Afrique: [Opinion] Le partenariat pour une transition énergétique juste au Sénégal - Une occasion de promouvoir les énergies renouvelables

9 Août 2023
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La communauté internationale se trouve à la croisée des chemins, car le changement climatique fait peser une grave menace sur l'avenir de la planète. Comme beaucoup d'autres pays en développement, le Sénégal est confronté à un défi majeur : satisfaire sa demande croissante en énergie tout en atténuant les effets néfastes du changement climatique. En effet, le bouquet énergétique du pays dépend actuellement en grande partie des combustibles fossiles, qui sont à la fois polluants et onéreux. Cette situation a conduit à des niveaux élevés de pauvreté énergétique, puisque de nombreux Sénégalais n'ont pas accès à une électricité fiable et abordable. Pays signataire de l'Accord de Paris, le Sénégal s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir une économie durable et à faible émission de carbone. Pour ce faire, le pays doit impérativement privilégier les investissements dans les énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles.

En juin 2023, le Sénégal et le Groupe des partenaires internationaux (IPG), composé de la France, de l'Allemagne, de l'Union européenne, du Royaume-Uni et du Canada, ont annoncé la mise en place d'un nouveau Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP). Dans le cadre de ce partenariat, le Sénégal recevra 2,5 milliards d'euros de financements nouveaux et supplémentaires pour l'aider à accélérer sa transition vers un avenir énergétique propre au cours des trois à cinq prochaines années. Le JETP, qui vise à développer les énergies renouvelables pour atteindre une capacité de production de 40 % d'ici 2030, est un pas important vers l'amélioration du secteur de l'énergie au Sénégal.

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Il est donc important que ces fonds soient effectivement consacrés à des projets de production d'énergie renouvelable plutôt que de gaz fossile ou de perpétuer la dépendance envers les combustibles fossiles, car ceux-ci sont une source majeure d'émissions de gaz à effet de serre et ne sont pas compatibles avec l'engagement du Sénégal en faveur du développement durable. À ce propos, le pays a beaucoup à faire pour adopter des politiques et des mesures efficaces afin de lutter contre l'écoblanchiment et les pratiques dangereuses de détournement de l'attention liées aux accords du JETP. Le Sénégal dispose d'abondantes ressources solaires et éoliennes, qui pourraient être utilisées pour produire de l'électricité décentralisée, propre et abordable, afin de répondre aux besoins de la population. Le JETP pourrait également aider le Sénégal à développer son marché d'exportation d'énergies renouvelables. Ce faisant, de nouveaux emplois et de nouvelles opportunités de croissance économique seraient créés dans le pays, tout en préservant un environnement plus propre et plus sain pour sa population.

Cependant, l'accord du JETP comporte des lacunes, car selon la déclaration politique, « le Sénégal a l'intention d'utiliser ses ressources en gaz naturel comme source d'énergie transitoire dans le cadre d'un développement socio-économique à faible émission de carbone et résilient au changement climatique, conduisant à une diminution significative des émissions par rapport au scénario de référence (BAU) du secteur de l'énergie tel que défini dans la CDN 2020, grâce à une élimination progressive des combustibles pétroliers lourds ». Cette stratégie est contre-productive, car l'utilisation du gaz et d'autres combustibles fossiles n'est pas conforme à l'objectif de limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 °C. En outre, les investissements dans les infrastructures liées au gaz entravent la transition vers un système énergétique décarbonisé car ils entraînent une dépendance à long terme des pays à l'égard des combustibles fossiles, ce qui compromet la mutation vers les sources d'énergie renouvelables. Ces investissements ont tendance à avoir une longue durée de vie, créant un risque d'actifs inutilisés alors que le monde se détourne de plus en plus des combustibles fossiles. Il pourrait s'agir d'une mesure délibérée, susceptible de profiter à court terme à des entités extérieures, telles que le GPI. Cette attitude des autorités sénégalaises, dépourvue de vision, pourrait conduire à une situation où le pays se retrouverait avec des actifs inutilisés, ce qui réduirait les avantages économiques et entraverait la capacité du pays à répondre aux besoins en énergie de sa population.

Le JETP doit reconnaître que la véritable justice consiste à s'assurer que les populations les plus touchées tirent profit de la transition, ce qui est possible seulement grâce à des solutions d'énergie renouvelable adaptées aux besoins du peuple. En privilégiant les investissements dans les énergies renouvelables, le Sénégal peut généraliser l'accès à l'électricité aux populations vivant dans des zones reculées et marginalisées, qui ne disposent pas actuellement de sources d'énergie fiables. Les technologies liées aux énergies renouvelables, telles que les panneaux solaires indépendants, peuvent fournir des solutions abordables et durables en matière d'énergie, améliorer le niveau de vie, soutenir l'éducation et favoriser les activités économiques. En outre, l'installation de sources d'énergie renouvelables dans les zones rurales peut favoriser la création d'emplois et l'autonomisation des communautés locales, en veillant à ce que tout le monde profite équitablement des avantages de ces sources d'énergie.

Pour que le JETP soit un succès, il faut un processus de participation qui prévoit la consultation et l'implication des citoyens sénégalais dans sa mise en oeuvre. La société civile sénégalaise a un rôle important à jouer pour rendre ce partenariat plus inclusif et transparent en préconisant un engagement précoce des parties prenantes, en garantissant la prise en compte des intérêts des travailleurs et des membres de la communauté dans les processus finaux, les décisions et la mise en oeuvre. Une plus grande transparence renforcerait également la volonté politique et garantirait que le soutien à l'accord JETP s'inscrive dans la durée.

Le JETP offre au Sénégal la possibilité de franchir une étape importante vers un avenir énergétique propre. C'est pourquoi il est important que les fonds soient utilisés de manière judicieuse et qu'ils soient destinés à la réalisation de projets de production d'énergie renouvelable bénéfiques à la population sénégalaise et à la planète. Pour la suite, il convient de déterminer la nature et la composition des instruments financiers proposés dans le cadre du JETP. Il est crucial de faire preuve de transparence non seulement en ce qui concerne le montant des fonds, mais aussi les mécanismes de mise en oeuvre, de gestion et de contrôle de ces fonds, afin d'éviter le gaspillage des ressources en essayant de remplir les conditions occultes liées au financement. Compte tenu de l'urgence de la transition énergétique à l'échelle mondiale, le décaissement rapide des fonds sera un élément déterminant pour la mise en oeuvre de la transition.

Au sujet des auteurs

Charity Migwi est la responsable régionale des campagnes de 350.org en Afrique.

Christian Hounkannou est responsable régional des campagnes de 350.org en Afrique francophone.

Aly Sagne est fondateur de Lumière Synergie pour le Développement | LSD

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