Madagascar: Des violons exigus et surpeuplés

Au cours d'un atelier organisé, le 19 septembre 2000, par le Comité national pour la défense des droits de l'homme et axé sur la problématique de la garde à vue dans la Grande ile, il est notamment question des durées excessives de cette mesure policière et des abus de pouvoir commis par les officiers de police judiciaire ou OPJ. En principe, le suspect est gardé à vue dans une chambre de sûreté. Pourtant, la majeure partie des commissariats et postes de gendarmerie ne dispose pas de ce genre de local. La plupart sont hors d'usage de par leur vétusté. Le poste de garde fait donc fonction de chambre de sûreté.

D'autres locaux, très étroits et ne pouvant contenir que cinq gardés à vue, accueillent cependant plus de dix personnes. Elles s'entassent à l'intérieur malgré l'absence de lumière, d'aération, de règles minima d'hygiène. Or, quarante-huit heures de garde à vue supposent au moins une nuit passée au poste de police. « La sincérité de l'enquête se trouve ainsi compromise dans la mesure où l'auteur, le coauteur et le complice à l'infraction, mis ensemble dans une chambre de sûreté, peuvent reconstituer leurs versions des faits dans l'attente de leur interrogatoire. »

Concernant les femmes gardées à vue, qui doivent être séparées des hommes, devant l'insuffisance des chambres de sûreté, « elles sont gardées dans le poste ou transférées au commissariat central ». Si les faits racontés dans notre précédente Note, résument la situation en milieux urbains, les problèmes rencontrés en milieu rural concernent la durée et surtout les compétences en matière de garde à vue. Les principales infractions se rapportent aux vols de boeufs, généralement perpétrés par des « dahalo ». Dans ce cas, un village tout entier peut être suspecté et passible de garde à vue. , De ce fait, le nombre de gardés à vue augmente plus que la chambre de sûreté peut en contenir.

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En outre, la prolongation du délai de quarante-huit heures ne suffit pas pour mener une enquête sérieuse. La garde à vue excède également la limite légale en raison des délais de route accordés pour les interpellations hors de la ville dont l'enquêteur est originaire. Ces délais sont calculés sur la base d'une journée par 25 km à parcourir, alors que cette distance peut aller jusqu'à plus de 200 km dans les régions enclavées. Des détachements autonomes de sécurité, créés uniquement pour veiller à l'instauration de l'ordre, se permettent, sous couvert de sécurisation, d'exercer des fonctions de police judiciaire. Parmi celles-ci, le plus courant est « le placement d'une personne en garde à vue au cours de laquelle des actes de violence sont perpétrés ».

Ainsi, à l'époque, la garde à vue est « loin de constituer un élément du respect des droits de l'homme » à Madagascar, concluent les participants de l'atelier. Ces pratiques sont, en réalité, « les résultats de la complexité du système ». Selon les participants de l'atelier, il faut d'abord mettre en exergue les lacunes de ce système avant d'en déduire et d'en dégager les possibles améliorations. Le système tient sa complexité de quatre facteurs majeurs, affirment-ils. A commencer par l'insuffisance des moyens mis à la disposition des OPJ, pour qu'ils puissent accomplir en toute conscience leur travail.

Outre l'absence de chambre de sûreté, les OPJ ne sont pas non plus dotés de moyens de transport. Si bien que dans le cadre de leurs enquêtes, ils se déplacent à pied ou, mais rarement, en stop. L'insuffisance de matériel de bureau, tel que les machines à écrire- « à l'époque, la police judiciaire ne peut encore se permettre les équipements informatiques»- retarde la saisie des procès-verbaux d'audition et, partant, le défèrement au Parquet. Les salaires et les diverses indemnités des OPJ ne sont guère « proportionnels » aux risques qu'ils encourent par le caractère dangereux de leur métier. En fait, leurs faibles revenus les poussent parfois à la corruption. Ce qui aboutit le plus souvent à des enquêtes bâclées.

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