Gabon: L'homme qu'il faut ?

4 Septembre 2023
opinion

Est-ce une révolution de palais ou la fin de la dynastie Bongo qui est en train de s'opérer au Gabon ? Depuis le coup d'Etat du 30 août 2023 ,qui a porté le général de brigade, Brice Oligui Nguema, 48 ans, au pouvoir, les avis sont partagés sur cette question.

Le tout puissant chef de la garde républicaine, en accord avec l'armée, a mis fin au régime d'Ali Bongo, à peine réélu pour un 3e mandat à la faveur des élections générales du 26 août dernier. Principal motif invoqué par les putschistes, les résultats du triple scrutin (présidentiel, législatif et local) sont truqués et par conséquent annulés.

Ils n'ont fait que confirmer ce que certains analystes subodoraient déjà. En plus des graves irrégularités qui les ont émaillées, les élections se sont déroulées à huis clos, en l'absence d'observateurs internationaux et de la presse étrangère.

De quoi nourrir légitimement les suspicions et donner des raisons à l'armée gabonaise d'agir pour mettre un terme à un simulacre d'élections. Désigné après coup, président de la Transition par les différentes composantes de la « grande muette », le général Nguema a prêté serment, hier lundi 4 septembre, à Libreville, devant le Conseil constitutionnel.

Comme il l'a laissé entendre dans ses premiers discours, le tombeur d'Ali Bongo affiche une volonté sans faille d'en finir avec une « corruption massive » et d'asseoir une gouvernance vertueuse à la hauteur des attentes de ses compatriotes.

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Le général Nguema a précisé son ambition lors de son investiture: impulser un changement profond dans la société gabonaise. Le nouvel homme fort du Gabon entend, entre autres, faire adopter une nouvelle Constitution par référendum, un nouveau Code électoral et un nouveau Code pénal, en vue de garantir à tous les Gabonais les « mêmes chances ».

L'idée en toile de fond étant de doter le pays d'institutions « fortes » et « crédibles ». Il dit avoir également l'intention de faciliter le retour au pays de tous les exilés politiques et de remettre le pouvoir aux civils en organisant de nouvelles élections « transparentes » et « crédibles ».

Il reste à connaitre la durée de la Transition qui devra incessamment être discutée. Si la plupart des Gabonais ont applaudi le coup de force du général Nguema, c'est bien parce qu'ils voulaient manifestement tirer un trait sur la famille Bongo qui totalise 55 ans de règne.

Le père, Omar, a fait 41 ans au pouvoir, pour laisser la place à son fils, Ali qui a géré le pays pendant 14 ans. Cette monopolisation du pouvoir par les Bongo commençait à exaspérer en terre gabonaise.

Dans l'esprit de nombre de Gabonais, le putsch du 30 août apparait comme du pain béni ; une réponse à leurs prières de voir émerger un Gabon nouveau. De nombreux espoirs reposent alors sur les épaules du général Nguema qui devra tenir parole, pour ne pas en rajouter aux souffrances des Gabonais.

Ses premiers pas laissent entrevoir un engagement à changer la direction du pays, mais il est encore trop tôt pour jubiler. Il faut le voir à l'oeuvre pour juger sur pièce. Plusieurs dignitaires du régime d'Ali Bongo ont été arrêtés, pour plusieurs faits, dont entre autres, détournement massif des deniers publics, falsification de la signature du président, faux et usage de faux, corruption active et trafic de stupéfiants.

Des mallettes d'argent ont même été saisies chez certains d'entre eux et les images ont fait le tour du monde. A première vue, le général Nguema veut assainir le Gabon, mais il est difficile de le voir comme un homme neuf, puisqu'il est un pur produit du clan Bongo.

Il a servi le père et le fils, au point de jouir d'un certain nombre de privilèges que le Gabonais moyen ne peut pas avoir. Selon un rapport daté de 2020 du consortium d'investigations « Organized Crime and Corruption Reporting Project », le général Nguema détiendrait trois maisons aux Etats-Unis.

La proximité du président de la Transition et du clan Bongo ne souffre d'aucune contestation, si elle n'alimente pas la polémique. Une certaine opinion ne le présente-t-il pas comme un « cousin » d'Ali Bongo ? Le général Nguema a grandi avec sa mère dans la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo.

Eu égard à ces considérations, le nouvel homme fort du Gabon doit prouver dans son action au quotidien, qu'il veut marquer une rupture totale avec les pratiques anciennes. Sans quoi, les espoirs naissants pourraient s'amincir...

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