Afrique: Les champs pétroliers du Congo deviennent rapidement non assurables

Exploitation de pétrole
communiqué de presse

Kinshasa, 8 Septembre 2023 - Selon un rapport publié aujourd'hui par Greenpeace Afrique, Insure our Future, Reclaim Finance et Urgewald, toute entreprise ayant obtenu des droits d'exploration et d'exploitation dans le cadre des enchères pétrolières en République Démocratique du Congo (RDC) pourrait se retrouver sans protection financière. Si les principales compagnies d'assurance et de réassurance respectent leurs engagements et leurs politiques générales en matière environnementale, sociale et de gouvernance d'entreprise (ESG), les compagnies pétrolières auront du mal à trouver une couverture pour leurs plans d'affaires destructeurs sur le plan environnemental et social, ou celle-ci sera nettement plus coûteuse.

"Les entreprises qui prévoient d'extraire du pétrole en RDC, y compris dans une zone de guerre, sont prêtes à sacrifier la biodiversité mondiale et les objectifs climatiques, et à ignorer les droits des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que les préoccupations relatives à la corruption et à l'illégalité", a déclaré Irène Wabiwa, responsable internationale de la campagne du Bassin du Congo de Greenpeace Afrique. "Notre analyse montre que les plus grands assureurs et réassureurs sont réticents à souscrire et à apporter un soutien essentiel à une extraction néocoloniale aussi désastreuse".

Le rapport, intitulé "Blood oil : (Re)insuring DRC oil exploration is underwriting the destruction of the Congo rainforest", analyse les engagements spécifiques des compagnies d'assurance et de réassurance concernant les appels d'offres de pétrole et de gaz lancée l'année dernière par la République Démocratique du Congo (RDC), ainsi que leurs politiques générales en matière d'ESG. Selon l'analyse, l'assurance et la réassurance pour les blocs pétroliers proposés seront d'un coût prohibitif pour les entreprises de combustibles fossiles qui remporteront les appels d'offres, compte tenu de la réduction des capacités d'assurance et de réassurance primaires en matière de dommages et de responsabilités.

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Sur la base d'entretiens personnels menés par Greenpeace Afrique, le rapport démontre le risque d'absence de Consentement Libre, Informé et Préalable (CLIP) des peuples autochtones et des communautés locales dans les blocs pétroliers désignés. Il fait également état des avertissements de scientifiques de renom concernant les impacts sur la biodiversité et le climat qui sont en jeu, ainsi que des préoccupations liées à la guerre, à la corruption, à l'illégalité et à l'instabilité politique dans le pays.

La RDC n'a pas la capacité nationale de fournir une assurance pour la prospection pétrolière et le risque élevé qu'elle implique. Par conséquent, les entreprises qui obtiennent des droits d'exploration s'appuieront très probablement sur les services de certaines des plus grandes compagnies d'assurance et de réassurance du monde, principalement concentrées en Europe et en Amérique du Nord.

À la suite d'une communication directe de diverses organisations de Greenpeace avec les principaux assureurs et réassureurs au sujet de ces risques, le rapport montre que les compagnies de réassurance ont soit explicitement exclu la prospection et l'extraction pétrolières en RDC de leur couverture, soit indiqué qu'elles étaient soumises à des restrictions générales. Parmi elles figurent sept des 20 plus grandes compagnies d'assurance non-vie sur les combustibles fossiles au monde, dont quatre des cinq plus grandes compagnies d'assurance sur les biens et les risques divers : Allianz, Axa, Chubb, Generali, Munich Re, Talanx Primary Insurance Group et Zurich.

Selon le rapport, quatre sociétés de réassurance (Munich Re, Hannover Re, Swiss Re et SCOR - dont on estime qu'elles auront collecté ensemble plus de 40 % des primes brutes émises en non-vie dans le monde en 2021) ont retiré leur capacité de réassurance. Cela aura des conséquences sur les coûts de réassurance des entreprises (telles que Perenco) désireuses de faire une offre pour des droits d'exploration dans les blocs pétroliers très problématiques de la RDC.

"Toute compagnie d'assurance et de réassurance qui opterait pour le profit à court terme au détriment du climat mondial, de sa biodiversité et des communautés habitant la forêt tropicale, y compris dans les zones de guerre, serait complice de crime avec les entreprises qui soumissionnent pour le pétrole", a déclaré Lindsay Keenan, coordinatrice européenne de la campagne Insure Our Future. "Si les exclusions des principaux (ré)assureurs mondiaux concernant l'assurance des nouveaux projets pétroliers et gaziers orientent le secteur dans la bonne direction, même ces exclusions ne sont pas encore totalement alignées sur l'Accord de Paris et les normes fondamentales en matière de droits de l'homme. Toutes les compagnies de (ré)assurance doivent améliorer leurs politiques de manière significative et urgente".

Le rapport est publié avant le Rendez-Vous de Septembre (RVS), l'un des plus grands rassemblements mondiaux du secteur de la réassurance, qui se tiendra du 9 au 13 septembre à Monaco. Un responsable de la communauté congolaise de Muanda (où Perenco est déjà accusé de pollution grave) sera présent, ainsi que des militants de Greenpeace. Ils demanderont à AIG, Allianz, Axa, Berkshire Hathaway, Chubb, Fairfax Financial, Liberty Mutual, MAPFRE, Travelers et Lloyds of London de s'engager fermement à ne pas soutenir l'exploitation du pétrole et du gaz en RDC.

En septembre et octobre 2023, des manifestations d'intérêt sont attendues pour 11 blocs pétroliers dans la province du Tanganyika. Dans deux de ces blocs que Greenpeace Afrique a visités, aucune organisation de la société civile locale n'a déclaré être au courant des appels d'offres. Seuls quelques membres de coopératives de pêche ont confirmé en avoir entendu parler et ont exprimé leur crainte que les bénéfices aillent exclusivement aux élites locales et nationales, tout en polluant les écosystèmes dont ils dépendent.

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