Madagascar: Le phénomène d'infiltration des migrants des Hauts-Plateaux

Les migrations temporaires et définitives de la première moitié du XXe siècle, si elles sont bénéfiques autant pour l'employeur, grande exploitation agricole ou grande entreprise économique, que pour les immigrants, ont d'autres conséquences.

D'après Raymond Decary, administrateur en chef des Colonies, et Rémy Castel, administrateur adjoint, les migrations temporaires ne présentent pas d'intérêt considérable, envisagées sous l'angle politique et social. Et ce, du fait qu'il n'y a aucun contact entre « individus primitifs » qui constituent la grande majorité des migrants et les populations « évoluées ».

Les premiers restent toujours groupés en villages séparés, ne se mêlent pas aux seconds, parfois en raison d'anciens antagonismes. Lorsqu'ils sont de retour dans leur pays natal, ils oublient rapidement les rares progrès « momentanément accomplis », pour se refondre dans la masse du groupe ethnique qui les absorbe de nouveau. « Seuls quelques esprits, plus actifs ou plus intelligents, retirent un avantage incontestable du séjour en dehors de la tribu. » Raymond Decary cite le cas des mafanafo, les motivés. Il s'agit des travailleurs expatriés qui sont de retour de La Réunion où ils ont appris des rudiments de lecture et d'écriture.

Ils montrent quelque orgueil de s'être élevés au-dessus de leurs parents. Les uns cherchent alors à s'engager comme surveillants de travaux ou de prestations. D'autres qui ont été employés comme domestiques, se placent comme cuisiniers au service des Européens. Plus nombreux sont ceux qui ont pris goût au riz et paraissent disposés à s'en nourrir malgré son prix élevé dans l'Extrême-Sud.

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Néanmoins, le va-et-vient de Malgaches, d'un bout à l'autre de l'ile, entraine parfois des inconvénients, malgré la règlementation dont il fait l'objet. Certains migrants, sur le chemin du retour vers leur pays natal, parviennent à se soustraire à « l'obligation du visa des passeports» qui permet de les surveiller. Finalement, ils vagabondent, par exemple, dans les solitudes du pays sakalava ou du Bongolava, se livrant à diverses exactions et à des vols de boeufs.

« Le retour à la tribu exige ainsi des mois, lorsqu'ils ne sont pas encore retardés par des arrestations. » Il en va tout autrement dans le cas de migrations définitives. Celles-ci sont le fait des natifs des Hautes-Terres, qui ont le sens de la propriété, sont des gens calmes, et dont le tempérament est à l'opposé « du caractère fruste et batailleur de ceux du Sud, surtout Antandroy et Mahafaly ».

Ces migrants définitifs agissent par infiltrations progressives, par « tache d'huile ». Ils demandent des concessions, achètent des terrains, les mettent en valeur, forment des noyaux de colonisation qui finissent pas se souder, refoulant la population locale. En 1940, c'est un phénomène qui se constate dans les villes, telles qu'Ihosy.

À une époque très ancienne, cette localité a été une simple bourgade habitée par quelques Betsileo. Les Bara, dans leur progression, ont expulsé ces derniers, mais Ihosy qui croît en importance, redevient betsileo. Bekily, ancienne bourgade antandroy, est devenue betsileo, de même Ambovombe. Betroka n'est plus bara, mais betsileo. Ankavandra cesse d'être sakalava et se peuple d'originaires des Hautes-Terres.

Ifanadiana, autrefois habité par les Tanala, n'est plus qu'un village de commerçants descendus des Hauts-Plateaux, « les habitants primitifs étant retournés dans leur forêts pour éviter tout contact. » Dans les larges vallées de grandes cultures irriguées, le même phénomène se voit. La Basse-Betsiboka est, au point de vue ethnique, devenue un « satellite des Hautes-Terres ». Les Antanosy occupent près du tiers du district de Betioky et une partie de Bekily. Au Nord, depuis l'occupation française, les Sihanaka marquent une poussée très nette vers l'Ouest et le Nord-Ouest (Port-Bergé, Tsaratanàna, Bealanana). «

L'Alaotra qui est tributaire de l'océan Indien, se déverse ethniquement vers le canal de Mozambique par les grandes vallées de la Mahajamba et du Bemarivo. De même, les Tsimihety débordent largement vers le Nord et le Nord-Ouest à Vohémar, Antalaha et Port-Bergé. » Conséquence directe de la pacification française, ces déplacements considérables « sont loin, malgré certaines apparences, de voir d'un bon oeil l'installation des émigrants chez eux. »

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