon, dans le but d'améliorer le cadre de vie des employés. Chez la UBP, l'accent est mis sur le bienêtre du personnel. «La crèche est enregistrée auprès du ministère de l'Égalité des genres ; elle respecte toutes les réglementations en matière de qualité, et se soumet aux inspections requises par le ministère, de la même manière qu'une crèche externe», explique le service de communication de la UBP.

La crèche accueille des enfants âgés de trois mois à trois ans et emploie des auxiliaires qualifiées dans le domaine de la petite enfance. «Ce projet est très apprécié par les employés car il contribue grandement à réduire leur stress, sachant que leurs enfants sont dans un environnement agréable, sécurisé et à proximité. La crèche est prise en charge par l'entreprise et les parents paient une contribution mensuelle très minime.»

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