Ouganda: Les protestations contre le projet d'oléoduc sont réprimées

communiqué de presse

Les défenseurs des droits environnementaux font face au harcèlement, aux menaces et aux arrestations arbitraires

  • En Ouganda, les activistes opposés aux énergies fossiles et les défenseurs de l'environnement sont victimes de harcèlement répété et parfois d'arrestations arbitraires, pour avoir protesté contre un projet d'oléoduc.
  • Le projet a détruit les moyens de subsistance de milliers de personnes en Ouganda et risque d'engendrer des décennies d'émissions de gaz à effet de serre, contribuant ainsi à la crise climatique mondiale.
  • Le gouvernement ougandais devrait respecter les droits de tous les activistes et abandonner les poursuites pénales contre les personnes qui exercent simplement leurs libertés de réunion et d'expression.

En Ouganda, les défenseurs de l'environnement et activistes opposés aux énergies fossiles sont régulièrement confrontés à des arrestations arbitraires, au harcèlement et à des menaces pour avoir exprimé leurs inquiétudes concernant un projet d'oléoduc en Afrique de l'Est, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de 22 pages, intitulé « "Working On Oil is Forbidden": Crackdown Against Environmental Defenders in Uganda » (« "Travailler sur les questions de pétrole, c'est interdit" : Répression contre les défenseurs de l'environnement en Ouganda » - résumé et recommandations en français), documente les restrictions imposées par le gouvernement ougandais à la liberté d'expression, d'association et de réunion liées à l'exploitation pétrolière, notamment le projet d'Oléoduc de pétrole brut d'Afrique de l'Est (East Africa Crude Oil pipeline, EACOP). Des organisations de la société civile et des défenseurs de l'environnement signalent régulièrement avoir été harcelés et intimidés, détenus illégalement ou arrêtés arbitrairement.

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« Cette répression a créé un environnement dissuasif qui étouffe la liberté d'expression concernant l'un des projets de combustibles fossiles les plus controversés au monde », a déclaré Felix Horne, chercheur senior auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « Le gouvernement ougandais devrait immédiatement mettre fin aux arrestations arbitraires d'activistes opposés au projet d'oléoduc et protéger leur droit à la liberté d'expression, conformément aux normes internationales relatives aux droits humains. »

Entre mars et octobre 2023, Human Rights Watch a mené en Ouganda des entretiens avec 31 personnes, dont 21 défenseurs de l'environnement.

Le projet EACOP est l'un des principaux projets d'infrastructures de combustibles fossiles actuellement en développement dans le monde. Il comprendra des centaines de puits, des centaines de kilomètres de routes, des camps et autres infrastructures ; son oléoduc de 1 443 kilomètres, le plus long oléoduc de pétrole brut au monde, doit relier les champs pétrolifères de l'ouest de l'Ouganda au port de Tanga, dans l'est de la Tanzanie.

Le géant français des énergies fossiles TotalEnergies est l'opérateur et actionnaire majoritaire aux côtés de la China National Offshore Oil Company (CNOOC) et des compagnies pétrolières publiques ougandaise et tanzanienne. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, ou IPCC en anglais), la principale autorité mondiale en matière de science du climat, et d'autres, ont averti qu'aucun nouveau projet de combustibles fossiles ne peut être construit si le monde veut atteindre les objectifs de l'Accord de Paris et limiter les pires impacts du changement climatique.

Les activistes protestent à la fois contre la construction de l'oléoduc et contre le traitement réservé aux personnes se trouvant sur son passage. Plus de 100 000 personnes en Ouganda et en Tanzanie perdront leurs terres à cause de l'exploitation pétrolière. De nombreux activistes ont expliqué à Human Rights Watch que les menaces constantes de la part du gouvernement local et des responsables de la sécurité rendent plus difficile l'apport d'un soutien aux personnes qui ont perdu leurs terres.

Les autorités ougandaises ont régulièrement interpellé et arrêté des activistes et des défenseurs des droits humains sur la base d'accusations à caractère politique. Un défenseur de l'environnement, Maxwell Atahura, a décrit son arrestation en 2021 à Bullisa : « [La police] me posait des questions sur le pétrole... À un moment donné, ils me traitaient de terroriste, de saboteur des programmes gouvernementaux.... À la fin, ils ont écrit sur le document de libération sous caution : 'attroupement illégal'. » Atahura a ajouté qu'il avait reçu des menaces et qu'il avait finalement déménagé à Kampala, pour des raisons de sécurité.

Le président ougandais Yoweri Museveni, fervent partisan du projet EACOP, a averti qu'il ne « permettra à personne de jouer...[avec son] pétrole. »

Depuis octobre 2021, au moins 30 personnes qui manifestaient ou tentaient de remédier aux impacts des projets pétroliers ont été arrêtées pour des raisons politiques à Kampala et dans d'autres régions de l'Ouganda. En 2021, le gouvernement a suspendu 54 organisations sur la base des termes vagues de la loi de 2016 sur les ONG, dont plusieurs travaillant sur les questions pétrolières et d'autres problèmes environnementaux. Les organisations locales qui continuent de travailler sur la question pétrolière le font sous la pression intense des agents du gouvernement et de la sécurité qui les pressent par téléphone et en personne de mettre un terme à leurs activités dans le secteur pétrolier.

Disposant de possibilités limitées pour influencer la politique gouvernementale, certaines ONG ougandaises associées à leurs partenaires internationaux ont porté plainte en France contre TotalEnergies. Deux personnes qui se sont rendues en France pour une audience au tribunal en décembre 2019 ont été victimes d'un harcèlement continu de la part des forces de sécurité et du gouvernement depuis leur retour.

Les activistes ougandais ont vivement critiqué le projet en raison des risques qu'il présente pour l'environnement, les communautés locales et du fait de sa contribution au changement climatique. Les activistes ont critiqué le gouvernement pour avoir approuvé le projet, ainsi que les entreprises ougandaises et internationales potentiellement impliquées dans son financement, son assurance, sa construction ou son exploitation.

Le rôle des organisations locales de la société civile, qui apportent leur aide aux personnes dont les terres ont été acquises pour l'exploitation pétrolière afin qu'elles comprennent le processus d'indemnisation ainsi que les différentes voies qui s'offrent à elles pour obtenir une compensation équitable, revêt une valeur inestimable, a déclaré Human Rights Watch. En juillet, Human Rights Watch a rendu compte des violations des droits humains associées au projet d'acquisition de terrains pour l'oléoduc, notamment des compensations insuffisantes et des pressions constantes de la part des autorités, des menaces de poursuites judiciaires, ainsi que des menaces de la part de membres du gouvernement local et d'agents de sécurité à l'encontre des personnes ayant rejeté les offres de compensation.

Dans une lettre du 23 octobre à Human Rights Watch, TotalEnergies a déclaré reconnaître « l'importance de protéger les défenseurs des droits humains et ne tolérera aucune attaque ou menace contre ceux qui promeuvent pacifiquement et légalement les droits humains dans le cadre de leurs activités. »

Human Rights Watch a également écrit au Bureau ougandais pour les Organisations non gouvernementales, un bureau semi-autonome relevant du ministère des Affaires intérieures, à l'Organisation de la Sécurité intérieure et à la Police ougandaise, mais n'a reçu aucune réponse à ces courriers, à ce jour.

En raison de l'opposition au projet d'oléoduc de la part des organisations de la société civile et des activistes du climat en Ouganda et dans le monde, de nombreuses institutions financières et compagnies d'assurance se sont publiquement engagées à ne pas soutenir l'oléoduc. Le financement de l'oléoduc n'est pas encore finalisé, bien qu'un responsable de TotalEnergies ait assuré au mois de mars que l'entreprise prévoyait que le financement devrait être mis en place d'ici la fin de 2023.

« La construction et l'exploitation du projet EACOP présentent de graves risques environnementaux et des risques pour les droits humains, et contribuent à la crise climatique mondiale », a conclu Felix Horne. « Les institutions financières et les compagnies d'assurance devraient éviter de soutenir l'oléoduc ougandais en raison des impacts dévastateurs des combustibles fossiles sur le changement climatique, ainsi que des risques futurs de graves impacts sur les droits humains. »

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