Madagascar: Des migrations bénéfiques aux travailleurs volontaires

Bien avant la colonisation, il est constaté que, parmi la population malgache, il existe des groupes ethniques migrateurs. Certains le font de manière temporaire, tels les Antesaka et les Antemoro du Sud-Est, ainsi que les Antandroy et les Mahafaly de l'Extrême-Sud. D'autres migrent de manière définitive, tels les Merina et les Betsileo du Centre et les Antanosy du Sud-Est. Selon Raymond Decary, administrateur en chef des Colonies, et Rémy Castel, administrateur adjoint, les migrations temporaires sont le fait de travailleurs volontaires qui partent de leur village ou sont sans contrat. « L'expatrié, sous la condition qu'il soit traité convenablement, fournit un rendement très acceptable. » Cette précision est nécessaire après un antécédent. En 1930, une grève de travailleurs Antandroy se produit sur un toby (campement) forestier, près de Moramanga. Sans explication valable, ils décident de rentrer chez eux, coûte que coûte, malgré toutes les peines de prison qui pourraient leur être infligées pour rupture de contrat. Après d'interminables discussions, ils finissent par avouer le véritable motif de l'incident. Lors du recrutement, on leur a promis qu'ils logeraient dans des cases individuelles, ce qui décide nombre d'entre eux à amener leurs femmes.

Mais arrivés au toby, ils sont cantonnés dans de grandes paillotes collectives où « l'isolement conjugal » leur est impossible. Ce qui explique ce mécontentement qui se traduit par le refus du travail. «La cause étant connue, il fut facile d'arranger les choses. » Grâce à l'aide des migrants, le développement de bien des exportations peut se faire. En effet, sans elle, il aurait périclité. Ce n'est pas aux seules entreprises agricoles que leur appoint se révèle précieux. Il est également requis dans celles qui parsèment la Colonie : les sucreries de Namakia, les féculeries de Sambirano, les placers aurifères de la région de Mahajanga, les exploitations de graphite de la côte orientale, les exploitations forestières des environs de Moramanga, etc. Même les Plateaux profitent de ces migrations, même si elles sont de durée relativement courte. « La colonisation de la région de Miarinarivo, dispose d'une main-d'oeuvre à peine suffisante. Elle rencontrerait de grandes difficultés si des Betsileo, Antandroy et Antemoro (ou Antesaka) ne venaient chercher du travail. Les gens de passage arrivent par groupe au mois d'aout, pour entreprendre les travaux des champs (labours, ensemencements) importants à cette époque, puis rejoignent leur pays d'origine après le mois d'avril ou mai. Ces indigènes sont des travailleurs libres et aucun contrat n'a été enregistré dans les bureaux du district de Miarinarivo » (Monographie du district de Miarinarivo, année 1939).

%

Ces migrations temporaires se traduisent par un important enrichissement de l'émigrant grâce à un afflux d'argent qui bénéficie, en définitive, aux régions exportatrices de main-d'oeuvre. Libéré des frais de nourriture et de logement, leur salaire constitue un bénéfice net pour les migrants. Ils l'économisent dans sa presque totalité pour le rapporter dans leur village où ils l'emploient à des achats de boeufs ou d'objets destinés à améliorer leurs conditions de vie. Quant aux migrations définitives, elles permettent de mettre en valeur, pour le compte des migrants eux-mêmes, des parcelles considérables de terres fertiles qui sont en friche avant leur arrivée. Dans l'Ouest et le Sud-Ouest, par exemple, les populations sakalava et mahafaly sont extrêmement clairsemées. En 1940, on compte 1,02/km² de population autochtone dans le district de Marovoay, 0,82/km² dans celui de Manja, 3,65/km² dans celui de Toliara. Ainsi, sans les immigrés, il aurait été impossible de récupérer des terres à riz ou à pois du Cap cultivées. De même les exportations de produits de l'Ouest seraient loin d'atteindre les chiffres d'avant-guerre. Certains immigrés, enfin, se livrent au commerce, concurrençant alors les Asiatiques, Hindous et Chinois, et freinant les bénéfices abusifs dont souffrent les populations.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.