Ile Maurice: Démission du «Chairman» de l'ICC - Changement cosmétique pour apaiser les critiques ?

Bien que le chairman de l'Islamic Cultural Centre (ICC), Samad Sairally, ait démissionné de ses fonctions, plusieurs lacunes continuent d'être révélées, pointant du doigt l'ensemble du board de l'institution. La démission de Samad Sairally fait-elle partie des mesures prises pour assurer une meilleure gestion de l'ICC, ou s'agit-il d'un changement cosmétique destiné à apaiser temporairement les critiques ?

Alors que la démission de Samad Sairally fait suite à de vives critiques de la part de la communauté musulmane, des questions parlementaires par le député de l'opposition, Ehsan Juman, sur l'opacité autour de l'octroi des visas, ainsi que des articles de presse sur la défaillance de la Hajj Mission dans l'organisation du pèlerinage cette année, celles-ci étant loin d'être les raisons invoquées.

Dans sa lettre, Samad Sairally a en effet avancé que, vu ses autres responsabilités au sein du Central Procurement Board (CPB), il a demandé à être relevé de ses fonctions à l'ICC. Cette information nous a été confirmée par le ministère des Arts et du patrimoine culturel.

Il faut noter que Samad Sairally a aussi été le responsable de la Hajj Mission cette année, pour laquelle il a été fortement critiqué. Plusieurs pèlerins lui ont reproché d'être introuvable quand son aide était requise et d'avoir passé la plupart de son temps avec sa famille, car il effectuait lui-même le pèlerinage.

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Ehsan Juman : «Une 'honourable' exit qui ne résout nullement le problème»

Réagissant à cette démission, le député Ehsan Juman affirme que malgré cette suite logique aux nombreuses lacunes révélées au sein de l'ICC, cette décision ne résout nullement le problème. «C'est plutôt une honourable exit accordée au chairman après qu'il a abusé de tous les privilèges associés à ce poste, au détriment de la transparence et d'autres pèlerins en matière de religion. À ce jour, aucune des mesures que nous avons exigées n'a été prise : pas d'enquête interne sur les cas de favoritisme lors de la sélection des pèlerins, la liste des pèlerins n'a pas été rendue publique par le ministre, aucun complaint desk n'a été mis en place et aucune sanction n'a été prise contre d'autres membres du board qui se seraient livrés à des malversations. L'ensemble du board aurait dû être révoqué et une enquête approfondie menée», confie-t-il.

Par ailleurs, d'autres membres du board de l'ICC, notamment le directeur par intérim, ont été pointés du doigt par plusieurs pèlerins ainsi que des membres de l'institution, qui affirment que la décision finale de l'octroi des visas lui appartient et que ses actions portent préjudice au travail des autres membres.

Rapport du Dr Farhad Kauroo : sérieuses lacunes

Dans son rapport détaillé de six pages, dont l'express détient une copie, le Dr Farhad Kauroo, médecin faisant partie de la mission Hajj 2023, a relevé plusieurs failles dans l'organisation. Parmi elles, la saisie de médicaments par les douanes saoudiennes. «This year the consignment of drugs was sent with a Mauritian Hajee on a different flight and it was consequently withheld by the Saudi customs at the airport. (...) We had no import permit, which was a requirement to take delivery of the consignment of drugs. It is necessary that the import permit be applied on time to avoid such problems in future hajj», peut-on lire.

Parmi ses recommandations : des réunions de coordination régulières avec tous les membres de l'équipe de la Hajj Mission et les tour-opérateurs pour des mises à jour appropriées, ainsi que le fait que l'équipe médicale devrait être composée d'au moins deux médecins.

Visa refusé par l'ICC à une doctoresse malgré l'intervention du ministre Teeluck

Dans notre article publié le 4 août, l'express avait précisé que, interrogée sur l'absence d'une doctoresse au sein de la Hajj Mission, la balle avait été renvoyée par l'ICC dans le camp des autorités ministérielles, qui n'auraient pas accédé à la demande de l'institution d'avoir une doctoresse pour faire partie de la Hajj Mission. Questionné davantage, le directeur par intérim nous avait affirmé que seul le ministre Avinash Teeluck avait l'autorité pour répondre à nos questions.

Or, on apprend cette foisci que la demande d'avoir une doctoresse pour accompagner les pèlerins avait en fait été prise en compte par le ministère. Selon les informations dont nous disposons, une doctoresse avait formellement effectué une demande de visa auprès de l'ICC, affirmant même qu'elle voulait volontairement faire partie de la Hajj Mission afin d'aider les pèlerines, et à ses propres frais. Face au manque de communication du directeur par intérim de l'ICC, la demande avait ensuite été adressée par écrit au ministère des Arts et du patrimoine culturel, qui l'aurait approuvée.

«Un membre du board de l'ICC m'avait verbalement informée que le ministre lui-même était intervenu pour demander à l'ICC de prendre en compte la demande, dans l'intérêt des pèlerines. Cependant, je n'ai pas obtenu le visa (...). J'ai dû intervenir par téléphone pour aider d'autres pèlerines qui m'avaient personnellement contactée de l'Arabie saoudite car elles souffraient de douleurs et de menstrual bleeding. Elles hésitaient à en parler à un médecin homme», nous a confié la doctoresse, qui a préféré témoigner anonymement.

Sollicitée pour des précisions, une source officielle du ministère des Arts et du patrimoine culturel nous a confirmé que le ministre Teeluck était effectivement intervenu pour demander à l'ICC de considérer la possibilité d'autoriser la doctoresse à faire partie de la Hajj Mission. «En fin de compte, nous ne savons pas pourquoi l'ICC ne lui a pas permis d'y aller. En effet, nous avions reçu plusieurs demandes de femmes médecins qui voulaient faire partie de la Hajj Mission, et le ministre était intervenu.»

Notre interlocuteur affirme également que la liste des pèlerins n'a pas encore été rendue public. Pour rappel, le député Ehsan Juman avait affirmé au Parlement que les proches d'un membre de l'ICC - agent du ministre Avinash Teeluck et faisant partie de la Hajj Mission - auraient été sélectionnés et auraient obtenu leur visa, bien qu'ils n'avaient soumis leur nom à l'ICC qu'en mars 2023.

«Il y a la question du consentement des pèlerines lorsque nous considérons que le fait de rendre la liste publique impliquera de révéler les noms de toutes les personnes sélectionnés (...). Bien qu'il n'y ait pas de complaint desk formellement mis en place, nous sommes à l'écoute de plusieurs personnes qui nous ont fait part de leurs doléances. Si d'autres membres du board se sont livrés à des malversations, ils devront prendre leurs responsabilités. On travaille déjà pour améliorer le système d'organisation du Hajj afin qu'aucun pèlerin ne soit confronté à des problèmes la prochaine fois.»

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