Afrique: UE-CELAC - éviter une nouvelle décennie perdue

communiqué de presse

Port-au-Prince — Ce sommet essentiel a été une grande étape diplomatique promue avec la présidence espagnole du Conseil de l'UE. Nous avons surmonté une longue période de désaccord depuis le précédent Sommet, il y a 8 ans. Le monde a radicalement changé depuis lors, avec l'émergence de la Chine, les effets dévastateurs de la pandémie et la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine. Nous avons maintenant beaucoup de travail à faire pour faire avancer un programme partagé mutuellement bénéfique pour les deux régions.

Ni dans l'UE ni dans l'ALC, nous ne voulons revenir à la guerre froide ou à une politique de blocs. Au contraire, nous voulons promouvoir une vision pluraliste de la communauté internationale basée sur les normes, la coopération et la résolution pacifique des conflits. Cette vision est en péril, et dans un monde de géants, chacun de nous ne peut la défendre seul.

N'oublions pas qu'au-delà du commerce ou de la diplomatie, les ponts les plus solides que nous puissions construire entre l'UE et l'ALC sont ceux qui renforcent les droits et libertés politiques. Malgré la pandémie, j'ai voyagé à LAC six fois et j'ai clairement perçu le ressentiment pour la négligence attribuée à l'Europe dans son approche de LAC. Et cela malgré le fait que les entreprises européennes continuent d'être le plus gros investisseur dans la région, avec des investissements directs qui dépassent ceux investis par l'UE en Chine, en Russie, au Japon et en Inde réunis, la Chine est cependant devenue, grâce à son ampleur, le premier partenaire commercial de presque tous les pays de l'ALC.

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Entre-temps, nos projets d'accords d'association et commerciaux sont restés au point mort ou en attente d'une modernisation urgente.

A cette impasse s'ajoute le sentiment que, même si nous partageons des valeurs, nos priorités ne coïncident pas toujours. Pour cette raison, le Sommet a décidé de moderniser notre relation pour l'adapter aux grands défis mondiaux avec des sommets réguliers tous les deux ans, une instance de coordination permanente et une feuille de route bi-régionale, avec des actions concrètes jusqu'à la rencontre de 2025 en Colombie.

Lors de ce sommet, nous avons présenté, avec les États membres de l'UE un programme d'investissement qui s'élève à 45 milliards d'euros jusqu'en 2027 dans les énergies renouvelables, la transformation numérique ou l'innovation pharmaceutique et le renforcement des systèmes de santé.

Nous avons également signé une alliance numérique avec 20 pays de la région pour plaider ensemble en faveur d'une transformation numérique centrée sur l'humain, particulièrement importante pour une région caractérisée par des niveaux élevés d'inégalité et une productivité stagnante. L'objectif de cet effort d'investissement est de moderniser et de renforcer les liens, et non les dépendances.

L'ALC veut profiter des nouvelles transitions pour industrialiser des secteurs clés et valoriser leur énorme potentiel en matière de biodiversité, d'énergies renouvelables, de production agricole et de matières premières. Elle veut grandir, mais avec plus d'égalité et de durabilité. Notre relation doit être fondamentalement politique et ne peut se résumer à une liste d'investissements, mais l'Europe peut fournir une capacité technologique et elle a aussi besoin d'alliances avec des partenaires fiables pour diversifier ses chaînes d'approvisionnement.

Pour les Européens, il est urgent de comprendre que nous devons nous engager non seulement sur nos problèmes, mais sur les problèmes de nos partenaires. LAC nous demande de trouver des solutions aux questions clés qui relèvent de la rubrique de la justice mondiale : allégement de la dette, financement climatique, obligations vertes et attraction des investissements privés, réorganisation des chaînes de valeur (en évitant les politiques extractivistes), fiscalité à l'échelle mondiale, lutte conjointe contre la drogue et le crime organisé, entre autres questions.

Cela implique aussi d'être prêt à réformer le système multilatéral et les institutions financières internationales pour les rendre plus équitables et représentatifs. Bref, la région réclame son influence dans les principales tables décisionnelles du monde. Le sommet n'a pas représenté un progrès dans les négociations avec le Mercosur, mais il n'était pas non plus prévu qu'il le soit. Les négociations conclues en 2019 par un "accord de principe" se poursuivent pour aboutir à un accord définitif.

Notre relation doit contribuer à une nouvelle prospérité sociale « décarbonée », comme le disait si bien le président colombien, rendant la défense de la planète compatible avec le progrès matériel et l'équité sociale. Nous devons aussi surmonter nos différences géopolitiques. La grande majorité de l'ALC a condamné l'invasion russe de l'Ukraine aux Nations Unies. Mais l'importance relative de cette guerre d'agression n'est pas perçue de la même manière.

La discussion du communiqué final a bien reflété cette tension entre l'unité européenne fermée face à une question existentielle et les différentes nuances au sein de l'ALC. La question s'est terminée par l'exclusion du Nicaragua, mais pas de Cuba ou du Venezuela, de la formulation finale qui fait clairement référence à une guerre "contre" l'Ukraine et non "en" Ukraine.

Ma conclusion du sommet est que la défense des principes de la Charte des Nations unies et d'un système international fondé sur des règles à une époque de tendances autoritaires et de dynamiques populistes nécessite plus que jamais un partenariat solide entre l'UE et l'ALC.

Nous ne pouvons pas nous permettre une autre décennie perdue.

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