Madagascar: Avouer une faute avant de demander pardon

Dans un exposé qu'il présente à la Conférence des missionnaires norvégiens, à Loharano-Antsirabe, en mars 1895, le pasteur Lars Vig aborde l'idée de substitution dans la religion des Malgaches. Il cite pour cela différents mythes à partir de traditions orales qu'il collecte dans le village de Masindraina et ses environs, dans le Vakinankaratra. La précédente Note évoque un mythe où le plus grand doit se sacrifier pour le plus petit.

Mais, commente le missionnaire norvégien, cela s'oppose à ce qui est « maintenant (deuxième moitié du XIXe siècle) l'opinion générale chez les Malgaches : l'inférieur doit se sacrifier pour le supérieur ». Il cite un dicton pour l'illustrer : « Ny ran-dRamainty hasolo ny ran-dRamanga.» Autrement dit, le sang du Noir doit se substituer au sang du Bleu. « Le noir qui est emblème de propriété, est la couleur de l'esclave ; le bleu est une couleur honorable, celle d'un homme libre, mieux celle d'un noble. » L'auteur rappelle ainsi qu'un homme puissant et considéré, surtout noble, tombé malade et craignant pour sa vie, peut, si le sikidy indique un tel moyen, être sauvé par le sang d'un homme libre d'un rang social inférieur, ou d'un esclave, ou d'un animal, versé à sa place. D'ailleurs, ne dit-on pas, « si je suis malade, tuez un parent, si un parent est malade, tuez un boeuf » ?

L'idée de substitution repose sur la notion de culpabilité et de châtiment et, précise le conférencier, c'est dans les proverbes surtout que cela apparait. Les Malgaches croient « que tout ce que l'on fait, revient contre soi », comme un boomerang. Et comme le châtiment suit la faute, si l'on n'y prend pas garde, « on bute dedans et on tombe ». Aussi insignifiante qu'elle puisse paraitre aux hommes, la faute est capable de «renverser» un boeuf et même l'homme le plus solide et le plus puissant.

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Le châtiment qui frappera le coupable, est infligé par l'autorité publique ou bien, directement, par Dieu et les ancêtres. Et si la punition provient de Dieu, « elle ne marche pas à nos côtés de façon que nous puissions lui demander le passage ». Les Malgaches semblent croire, d'après le pasteur norvégien, que c'est principalement par des maladies qui deviennent facilement mortelles, que la faute impose son châtiment. « La faute n'apparait que lorsqu'on tombe malade. » Poursuivant son exposé, il spécifie que, dans la mythologie malgache, il n'est pas du pouvoir de l'homme de se libérer de la culpabilité. Nul ne peut la fuir ou l'esquiver, car « elle nous suit comme un chien ». Pourtant, on peut implorer le pardon ou bien obtenir qu'un autre l'enlève. Comme le dit le proverbe, « la faute est comme la sueur entre les omoplates, qui n'est pas à portée de mains. On doit emprunter les mains d'une autre personne pour l'essuyer. »

Si la culpabilité vient d'actions mauvaises ou imprudentes par lesquelles on a fait du tort à ses semblables, on doit l'avouer et demander pardon à celui qu'on a offensé. Ainsi, la culpabilité est « transformée en justice ». Selon le missionnaire, les anciens peuvent difficilement s'imaginer que, dans un cas pareil, l'offensé refuse le pardon à celui qui l'implore. Du reste, autrefois, il est de coutume que celui qui est « coupable envers l'État » essaie d'approcher le prince pour implorer son pardon. « Il s'était vraiment rendu à sa merci, car le prince devait faire ce qu'il estimait juste : le frapper avec le dos du couteau ou bien avec le tranchant acéré.» Il s'agit surtout de personnes qui commettent un homicide ou qui, dans un « état d'excitation », perpètrent des actions pour lesquelles ils craignent une vengeance ou une punition, et qui sollicitent ainsi la grâce du prince.

Toutefois, si la faute est comme la sueur entre les omoplates, inaccessible, on ne peut en être déchargé par la seule demande de pardon. Il faut autre chose de plus efficace. Un autre doit l'enlever et c'est le saint, le devin, l' ombiasy, le mpisikidy. « Lui seul possède une main si capable qu'il peut chercher la faute et obliger le malheur (et le mal) à demeurer isolé : il faut le plonger jusqu'au fond de la cascade, le couvrir de pierres qui ne peuvent être enlevées». Le sikidy » (art de divination) indique, dans chaque cas, les moyens à employer pour réussir. Quand il est aussi question de la notion malgache du péché, de la culpabilité et du châtiment, on ne peut non plus occulter les fady (tabous). D'après Lars Vig, les interdits peuvent être groupés en trois catégories. Il y a ceux qui reposent sur le « serment des ancêtres » qui décrète que ceci ou cela serait fady pour le clan. Au cours du temps, certains usages deviennent également tabous. Ici, il est difficile de distinguer entre fomba (coutume, usage) et fady (tabous, interdits). Agir à l'encontre de ce qui est d'usage, déshonore, et pécher contre l'interdit entraine toujours un châtiment. « C'est cela qui les distingue. » Enfin, il y a le fady qui a une relation avec les ody et (ou) les sampy (amulettes, idoles...) Pour Lars Vig, il n'y a aucune différence entre ces « deux catégories de charmes malgaches ».

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