Madagascar: Dissout

10 août 1991- 10 août 2023. Voilà trente-deux ans que Madagascar a vécu l'une des plus sombres pages de son histoire. C'est également la plus ignorée. Après huit mois de grève sur la place du 13 mai demandant le départ de Ratsiraka, au pouvoir depuis 16 ans, les manifestants du mouvement Hery Velona Rasalama ont décidé de marcher vers le palais d'État Iavoloha. Plus d'un demi-million de personnes ont tenté l'aventure malgré la mise en garde du parti MFM.

Ils ont passé un premier barrage à Ankadimbahoaka puis un deuxième au pont de Tanjombato. Arrivés au niveau de Mandrimena, c'est le drame. Un hélicoptère a survolé les manifestants avant de les canarder. Les manifestants ont tenté de se sauver mais ils ont essuyé des tirs, certains ont marché sur des mines. Plusieurs morts ont été répertoriés sur place. Les éléments du Régiment de la sécurité présidentielle (Resep) se sont empressés de dégager les victimes et de nettoyer les traces de sang. Le bilan officiel des victimes n'a jamais été rendu public. Il y avait plusieurs dizaines de morts et de blessés. Il n'y avait ni plainte ni procès de cette triste histoire. Les proches des victimes auraient été contraints de se taire, une méthode bien connue à l'époque. Le régime Albert Zafy n'a pas daigné faire la lumière sur ce crime. Il est tombé fatalement en prescription.

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Si cette tragédie a mené vers la troisième République, l'histoire ne l'a pas retenue parmi les dates importantes de l'histoire. Autant le 29 mars 1947, le 13 mai 1972, le 11 février 1975, le 7 février 2009... font l'objet d'une commémoration plus ou moins officielle, autant le 10 août 1991 est complètement occulté dans les actualités. Aucun dépôt de gerbes en hommage aux victimes, aucune indemnisation des victimes, aucun culte de souvenir, l'indifférence est totale et éhontée. Les victimes ont perdu la vie pour du beurre.

Trente-deux ans après, le pays est loin d'être sorti de l'auberge. La Grande marche vers Iavoloha semble n'avoir servi à rien. Le "wind of change" espéré a tourné en un vulgaire courant d'air.

Il en va de même d'ailleurs des " soulèvements" populaires postérieurs. Le pays n'a cessé de toucher le fond et s'enlise davantage à l'issue de chaque crise politique. La population semble affaiblie de guerre lasse. Elle n'a plus la force et la conviction de descendre dans la rue. Elle semble résignée à son sort et ne croit même plus aux effets des prières organisées à tous les coups. Elle s'est fiée au temps et au silence pour s'occuper de son sort. Les appels de détresse n'ont aucun écho. Il n'y a plus personne au standard. Même la messagerie vocale se moque d'elle.

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