Ile Maurice: Investissements d'avenir

Nous ne savons évidemment pas grand-chose des discussions qui se poursuivent sur les Chagos, sauf pour observer que les Américains, qui sont néanmoins lourdement installés à Diego Garcia, sur NOS terres, ne souhaitent aucunement dialoguer avec Maurice, sauf à travers la Grande-Bretagne et leur entité-fiction baptisée «British Indian Ocean Territory» (BIOT). On peut, par ailleurs, constater que les discussions sur la souveraineté mauricienne sont suffisamment avancées pour que Boris Johnson, ancien Premier ministre, parle, dans le même souffle, de «done deal» et de «colossal mistake» pour la Grande-Bretagne... Il devrait être bien renseigné !

Le BIOT s'écrivait, en son temps, au pluriel (Territories). En effet, au départ, les Chagos ne sont pas la seule excision d'un territoire colonial qui allait devenir indépendant, ce qui était pourtant absolument contraire à la résolution 1514, votée le 14 décembre 1960 aux Nations unies. En 1965, de fait, sans doute encore inspirée par de forts relents du colonialisme-qui-se-permet-tout, la Grande-Bretagne avait arbitrairement excisé les Chagos du territoire mauricien, ainsi que les îles Aldabra, Desroches et Farquhar du territoire seychellois. BIOT passait cependant en mode singulier le 23 juin 1976, quand les trois îles seychelloises excisées étaient retournées, seulement six jours avant l'Indépendance de nos voisins. Les alliés anglo-américains n'en avaient tout simplement plus besoin, puisque les travaux sur Diego avaient débuté dès 1971 !

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Bientôt, BIOT cessera sans doute d'exister puisqu'il se retrouvera sans territoire aucun quand il transférera, finalement, les Chagos à Maurice, assurant ainsi la décolonisation complète de notre pays, 57 ans après celle des Seychelles...

Enormément d'arguments politiques s'élaborent «Au nom du peuple», que l'on consulte cependant rarement ! Sur les Chagos, c'est pareil. Autant on peut comprendre les arguments de Rezistans ek Alternativ qui souhaite que l'océan Indien soit une zone de paix, force est de constater que l'océan Indien n'est plus du tout une zone de paix et qu'il ne le sera plus jamais. Avec les Français à La Réunion et Djibouti, les Indiens à Agaléga et à Nicobar, les Chinois se voyant déjà aux Maldives où les nouveaux élus ne cachent pas leurs sympathies - les ports de Gwadar et de Colombo leur étant déjà acquis ; il serait totalement irréaliste et même irréfléchi de demander aux Américains de fermer la base de Diego. Qu'ils nous payent un loyer est certainement nécessaire. Qu'ils obtiennent des garanties de rester à Diego à long terme, cela ne devrait pas trop nous déranger, surtout s'ils rectifient leur erreur passée. Si la population mauricienne était consultée, choisirait-elle de voir les Américains plier bagages ? Laisserait-elle passer sa chance de transformer Diego en investissement? J'en doute fortement. Encore plus si un loyer raisonnable est payé chaque année en ces dollars, dont nous avons tant besoin (*)...

Par contre, il est incompréhensible et inadmissible que les Chagosssiens (et les Mauriciens !) ne puissent pas s'établir ou se promener aux Chagos, maintenant que les Nations unies ont largement reconnu notre souveraineté ! Car, comme déjà souligné dans cette chronique plus d'une fois , une petite virée dans les 750 bases américaines de par le monde (les Britanniques en ont encore 145, les Russes environ trois douzaines et les Chinois en sont à cinq et auraient des ambitions aux îles Salomon, au Myanmar, au Cambodge, au Vanuatu et au Gabon... entre autres (**), illustre le fait que les Américains n'ont aucune difficulté à vivre près des autochtones , SAUF apparemment à Diego où ils ont impérativement interdit la présence de Chagossiens ! Allez comprendre cette discrimination tant particulière que coupable !

Mais comme y pense, n'est-il pas aussi inacceptable que les Agaléens aient des difficultés à circuler sans contrainte de leur île vers Maurice et vice-versa et tout aussi outrageant que les Mauriciens en général n'aient pas la discrétion de circuler librement partout sur le territoire national, ce qui comprendrait évidemment Agaléga ?

Contactée, l'Outer Island Development Corporation (OIDC) m'a déclaré verbalement qu'il fallait, pour pouvoir aller à Agaléga, d'abord présenter une lettre certifiée de quelqu'un qui voudrait bien m'héberger sur l'île ! Comme je n'y connais personne, pas même chez Afcons, l'OIDC, au bureau du PM ou à la marine ou l'armée de l'air indienne ; j'ai expliqué que je viendrais visiter avec ma tente de camping et mon sac de couchage, mais on a trouvé cela plutôt bizarre. Par contre, la réponse écrite stipule que je dois faire une demande au General Manager de l'OIDC en spécifiant bien le but de ma visite. Ce qui me paraît un peu bizarre, à mon tour, puisque, jusqu'ici, l'on ne m'a jamais demandé le but de ma visite quand je me déplace à Rodrigues ou à Saint-Brandon ! Mais enfin, nous sommes dans un pays où même les députés d'Agaléga ne peuvent se rendre sur l'île facilement, apparemment.

La libre circulation dans notre pays ? Tu parles !

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Le prix du sucre est au plus haut depuis 2020. Il grimpe encore cette année à cause de sècheresses en Inde et en Thaïlande, causées par le changement climatique et El Niño. N'est-il pas temps de réinvestir au moins dans les terres abandonnées ?

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La Mauritius Investment Company (MIC) représente l'initiative d'un gouvernement qui souhaitait, au départ, répondre aux conséquences funestes de la pandémie de Covid et des lockdowns divers qu'il décrétait et qui menaçaient l'existence même de certaines compagnies, dont des compagnies systémiquement importantes. Il fallait, cependant, que cela n'impacte le niveau d'endettement déjà élevé du gouvernement. C'est ainsi que 2 millions de dollars (alors équivalant à Rs 80 milliards) furent, de manière controversée, mobilisés à partir des 'réserves', sur papier, de la Banque centrale et que des plans de sauvetage furent négociés pour un certain nombre d'entreprises temporairement bloquées, mais avec de bonnes perspectives de reprise à l'avenir. On aurait pu, peut-être, avoir mobilisé la surliquidité des banques d'alors, avec des garanties de l'État, ce qui aurait pu faciliter le partage des risques et le 'pricing' des facilités dont on a pas mal discuté ; mais le vin était tiré et il fallait alors le boire plutôt rapidement, pour ne pas se taper des faillites et des chômeurs avant l'heure...

Il y eut, par la suite, un «significant push to develop and deepen our investment reach across new sectors and asset classes». C'est ainsi que naissaient des discours de «Sovereign Wealth Fund», entre autres. Les «highest standards of global best practices» engendraient, un an après l'incorporation, un bilan inaugural au 30 juin 2021 qui assurait un certain degré de transparence, ce qui honorait, en quelque sorte, l'usage de l'argent public. Ainsi, chacun des 38 dossiers approuvés était affiché explicitement, il est vrai en valeur seulement, pour un total de Rs 24,872 milliards, avec des décaissements de Rs 9,141 milliards à cette date.

Dans ce bilan inaugural, on évoquait déjà, sous la signature de Lord Desai, deux autres avenues d'investissement, outre celle de soutenir les compagnies secouées par le Covid : des investissements d'une part 'innovants' et d'autre part ceux développant nos infrastructures nationales. Au 30 juin 2021, la MIC enregistrait une perte de valeur financière de Rs 596 millions, ce qui n'était point inattendu, voire prévisible ; le gros des investissements étant dirigé sur des compagnies en détresse qui font, heureusement, bien mieux depuis. En décembre 2021, nous avons eu connaissance de l'investissement de Rs 25 milliards pour 49 % des parts d'Airport Holdings, un investissement qui, malheureusement n'était qu'un remboursement de sommes déjà avancées par l'État pour couvrir, principalement, la faillite d'Air Mauritius, plutôt qu'un investissement neuf dans des infrastructures d'avenir plus productives.

Le point capital est que, depuis juin 2021 c'est, tristement, le silence et la cécité presque complets sur MIC. Si nous savons qu'à août 2023, Rs 50,65 milliards ont été décaissés, il n'est, par contre, pas dit à qui, sous quelles conditions, sous lequel des trois portefeuilles et avec quels rendements depuis. On sait par contre que presque 50 % de cette somme émarge pour une compagnie possédée par l'État, soit Airport Holdings Ltd.

L'opacité n'est jamais de bon conseil quand on jongle avec l'argent du peuple, parce que cela engendre inévitablement des doutes, des questionnements et même des théories de conspiration ! Ou des visites à l'ICAC évoquant, sur fonds de fuites d'information, des maldonnes...

En août 2021, le nouveau chairman de la MIC, Mark Florman, déclarait dans une interview de presse qu'il croyait «dans la transparence totale». Il ferait bien d'assurer la publication transparente des comptes de la MIC de juin 2022 et de juin 2023, pour commencer !

(*) Le déficit (crucial !) de la balance des comptes courants est estimé à ...11 % du PIB en 2023, malgré l'apport du tourisme. Il s'agit donc d'un trou de Rs 65 milliards !

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