Burkina Faso: CEDEAO - Chronique d'une mort programmée

analyse

Comme il fallait s'y attendre, la CEDEAO a pris une batterie de mesures contre le Niger, à la suite des événements survenus dans ce pays, le 26 juillet dernier, tout en donnant un ultimatum aux nouvelles autorités pour un retour « à la vie constitutionnelle normale », faute de quoi, elle déchaînerait le feu de l'enfer sur le pays. Une fatwa qui viole un des principes fondamentaux de l'institution qui souligne dans son préambule que les Etats membres refusent de s'agresser mutuellement.

Au-delà de cette violation de sa propre charte, et compte tenu de ses antécédents (lointains comme récents) il faut convenir que la CEDEAO se dirige vers une mort certaine, si tant est qu'elle n'aura été qu'un leurre depuis sa création et son action a toujours servi les intérêts de l'ordre néocolonial et du syndicat des chefs d'état qui la constitue. Un leurre, parce que la CEDEAO est la seule communauté économique du monde à n'avoir pas de monnaie commune. Il vous souviendra que la première condition pour adhérer à l'union européenne par exemple était de renoncer à sa propre monnaie pour adhérer à l'euro.

La puissante Allemagne et son mark ainsi que la Grande Bretagne et sa livre sterling avait dû se plier à cette règle communautaire, même si les anglais ont fini par quitter l'espace européen pour revenir à leur monnaie. A contrario la CEDEAO a occulté cette question principielle fondamentale pour créer un espace disparate économiquement et conséquemment difficilement intégrable.

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La libre circulation des biens et des personnes peut-elle se faire dans une zone où en sus, les critères de convergence n'ont jamais été respectés ? La CEDEAO qui n'a pas de banque centrale est un tigre en papier incapable de régler la question fondamentale de la monnaie et donc de promouvoir le développement des pays de l'espace. C'était du reste le but essentiel des "vrais" créateurs de l'institution qui entendait pérenniser leur domination sur cette partie du continent, avec le géant nigérian comme "aide de camp".

A l'époque de la création de la CEDEAO, des pays africains francophones (avec le Tchad de Tombalbaye et le Bénin de Kerekou en tête) remettaient déjà en cause le joug du CFA sur nos pays et le fait que l'entièreté de nos devises étrangères étaient gardées au niveau de la Banque de France. En créant la CEDEAO et en ramenant le volume des devises préemptées à 50% la France allumait un pare-feu face à ces revendications souverainistes.

De nos jours, le problème reste entier, et, la tragi-comédie de la création de l'Eco sur fond de querelle factice entre Abuja et Abidjan nous le prouve à souhait. La question de la monnaie commune a donc été renvoyée aux calendes africaines au grand bonheur des profiteurs du système que sont certains de nos chefs d'Etat, cornaqués depuis l'extérieur. Mais, l'air du temps autorise à l'espoir avec une nouvelle race de dirigeants, soucieux des intérêts de leurs peuples et désireux de changer la donne.

Là où leurs prédécesseurs avaient échoué du fait de la politique du diviser pour régner, eux pourraient réussir s'ils allaient jusqu'au bout de leur volonté d'émancipation en posant ici et maintenant la question de la monnaie qui somme toute n'est pas si difficile à régler que cela. En arrimant par exemple cette monnaie avec un panier de devises étrangères (le yuan et le rouble par exemple) on sortirait du cercle vicieux institué par la création du CFA depuis 1945, pour envisager des perspectives de développement plus heureuses.

En attendant, les marionnettes continentales continuent leur danse macabre au chevet du Niger en s'asseyant sur les principes de solidarité et d'entraide édictées de commun accord en 1975. Au peuple nigérien de leur apporter la réplique appropriée en créant et en définissant sa propre histoire. Le temps des "proconsuls et des sous-préfets" de l'Occident tire vers sa fin avec l'éveil progressif des consciences africaines. On ne peut pas tromper tout le peuple, tout le temps.

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