Gabon: Fermeture des frontières, suspension de médias et coupure de l'internet - Un coup d'etat électoral en téléchargement

Les leaders de l’opposition gabonaise ont initié une marche pacifique le 13 novembre
analyse

Des mesures scélérates dignes d'un Etat policier ou d'une dictature militaire, ont été prises par les autorités gabonaises à la veille des élections générales organisées, le 26 août dernier, pour, disent-elles, « parer à la propagation d'appels à la violence» susceptibles d'embraser le pays pendant et après le scrutin.

Il s'agit précisément de la suspension de l'accès à l'Internet, de l'instauration d'un couvre-feu sur toute l'étendue du territoire et de la fermeture des frontières terrestres et maritimes jusqu'à la fin des votes.

Loin d'apaiser la situation, c'est comme si le gouvernement gabonais voulait éteindre le feu qui couve depuis le début de la campagne électorale, avec des jerricanes d'essence, puisque la tension est montée de plusieurs crans le jour des votes, en raison de la suspicion de fraudes, des pépins techniques et de l'organisation chaotique du scrutin dans la capitale Libreville et à l'intérieur du pays.

C'est un scrutin sans garantie de transparence et sans crédibilité, qui a été organisé juste pour la forme

Les architectes de la triche formés et mandatés par le camp fidèle au président sortant Aliboron, pardon, Ali Bongo, pourraient, en effet, profiter de la non-accréditation des observateurs indépendants et des journalistes étrangers, pour fabriquer et publier des résultats qui sentent le hold up à plein nez en faveur de leur candidat, en s'arc-boutant sans la moindre gêne derrière un pathétique souverainisme de mauvais aloi.

C'est donc un scrutin à un seul tour gagnable à la majorité relative, sans garantie de transparence et sans crédibilité, qui a été organisé juste pour la forme, afin de permettre au candidat Ali Bongo de coiffer au poteau ses treize challengers dont certains sont des candidats de diversion pour favoriser la dispersion des voix et réunir ainsi les conditions de la prolongation du bail du président sortant au palais du bord de mer.

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Le fait que l'opposition ait fini par mettre en sourdine ses divisions internes en désignant, le 18 août dernier, Albert Ondo Ossa comme son candidat unique, ne fait naître aucun doute sur l'issue de la présidentielle ; tous les principaux acteurs en charge de l'organisation du scrutin, de la compilation et de la proclamation des résultats définitifs étant des soutiens indéfectibles du candidat à sa propre succession : le président du Centre gabonais des élections est un membre du parti au pouvoir, la présidente de la Cour constitutionnelle, juge des élections, est la belle-mère du président sortant, et c'est le ministère de l'Intérieur piloté par un homme-lige de Bongo-fils, qui a organisé ce que l'opposition qualifie déjà de "mascarade électorale".

Comment, dans ces conditions, l'opposition peut-elle sortir le sortant, même si elle est représentée par le candidat le moins clivant et même si elle peut compter sur les villes de Libreville et de Port-Gentil qui concentrent, à elles seules, plus de la moitié des électeurs généralement hostiles au parti au pouvoir ?

Cette année encore, le risque d'une dégradation irrémédiable de la situation existe

Si on ajoute à ces atouts, l'augmentation considérable du nombre d'électeurs enregistré cette année, on peut dire que l'opposition allait pouvoir relever le défi de l'alternance si l'élection n'était pas biaisée à la base et entachée d'opacité, d'autant qu'il est de notoriété publique qu'au Gabon, les primo votants accordent habituellement leurs voix aux candidats qui se battent pour sortir le sortant.

Malheureusement, comme en 2016, Ali Bongo est en train visiblement de préparer un coup de Trafalgar pour ne pas subir une possible déculottée ou une « fessée électorale », et c'est ce qui explique cette fébrilité qui a conduit à la prise des mesures liberticides décriées par ceux qui prônent la transparence dans cet exercice crucial pour la stabilité sociopolitique du Gabon.

Le huis clos auquel on a assisté avec le déroulement du processus sans témoin extérieur, est le principal signe avant-coureur du coup d'Etat électoral en téléchargement, qui risque de replonger le Gabon, comme en 2016, dans un cycle de violences post-électorales après la proclamation des résultats.

On se rappelle, en effet, que lors du dernier scrutin, l'invraisemblance des résultats publiés et qui conféraient à Ali Bongo, une légitimité étriquée, avait provoqué la fureur d'une bonne partie de la population gabonaise, et déclenché des émeutes réprimées à l'arme lourde par la garde présidentielle.

Cette année encore, le risque d'une dégradation irrémédiable de la situation existe, mais espérons que les uns et les autres mettront de l'eau dans leur vin afin d'éviter l'épisode malheureux du 7 janvier 2019 qui a vu un groupe de militaires s'emparer du pouvoir pour « sauver le Gabon du chaos politique ».

C'est vrai que le projet a tourné court et que les mutins qui ont fait preuve d'un amateurisme effarant, ont été neutralisés quelques heures plus tard. Mais rien ne dit qu'une tentative du genre ferait encore flop, surtout si les éventuels putschistes s'inspiraient de leurs frères d'armes de l'Afrique de l'Ouest.

Au Gabon, on n'en est pas encore là, on en est même peut-être encore loin, mais on n'en est pas définitivement à l'abri si l'on continue à prendre des libertés avec la volonté populaire exprimée dans les urnes. A bon entendeur, salut !

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