Sénégal: Hommage - Khady Sylla, cinéaste de l'auto-analyse

Le dimanche 8 octobre 2023 marquera les 10 ans de la disparition de l'écrivaine-cinéaste Khady Sylla, auteure de deux docufictions : « Le monologue de la muette », et « Colobane Express ». Très tôt disparue, les deux grands évènements de sa vie portent l'empreinte du chiffre 3: l'année de sa naissance 1963 et celle de sa mort 2013 et 3+3 pour sa filmographie

Encore dans les langes, Khady Sylla écrivaine-cinéaste tombe dans la potion magique du septième art. Sa rencontre avec le cinéaste ethnologue Jean Rouch fera le reste. Sa maman travaillait dans l'antre du cinéma qu'était les Actualités Sénégalaises avec à sa tête Paulin Soumanou Vieyra, le vrai père du cinéma sénégalais. Un endroit, point de rencontre et de convergence des écoles, des théories et des mouvements cinématographiques de l'époque. Réalisateurs et techniciens y défendaient bec et ongle leur appartenance à tel ou tel courant cinématographique de par le monde, sous l'oeil de Mme Sylla qui prêtait main forte à la saisie des scenarii en plus de son travail de secrétaire administrative.

La jeune Khady Sylla s'asseyait sur les genoux de Ousmane Sembene, dont on fête cette année le centenaire de sa naissance, sur les genoux aussi de Ababacar Samb Makharam, esthète du cinéma panafricain. Elle trottait entre chaises et fauteuils dans les bureaux des Actualités Sénégalaises, surtout elle assistait chez ses parents, à la projection des premiers films sur un écran en tissu blanc. Ce n'est pas pour autant qu'elle trouvera filiation dans sa création avec les Papis du cinéma sénégalais.

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L'écrivaine cinéaste Khady Sylla aurait pu être la cheftaine de fil d'un courant cinématographique sénégalais, si la veine qu'elle avait creusée, était empruntée par d'autres cinéastes du pays pour faire naitre un mouvement dans un manifeste Cinéma Novo, voire une Ecole de Dakar en cinéma. Qu'elle est cette veine ? Elle est celle d'un cinéma d'introspection, plus encore un cinéma d'auto analyse. Qui fait que le cinéma devient thérapie, prise en charge de soi. Pour ce faire, il fallait s'armer de courage pour affronter ses propres démons ou vaincre ses peurs et ses angoisses.

Cette démarche d'auto analyse, le réalisateur ne la fait pas pour lui-même mais pour les autres aussi. Il la fait pour partager sa souffrance, ses angoisses, ses tourments, ses questionnements. On est loin de l'exhibitionnisme sentimentale. Car Khady Sylla dans ses films comme dans ses écrits ne cherche pas la compassion. Elle pose le doigt là où ça fait mal. « Une fenêtre ouverte » parle de la folie et de l'enfermement, « Le monologue de la muette » aborde le problème de l'invisibilité du personnel de maison « Colobane express », est une autre forme d'encagement, de « claquemurement » dans un car rapide qui roule à travers ville.

Un huit clos, diront certains, une autopsie de la société, diront d'autres. Cette démarche d'auto-analyse ou d'auto-guérissons, Khady Sylla la partage avec le romancier Abdoulaye Elimane Kane, le photographe-cinéaste Médoune Bouna Seye, Thierno Seydou Sall, le poète errant, la romancière Aminata Sophie Dieye, le peintre Mbaye Diop. Ils ont en commun cette absence de contrainte, cette liberté de choisir leur propre voie hors des sentiers battus.

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