Maroc: Lutte contre la corruption - Six questions à Mohammed Bachir Rachdi, président de l'INPPLC

interview

Rabat — Le président de l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), Mohammed Bachir Rachdi, a accordé une interview à la MAP pour dresser un état des lieux de la lutte contre la corruption au Maroc et expliquer les grandes lignes de la Conférence internationale organisée les 24 et 25 octobre à Rabat sur le thème "Douze ans après la déclaration de Marrakech: l'Afrique se mobilise pour renforcer le rôle de la prévention contre la corruption".

1- Au cours de la conférence internationale organisée récemment à Rabat sur le thème "Douze ans après la déclaration de Marrakech: l'Afrique se mobilise pour renforcer le rôle de la prévention contre la corruption", la Déclaration de Rabat a été mise en avant. Quelles en sont les principales lignes directrices ?

Adoptée en 2011, la Déclaration de Marrakech se focalise sur la prévention de la corruption, vu sa complexité nécessitant une approche tridimensionnelle. La première englobe l'éducation, la sensibilisation et la mobilisation des citoyens et des acteurs concernés. La deuxième dimension est axée sur la prévention, tandis que la troisième porte sur la dissuasion et la répression des actes de corruption. Il est crucial d'établir une synergie forte entre ces trois dimensions afin d'obtenir des résultats probants, crédibilisant la prévention et facilitant la lutte contre la corruption, surtout lorsque l'impunité n'est plus la norme.

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2- Quels sont les détails des conventions signées, d'une part avec la Banque mondiale dans le cadre de la coopération internationale, et d'autre part avec l'Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) en vue d'une complémentarité institutionnelle ?

La première convention envisage l'échange de données afin de mieux maîtriser les pratiques préventives contre la corruption, qui évoluent avec l'expansion des réseaux financiers et commerciaux internationaux. Les technologies, aujourd'hui largement exploitées, contribuent à la sophistication des pratiques corruptives, exigeant une mise en commun des moyens pour contrer ce développement et réduire significativement les foyers de corruption.

En ce qui concerne la complémentarité institutionnelle dans la lutte contre la corruption, le dispositif anti-corruption national implique plusieurs institutions, dont l'ANRF qui se consacre à la lutte contre le blanchiment d'argent, le crime organisé et le terrorisme. La deuxième convention met en lumière un cadre de partenariat avancé permettant l'échange de données, le traitement conjoint des dossiers, l'enrichissement des expériences et l'exploitation commune des expertises.

3- Deux ans après l'adoption de la loi 46-19 qui a renforcé les prérogatives de l'INPPLC, quel aura été l'impact de ce texte législatif ?

Adoptée à l'unanimité en mars 2021 par les deux Chambres du parlement, cette loi a élargi le champ d'action et le rôle répressif de l'INPPLC pour toutes les infractions, qu'elles soient de nature pénale, administrative ou financière. Elle confère à l'INPPLC des responsabilités en matière d'orientation, de supervision, de coordination et de suivi des politiques de l'État visant à prévenir et à combattre la corruption. De plus, elle accorde à l'Instance le pouvoir de contribuer à la moralisation de la vie publique, notamment en menant des enquêtes et des investigations pour garantir l'application de la loi en cas d'infractions liées à la corruption.

4- Quels sont les principaux défis auxquels l'Instance fait face ?

La corruption est un phénomène complexe. Bien que les pots-de-vin soient la forme la plus connue, la corruption ne se limite pas à cela. D'où la nécessité d'élargir le périmètre couvert par la définition de la corruption, et par conséquent le périmètre d'intervention de l'Instance, pour englober les conflits d'intérêt, le clientélisme et l'abus de pouvoir, soit toutes les formes susceptibles de détourner une responsabilité d'intérêt général ou public vers un intérêt particulier. Le défi est de créer un cadre engageant tous les acteurs vers des objectifs communs et de mobiliser la société entière. Cela passe par la restauration de la confiance des citoyens à la faveur de résultats tangibles et perceptibles par l'ensemble des acteurs économiques.

5- L'INPPLC travaille-t-elle sur un indicateur national de corruption ?

Effectivement, c'est l'un des défis majeurs auxquels l'INPPLC est confrontée : élaborer des métriques pour mieux cerner la situation, afin d'orienter efficacement les stratégies et les politiques publiques. Dans le cadre de la loi 46-19, le législateur a doté l'Instance d'un observatoire qui fonctionne comme un organe intégré chargé de mener des études, des recherches et des enquêtes sur le terrain, tout en développant des indicateurs de mesure.

6- Quels sont les futurs projets de l'Instance pour renforcer la prévention contre la corruption ?

Le futur projet de l'Instance vise à établir des orientations stratégiques solides pour la politique de l'État, sur lesquelles d'autres projets seront basés. Il est crucial de consolider les réalisations et politiques précédentes pour maximiser leur impact. Par exemple, la loi sur la simplification des procédures n'a pas encore atteint ses objectifs, ce qui soulève la nécessité d'optimiser la mise en oeuvre des lois existantes. L'objectif est d'améliorer l'efficacité des lois et politiques en les alignant dans une stratégie globale pour lutter efficacement contre la corruption et répondre aux attentes des citoyens.

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