Afrique: Lutte contre le VIH-SIDA au Nord - La résilience des patients face à l'insécurité

13 Septembre 2023

Etre un patient vivant avec le VIH (Virus de l'immunodéficience humaine) et pouvoir se procurer et prendre normalement ses antirétroviraux dans une zone en proie au terrorisme est un défi pas du tout aisé, voire immense à relever. Grâce à l'alternative trouvée par le responsable du district sanitaire de Titao, les patients déplacés internes ou les résidents de la province du Loroum sont moins affectés par l'impact de l'hydre terroriste.

L.G (ndlr, nous la nommons ainsi pour garder l'anonymat) est une mère de 5 enfants dont 2 décédés. Déplacée interne, elle est originaire de la commune de Ouindigui, localité située à 17 km de Titao, chef-lieu de la province du Loroum. Jusqu'au décès de son second enfant en 2018, elle ignorait son statut sérologique. Le résultat du test du VIH (Virus de l'immunodéficience humaine) qu'elle se décide à faire, à l'époque, confirme malheureusement ses doutes.

Elle est atteinte du Syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA). Aussitôt, elle est mise sous traitement antirétroviraux et inscrite sur la file active des Personnes vivant avec le VIH (PVVIH). En 2021, soit quatre années après la découverte de son statut, L.G est contrainte de fuir son village. Les hommes armés ont fini par avoir le dessus sur les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) qui s'étaient constitués en rempart contre leurs assauts répétés.

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Comme plusieurs membres de sa famille et de son village, c'est à Ouahigouya, dans le chef-lieu de la région du Nord, qu'elle trouve refuge. Toutefois, même à l'abri des exactions diverses des groupes terroristes, L.G est encore sous la hantise.

Et, ce n'est pas seulement le fait de manquer de toit où s'abriter ou trouver sa pitance quotidienne dans la cité de Naaba Kango. « Comment allais-je faire pour poursuivre mon traitement n'étant pas sur un site d'accueil et surtout que je n'ai pas ma fiche de suivi ? », confie-t-elle. Elle ne mit cependant pas longtemps à retrouver la quiétude.

L'assurance lui vient au bout du fil après un contact téléphonique avec l'Infirmier-chef de poste (ICP) du CSPS de Ouindigui. En effet, grâce au système de communication instauré entre les patients et les ICP avant même l'avènement du terrorisme, les patients interagissent aisément avec les agents de santé. Les appels téléphoniques se font dans les deux sens qui, pour s'assurer du bon déroulement du traitement qui, pour exposer un souci ou une difficulté rencontrée.

« Quand j'ai contacté l'ICP, il m'a immédiatement mise en contact avec le major du CSPS de Bingo, le secteur 7 de Ouahigouya pour me dépanner en attendant la réouverture du district sanitaire de Titao. J'ai reçu une boite de 90 comprimés correspondant à un traitement de trois mois. C'est en fin 2022 que notre district a repris notre prise en charge», explique L.G, aujourd'hui constante dans le retrait et la prise de ses ARV. M.K est aussi un malade du SIDA.

Lui également a connu des incertitudes et des moments d'angoisse liés à son traitement

quand il fuyait en décembre 2021 la ville de Titao pour trouver refuge à Ouahigouya. Comme dame L.G, son anxiété a vite laissé place à l'assurance, une fois dans la ville de Ouahigouya. Contacté par l'ICP du centre de santé de Titao, il est si tôt référé au centre de santé « Le Lazaret » de la ville.

« Là, on m'a mis sous traitement de trois mois. Chaque trimestre, je me rendais là-bas pour chercher mes produits. Je n'ai jamais eu de rupture bien que je sois un déplacé interne. Ma prise en charge se fait normalement comme si j'étais toujours Titao », confirme-t-il. Une année après cette prise en charge au « Lazaret », le district sanitaire de Titao, une fois installé à Ouahigouya, a repris le flambeau de tous ces patients souffrant du VIH retrouvés.

Des perdus de vue malgré tout

Le district de Titao, avant le blocus, comptait 284 adultes atteints, soit 63 hommes et 221 femmes. Pour ce qui est des enfants, ils étaient au nombre de 24 dont 17 garçons et 7 filles. « Mais avec la situation d'insécurité, une grande partie des patients ont fui. Actuellement, nous dénombrons 104 patients (déplacés comme résidents), à savoir 71 femmes et 33 hommes et les enfants, il n'y a que deux garçons retrouvés », déplore le Médecin chef du district sanitaire (MCD) de Titao, Issa Lozé Traoré.

Pour lui, cette « baisse » considérable des patients répertoriés dans son district sanitaire s'explique par le déplacement massif et incontrôlé des populations fuyant l'insécurité pour des localités plus sûres. « Cet état de fait complique le suivi. Car, nous n'avons pas la destination de tous les patients déplacés qui viennent du Loroum. Il y a certains qui ont traversé les frontières du Burkina et d'autres sont dans d'autres villes du pays. Pour ceux qui sont à Ouahigouya, nous arrivons à les canaliser et à les traiter.

Cependant, les recherches se poursuivent pour retrouver ceux qui sont dans les autres villes et même à l'extérieur », informe le MCD. Sur le même sujet, l'ICP de Rambo, Paul Koussoubé, ajoute que quatre patients de son CSPS ont signalé leur désir d'aller en Côte d'Ivoire. « J'ai transféré leurs fiches de suivi et ils ont confirmé que la prise en charge est effective », témoigne l'infirmier. Si les perdus de vue échappent au contrôle des agents de santé, les patients (déplacés ou résidents) retrouvés, eux, ne peinent plus à reprendre leur traitement normal.

Le district de Titao doit cette prouesse aussi à l'alchimie qui existait entre les patients et les agents de santé. C'est du moins, l'avis défendu par le 1er responsable du district de Titao. A l'écouter, la plupart de ceux qui étaient sous leur surveillance avaient une très bonne collaboration avec les ICP et les Agents de santé à base communautaire (ASBC). « Ce sont les ASBC, qui sont à Ouahigouya avec nous, qui conduisent les malades vers les ICP.

Eux, à leur tour, viennent vers nous pour le ravitaillement en médicaments. Nous avons adopté cette stratégie ici à Ouahigouya avec la collaboration et la disponibilité des agents. Nous n'avons pas de pharmacie, mais quand on fait la commande à la CAMEG, les médicaments sont stockés et c'est l'ICP de Rambo qui ravitaille les autres ICP des autres communes. Ceux-ci remettent aux communautaires qui, à leur tour, donnent aux patients dans leurs lieux de résidence, qu'ils soient déplacés ou résidents.

Parfois, les déplacés eux-mêmes viennent voir directement leur ICP », détaille Dr Issa Traoré. L'ICP de Rambo est à Ouahigouya, mais, il arrive à ravitailler ses patients (une trentaine de personnes) qui sont restés à Rambo. Sur la question des ruptures probables d'approvisionnement, il soutient que les patients déplacés à Ouahigouya sont peu inquiétés. Les préoccupations émanent plutôt des patients restés sur place qui se soucient desdites ruptures, dit-il.

Mais là aussi, le médecin-chef rassure que des solutions sont pensées pour juguler le problème. « Le temps que les médicaments leur parviennent, il pourrait avoir une rupture. Pour éviter cela, nous avons opté pour le traitement de 6 mois au lieu de 3 mois comme d'habitude », précise Paul Koussoubé. Ainsi, grâce à la détermination du MCD, le suivi des patients se fait pour l'heure normalement, même dans les zones difficiles d'accès.

« Jusqu'à présent,nous essayons de faire tout ce qu'il faut pour trouver des routes pour pouvoir envoyer des médicaments aux résidents dans les zones difficiles d'accès », ajoute le MCD. A cela s'ajoute, le ravitaillement par voie aérienne dans les zones difficiles d'accès. En effet, avec l'accompagnement de certaines ONG et le détachement militaire à Titao, dès qu'il y a un vol, les médicaments et les consommables sont transportés.

Cependant, le fait que les vols ne soient pas réguliers et contrôlables rend le ravitaillement compliqué. «Qu'à cela ne tienne, nous sommes toujours prêts à tout moment pour envoyer les médicaments. Il faut juste guetter les différentes ouvertures pour envoyer les médicaments dont on ne sait pas quand cela va arriver », regrette M. Traoré.

L'alternative appréciée

Le système fonctionne bien, car, les patients l'apprécient. «Après mon temps de dépannage, aujourd'hui, je suis sous traitement de 6 mois. Avant que mes produits finissent, l'infirmier m'appelle toujours pour me rappeler le prochain RDV et se rassurer que je suis bien le traitement. Franchement, le suivi est impeccable », estime le patient M.K. Et L.G de se réjouir de l'alternative trouvée pour lui permettre de poursuivre son traitement comme si elle était résidente.

« Je n'ai jamais eu de rupture. Je les félicite pour cette forme de résilience face à l'insécurité », soutient-elle. Mais pour que cette alternative soit une réussite, il faut que toutes les PVVIH de la province se signalent auprès des agents de santé et se rendent dans les centres de santé les plus proches d'eux. « C'est ensemble qu'on pourra gérer la

difficulté en attendant le retour à la normale de la situation »,indique le MCD. M. Koussoubé, lui, demande l'accompagnement des autorités afin de rendre les produits disponibles parce qu'à la base des efforts sont faits pour que les malades souffrant de maladies chroniques aient leurs médicaments malgré l'insécurité.

« Nous ne devons pas les oublier, sinon nous perdrons de nombreuses batailles dans cette guerre imposée », souligne-t-il. Le seul bémol est que le district n'a plus la possibilité de faire des tests et de détecter de nouveaux cas.

Avec le nombre de malades actuellement, cela pourrait faire croire que le mal a reculé, pourtant, il pourrait avoir de nouveaux contaminés.

Le Loroum compte 22 Centres de promotion sociale (CSPS), le Centre médical (CM) de Banh, le Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Titao, une formation sanitaire privée, un poste de santé avancé appelé AK dans la ville de Titao.

A ce jour, il y a 5 structures sanitaires, à savoir 3 CSPS, le CMA de Titao et le poste de santé avancé qui fonctionnent et 21 centres fermés.

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