Tunisie: Barrage « Sidi El Barrak » à Béja - Un ouvrage mal exploité !

25 Octobre 2023

La sécheresse qui sévit dans le pays ces trois dernières années et la faible pluviométrie ont aujourd'hui des répercussions catastrophiques sur l'agriculture et les ressources en eau du pays qui sont en train de s'amenuiser progressivement. La menace qu'elles ne soient pas renouvelées et qu'elles s'assèchent en raison des épisodes de forte chaleur qui s'allongent de plus en plus, sous l'effet du réchauffement climatique, laisse craindre le pire. Cela risque de provoquer une catastrophe sans précédent pour la sécurité alimentaire du pays.

Bien que les experts aient claironné maintes fois et tiré la sonnette d'alarme, depuis belle lurette, sur les conséquences du réchauffement climatique dans le monde, leurs prévisions alarmistes n'ont pas réussi à secouer l'inertie des autorités tunisiennes qui ont, pendant plusieurs années, géré les réserves en eau du pays, sans véritablement anticiper sur l'avenir, et ce, par l'intégration notamment du changement climatique comme principal paramètre dans les stratégies actuelles de mobilisation des ressources hydriques et par une meilleure gestion des sources d'approvisionnement en eau.

Une mauvaise exploitation des apports en eau

Le barrage de Sidi El Barrak (gouvernorat de Béja) figure parmi les exemples qu'il est possible de citer en matière de mobilisation peu efficiente et mal réfléchie des ressources en eau, dont dispose le pays. Raoudha Gafrej, experte des ressources en eau et de l'adaptation au changement climatique, a souligné que cet ouvrage, dont la capacité de stockage est de 286 millions de m3, ce qui en fait le 2e plus grand barrage de la Tunisie, n'a pu être exploité dès sa mise en eau en 2002, à cause de l'impossibilité de transférer les apports en eau collectés dans le barrage vers d'autres ouvrages.

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Entre 2002 et 2022, sur les 6.154 millions de m3 qui ont été collectés, 4.661 millions de m3 ont été déversés en mer, afin d'évacuer le trop-plein de l'ouvrage, au cours des années de forte pluviométrie, et éviter ainsi qu'il ne déborde, alors que ces réserves auraient pu être récupérées et stockées pour les besoins en eau potable et agricoles. Le coût de ces pertes est estimé, selon l'experte, à 139 millions de dinars, ce qui représente deux fois le budget que l'Etat a décidé d'investir dans la mise en place de la stratégie Eau 2050.

Cela est considéré, à l'en croire, comme une véritable aberration, d'autant plus qu'un tel montant aurait pu être utilisé pour améliorer l'infrastructure des barrages et permettre ainsi une meilleure mobilisation des apports en eau au niveau des ouvrages à travers notamment leur transfert qui aurait dû démarrer dès la mise en eau du barrage de Sidi El Barrak pour ne citer que cet exemple.

Baisse drastique du niveau du barrage de Sidi El Barrak

Ce fait est révélateur d'un sérieux problème de gestion des ressources en eau dont dispose le pays. Depuis 2017, année au cours de laquelle le transfert d'eau a démarré, seulement 16 % des apports en eau collectés au niveau de l'ouvrage ont été mobilisés. Pendant plus de quinze ans, les apports en eau au niveau du barrage de Sidi El Barrak auraient pu être davantage mobilisés pour les besoins en eau potable et l'agriculture.

Aujourd'hui, c'est le contraire qui risque d'advenir, à savoir une surexploitation des apports en eau de ce dernier. Or, à cause des années de sécheresse qui se sont succédé et de la faible pluviométrie, le niveau de ce barrage a drastiquement baissé. D'après les chiffres avancés par Raoudha Gafrej, au 17 octobre 2023, il ne contiendrait plus, en effet, que 74 millions de m3 d'eau, correspondant au stock le plus bas jamais enregistré pour cet ouvrage et qui représente 25% de sa capacité actuelle.

A cause de la chaleur qui sévit actuellement et en l'absence de pluie, les réserves en eau du deuxième plus grand barrage du pays vont continuer à baisser sous l'effet de l'évaporation, rendant, d'après elle, nécessaire la suspension du transfert des eaux à partir de cet ouvrage hydraulique.

Ce qui nous amène à conclure, aujourd'hui, que compte tenu du fait que les épisodes de chaleur vont devenir de plus en plus fréquents, le recours à d'autres sources d'approvisionnement en eau se fait urgemment sentir, afin de réduire la pression sur nos ouvrages hydrauliques et faire face ainsi au stress hydrique.

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