Afrique: La nouvelle Constitution attendue annonce le retour de l'autocratie en Afrique

Le vote référendaire sur un projet de nouvelle Constitution qui vient de se tenir dans le pays devrait permettre à l'actuel président de briguer un troisième mandat. En attendant la publication des résultats, plus personne ne doute que le « oui » l'emportera. La réforme constitutionnelle enclenchée prévoit d'allonger la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans, et supprime sa limite, donnant ainsi la possibilité au régime de se maintenir au pouvoir, et poussant à la contagion en Afrique vers le retour aux régimes autocratiques, monocratiques ou encore aux dictatoriaux.

Les résultats provisoires devront être publiés instamment, soit sous huit jours après la tenue du vote qui a eu lieu le 30 juillet. La Cour constitutionnelle les proclamera définitivement le 27 août prochain. Dans cette attente, les autorités centrafricaines sont sereines sur l'issue du vote dont une faible affluence dans les bureaux a été signalée, convaincues que les principaux obstacles y ont été levés très tôt.

Il s'agit, entre autres, du fait que l'opposition a été « muselée sur les questions liées à la gestion de la cité », comme le dénoncent les opposants, mais aussi de ce que la présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan, qui a été mise à la retraite d'office en janvier 2022, après avoir été la cible d'une violente campagne de dénigrement par des soutiens du régime. Son éviction était intervenue pour la simple raison que l'institution qu'elle dirigeait avait infligé un revers juridique au pouvoir en annulant la mise en place d'un Comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution.

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Sur le plan sécuritaire et selon des témoins, le vote s'est déroulé sans incident notable, sur un vaste territoire où des groupes armés mènent des actions de guérilla contre les forces pro-régime. Et cela, grâce à des avions de chasse L-39 Albatros récemment livrés par la Russie et des hélicoptères de l'armée qui survolaient Bangui, la capitale, à basse altitude. Des policiers et militaires étaient déployés dans les rues.

Les dirigeants doivent la réussite du scrutin grâce, non seulement, à l'appui de la Russie mais aussi du Rwanda, deux Etats dont l'influence s'est considérablement accrue depuis quelques années en Centrafrique. Le président centrafricain, Faustin Archange Touadéra, avait d'ailleurs précédemment annoncé que Moscou et Kigali allaient « appuyer la sécurisation du scrutin ».

L'appui russe a été de plus en plus visible avec plusieurs centaines de combattants « expérimentés » de la Communauté des officiers pour la sécurité internationale (COSI) - un organe lié au groupe paramilitaire russe Wagner - arrivés sur le territoire pour assurer la sécurité en prévision du référendum du 30 juillet.

La non limitation de mandats est le pouvoir à vie

Ces « instructeurs » - terme fréquemment utilisé pour désigner des mercenaires russes - sont disséminés à Bangui et sur le territoire national en prévision du référendum du 30 juillet. La COSI, selon les Etats-Unis, est une société écran pour le groupe Wagner en Centrafrique. Elle est dirigée par un Russe, Alexandre Ivanov, sous sanctions américaines depuis janvier.

Réagissant à la tenue du référendum, l'opposant Martin Ziguélé, président du Mouvement de libération du peuple centrafricain a dénoncé « un coup d'Etat constitutionnel », soulignant que « l'objectif de la non limitation de mandats est tout simplement le pouvoir à vie ». « Qui plus est, la Cour constitutionnelle est illégitime depuis l'éviction de Madame Darlan », a fait valoir Nicolas Tiangaye, ancien Premier ministre et membre du bloc républicain pour la Défense de la Constitution, une plateforme de l'opposition. Il a insisté sur « l'illégalité » du vote.

Le vice-président de l'assemblée nationale et porte-parole de la majorité présidentielle, Evariste Ngamana, a rétorqué en ces termes : « Cette constitution émane de la volonté du peuple après le dialogue républicain organisé en mars 2022 ». « Le but recherché est de créer la stabilité au niveau des institutions et les conditions nécessaires au développement de la République Centrafricaine », a-t-il assuré.

A l'allure où vont les choses, l'opinion nationale et internationale ne sera pas surprise de voir la Centrafrique suivre l'exemple du Mali - un autre pays où Wagner est présent -, et qui a promulgué en juillet une nouvelle Constitution à l'issue d'un référendum contesté. Une fois les résultats du référendum publiés par l'Autorité nationale des élections, rien absolument n'empêchera les juntes au Burkina-Faso et au Niger, voire certains régimes d'autres Etats, d'imiter cette même façon de faire pour se maintenir au pouvoir. Cela revient à dire que l'Afrique va inéluctablement revenir petit à petit à la case départ, avec des régimes dictatoriaux, au grand dam des populations qui souhaitent que l'accession à la magistrature suprême se fasse absolument par la voie des urnes.

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