Zimbabwe: Un tableau noir

Président du Zimbabwé, Emmerson Mnangagwa (photo d'archives).
13 Septembre 2023

S'achemine-t-on vers une patrimonialisation du pouvoir au Zimbabwé ? On est en droit de se poser cette question, au regard de l'évolution de l'actualité politique dans ce pays d'Afrique australe aux paysages de cartes postales. A peine réélu pour un second mandat, courant août dernier, avec 52,6%, le chef de l'Etat zimbabwéen, Emmerson Mnangagwa, 80 ans, s'est doté d'un nouveau gouvernement à polémique.

Cette équipe dirigeante allait faire moins jaser, si deux membres de la famille du président et des personnalités clivantes n'en faisaient pas partie. C'est bien le cas. L'homme fort du pays a propulsé son rejeton de 34 ans, Kudakwashe David Mnangagwa, au poste de ministre délégué aux Finances, tandis que son neveu, Tongai Mnangagwa, s'est vu confier le portefeuille du Tourisme.

Mnangagwa fils s'est dit surpris par sa nomination, mais sa parole est-elle d'évangile. Ce n'est certainement pas l'avis de l'opposition, qui, en plus de la promotion familiale, dénonce l'« incompétence » de certaines têtes dans le nouvel exécutif. Pour les adversaires politiques du président Mnangagwa, le nouveau gouvernement n'est qu'une bande de copains, qui devraient servir des intérêts égoïstes plutôt que ceux du pays.

Une chose est sûre, le virage pris par le chef de l'Etat zimbabwéen interroge à plus d'un titre, vu son âge avancé et l'impossibilité pour lui de briguer un 3e mandat en vertu des dispositions constitutionnelles. Des velléités de modification de la loi fondamentale pour permettre à Mnangagwa de s'éterniser aux affaires existent déjà au sein du parti au pouvoir, la ZANU-PF, mais l'option aussi de préparer son fils n'est pas à exclure.

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Tous les moyens sont bons pour s'éterniser au pouvoir, même par procuration. En appelant des membres de sa famille à la soupe comme qui dirait, Mnangagwa, surnommé le « crocodile » à cause de sa rigueur, ne dément pas son caractère autoritaire et son attachement sans limite au pouvoir. A la vérité, le chef de l'Etat zimbabwéen semble plus despotique que son prédécesseur, Robert Mugabe.

Les voix discordantes sont réprimées sans état d'âme dans le pays. Les Zimbabwéens, qui ont manifesté contre la vie chère, peuvent rendre témoignage. Il n'y a pas de place pour la contestation sous le régime Mnangagwa. Des lois ont été récemment adoptées en vue de faire taire les opinions dissidentes. Certains Zimbabwéens, qui rêvaient d'une nouvelle ère après Mugabe, ont vite déchanté.

Mnangagwa avait pourtant suscité de l'espoir, surtout après s'être opposé à la volonté de Mugabe de se faire succéder par son épouse, Grâce, au point d'avoir le soutien de l'armée. Face à l'entêtement de Mugabe de passer en force pour sa succession, la « grande muette » avait opéré, en 2017, un coup d'Etat, qui a profité à Mnangagwa, vice-président à l'époque. L'avènement du « crocodile » à la tête de l'Etat, son élection et sa récente réélection du reste contestées n'offre pas de lendemains meilleurs au Zimbabwé.

Confrontés à de nombreux soucis (coupures de courants fréquentes, pénuries de produits de première nécessité...), le pays traverse une mauvaise passe. Une situation difficile à comprendre, pour un Etat riche en minerais : diamants, platine, palladium, or, amiante, chrome, etc. Les sanctions économiques américaines et européennes imposées depuis plus de 20 ans au Zimbabwé, en représailles à la confiscation des terres aux fermiers blancs, ne facilitent pas la tâche, mais une forme de résilience peut être développée, pour peu que la gouvernance soit vertueuse.

Interpellé à plus d'un titre, Mnangagwa devrait user d'ingéniosité pour soulager ses compatriotes et donner une bonne image à son pays, au lieu de travailler à faire du pouvoir un bien familial ou à y mourir. C'est à ce prix, qu'il marquera positivement sa chère patrie et pas autrement. L'histoire ne retient que les grands hommes, dit-on.

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