Cameroun: Ils auraient pris 8 millions à une expatriée grâce aux «haricots miraculeux»

Trois personnes sont poursuivies pour avoir extorqué à une dame vivant en Suisse la somme de 8 millions de francs. Le trio avait trompé la vigilance de cette dernière en lui faisant miroiter des graines miraculeuses ayant des vertus médicinales. Les deux qui comparaissent ont clamé leur innocence devant la barre.

Martial Nguila et Constant Kolagna ne savaient pas que leurs agissements allaient les conduire à la prison centrale de Yaoundé Kondengui où ils sont en détention provisoire depuis 2022. Après l'enquête policière et l'information judiciaire, ils avaient été renvoyés en jugement pour répondre des faits d'escroquerie en coaction devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif en compagnie de leur acolyte, Pierre Kimba, qui a pris la clé des champs. Les trois personnes sont accusées d'avoir utilisé des manoeuvres pour déposséder Mme Thérèse Utzinger, une Camerounaise vivant en Suisse, de la somme de 8 millions de francs dans une affaire de vente de fausses graines miraculeuses ayant des vertus médicinales. Au cours de leurs témoignages devant la barre, les deux mis en cause ont nié les faits qui leur sont imputés.

Selon l'accusation, ce trio formait un gang bien organisé dans l'arnaque dans lequel chacun jouait un rôle précis pour dissuader leurs victimes à leur remettre de l'argent. C'est ainsi que Martial Nguila alias Dr Francis Affy, qui se présente comme un ingénieur de montage et gestion de projets, passait pour le directeur général d'une ONG asiatique devant s'installer au Cameroun. Constant Kolagna alias Ousmane Ali jouait le rôle de directeur des ressources humaines de ladite ONG. Pierre Kimba, de nationalité congolaise, portait pour sa part la casquette de technicien en bâtiments. Ils s'auréolaient de ces différents titres professionnels pour se donner de la considération auprès de leurs victimes et tourner ces dernières en bourrique en se cachant derrière de faux noms, selon l'accusation. Celle-ci indique, en outre, que c'est Martial Nguila alias Dr Francis Affy qui était le cerveau de l'escroquerie organisée qui a particulièrement spolié Mme Thérèse Utzinger d'importantes sommes d'argent.

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Djeuga Hôtel

A l'audience du 25 août 2023, la représentante du parquet, reprenant les déclarations de la supposée victime, a raconté que le stratagème mis sur pied par les trois compagnons consistait à inviter Mme Thérèse Utzinger à l'Hôtel Djeuga pour la mettre en confiance et démontrer le sérieux de ses interlocuteurs. Pour ces derniers, cette rencontre servait de prétexte pour des pourparlers relatifs à la signature du contrat de bail d'un appartement qu'ils prétendaient louer auprès de la dame pour le compte d'une ONG chinoise en phase d'installation au Cameroun. Le coût du loyer mensuel était fixé à 500 mille francs pour une durée de 5 ans.

Sauf que, chemin faisant, Pierre Kimba avait sorti un paquet contenant des graines dont il vantait les vertus médicinales. Il était appuyé pour la publicité de ce produit par Martial Nguila alias Dr Francis Affy, qui avait entrepris de convaincre la dame de l'efficacité desdites graines. «Embarquée dans cette nébuleuse, la victime avait remis en espèce la somme de 6 millions de francs à Constant Kolagna alias Ousmane Ali qui s'était rendu au domicile de cette dernière au quartier NKolanga à Yaoundé», a déclaré le ministère public, avant d'ajouter que Mme Thérèse Utzinger avait complété cet argent avec un dépôt de 2 millions de francs effectué par un de ses proches dans le compte Mobile Monney rattaché à un numéro téléphonique d'un certain Ousmane Ali.

Des accusations que les deux mis en cause ont contesté au cours de leurs témoignages devant le TPI. Chacun a nié avoir reçu le moindre sou de la plaignante. Ils ont rejeté la responsabilité du forfait à Pierre Kimba, en fuite, et à un certain Ousmane Ali, qui n'a toujours pas été identifié. Les mis en cause ont reconnu avoir traité avec la plaignante de la seule affaire concernant la location d'un local. Une affaire qui avait tourné au vinaigre, d'après eux, parce qu'ils n'y trouvaient plus leur compte.

Ils ont également contesté le fait de s'être présentés sous les noms de Dr Francis Affy et Ousmane Ali comme le soutient l'accusation. Les deux mis en cause ont, en outre, nié avoir demandé un arrangement amiable dans lequel ils proposaient de donner un terrain en compensation des fonds litigieux. Pour ces derniers, les aveux qui leur sont attribués dans le procès-verbal de l'enquête préliminaire leur ont été arrachés par la torture.

Dans ses réquisitions, la magistrate du parquet a dit que les déclarations des mis en cause ne peuvent pas prospérer parce qu'elles sont des tissus de mensonges. Pour elle, il y a suffisamment d'éléments de preuve qui démontrent leur culpabilité dans cette affaire. D'abord, il est constant, d'après elle, que M. Kolagna Constant s'était rendu au domicile de la plaignante où il a perçu 6 millions de francs en se présentant sous le nom de Ousmane Ali. De plus, un témoin a affirmé avoir été présent lors de la remise de cet argent, a-t-elle précisé. Poursuivant, le parquet a indiqué que le compte mobile du numéro téléphonique qui a reçu le dépôt de 2 millions de francs est attribué à Ousmane Ali.

Enfin, elle a mis en exergue de nombreuses contradictions dans les déclarations des deux compagnons. Pour le parquet, certaines coïncidences dans les faits démontrent à suffire que Martial Nguila, Constant Kolagna et Pierre Kimba ont savamment monté un stratagème pour extorquer des fonds à Mme Thérèse Utzinger. Le parquet a conclu son propos en demandant au tribunal de déclarer les mis en cause coupables des faits qui leur sont reprochés parce que l'infraction d'escroquerie est établie.

Chef d'orchestre

L'avocat de la plaignante est allé dans le même sens que le ministère public. Il a ajouté que les trois acolytes avaient déjà pris pour profession de passer des nuits blanches à réfléchir comment arnaquer de nobles personnes qui travaillent durement pour gagner leur vie. C'est ainsi qu'ils ont utilisé de fausses identités et des graines comme appâts contre sa cliente. «Le chef d'orchestre de cette affaire est Martial Nguila, le voisin de Mme Thérèse Utzinger. C'est lui qui a recruté ses deux amis en attribuant à chacun un rôle à jouer. Ils ont invité ma cliente à l'hôtel, une sorte d'abattoir où la victime devait être exécutée», a martelé l'avocat. Il a demandé au tribunal de déclarer les trois prévenus coupables des faits d'escroquerie en vue de décourager d'autres potentiels aventuriers qui auraient l'intention de se lancer dans une telle activité.

Pour sa part, l'avocat de la défense a indiqué que ce dossier est entaché de passions. «En examinant en profondeur les faits tels que rapportés par la plaignante, ses témoins et mes clients, on se rend compte que leurs propos sont contradictoires et suscitent une certaine confusion dans l'esprit», a indiqué l'homme en robe noire dès l'entame de son propos. Il a souligné être resté sur sa soif étant donné que l'accusation n'a pas présenté les décharges témoignant la remise des fonds litigieux. Parmi les contradictions, l'avocat a noté aussi, qu'à l'enquête policière, la plaignante n'avait pas de témoins alors que devant la barre elle en a présenté deux.

Par ailleurs, alors que Mme Thérèse Utzinger estime que ce sont les graines décriées de Pierre Kimba qui l'ont envoûtée, la poussant à remettre inconsciemment les fonds à ses bourreaux, son avocat a déclaré que la remise de l'argent querellé était plutôt pour l'acquisition des graines médicinales. Poursuivant sa plaidoirie, l'avocat des mis en cause a souligné que les droits de ses clients avaient été violés pendant l'enquête préliminaire de même que certaines règles de procédure n'ont pas été respectées.

Il prend à titre d'exemple le fait que Martial Nguila avait été arrêté dans le ressort territorial de Mfou sur la base d'un avis de recherche à la place d'un mandat d'arrêt. Il achève sa plaidoirie en demandant au juge de crever l'abcès dans cette affaire qui laisse planer un doute certain devant profiter à ses clients. L'affaire connaitra son épilogue le 22 septembre 2023, date de la prochaine audience.

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