Ile Maurice: Baromètre politique - Agitation sociale avec coût de la vie, CSG et drogue

Entendons-nous bien. Le baromètre politique Synthèses/l'express, publié le mercredi 26 octobre, vient confirmer le pessimisme du Mauricien moyen par rapport aux principales préoccupations auxquelles il est confronté depuis des années, dont trois sur le front socioéconomique qui émerge à la faveur de ce sondage : la baisse du pouvoir d'achat, l'étendue de la drogue et la problématique du salaire minimum.

Dans la foulée, il faudra y inclure peut-être sur le registre social, la Contribution sociale généralisée (CSG), dont l'épuisement des contributions, à hauteur de plus de Rs 20 milliards engrangées depuis septembre 2020, selon le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a pris l'allure d'une bombe. De quoi faire sursauter les contribuables, ceux notamment qui vont partir à la retraite prochainement, ainsi que l'opposition, les spécialistes financiers, les syndicalistes ou encore les employeurs.

En jouant volontairement la carte de la transparence, le ministre des Finances a consciemment mis le pied dans une fourmilière car les critiques qui ont plu, suivant sa réponse parlementaire, n'ont fait qu'agiter la scène politique et syndicale, les unes plus sévères que les autres sur la gestion de ces contributions au sein du Consolidated Fund.

Certes, le ministre a tenté de calmer les esprits en rappelant que la Sécurité sociale a déjà fait des provisions pour financer la CSG estimée à Rs 2,4 milliards au terme de l'année fiscale 2024- 25 avec une dotation budgétaire en hausse de Rs 8,5 milliards sur un total de Rs 57,6 milliards. Une précision de Padayachy qui, visiblement, n'a pas rassuré les protagonistes et n'a fait qu'enfler la polémique sur ce sujet durant la semaine écoulée, tentant d'acculer le gouvernement déjà sur la défensive après les critiques sur le law and order dans l'affaire de la Citadelle.

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Qu'on ne se voile pas la face : cette succession d'événements combinant à la fois les incidents à la Citadelle, les résultats du sondage politique et les contributions épuisées de la CSG constitue pour le moment un cocktail explosif que l'alliance gouvernementale est appelée à gérer.

Boosté momentanément par sa victoire au Privy Council le 16 octobre, Pravind Jugnauth voit aujourd'hui le feel-good factor qu'avait entraîné ce jugement favorable retomber comme un soufflé. À tel point que le timing d'un éventuel retour d'Ivan Collendavelloo au Conseil des ministres et même au poste de DPM est diversement commenté ces jours-ci. Sans doute, le leader du ML qui, dit-on, prodigue de précieux conseils politiques au leader du MSM, serait un atout clé pour surmonter la tourmente dans laquelle ce dernier se retrouve. Et qui devrait à la prochaine échéance électorale servir de rempart à l'alliance gouvernementale contre le MMM dans un certain nombre de circonscriptions urbaines.

Pour autant, les jeux ne sont pas faits car, entre maintenant et les élections générales dans une an- née, les données peuvent changer. Tant pour les 36 % de Mauriciens qui voteraient en faveur de l'opposition PTr/MMM/PMSD, si les élections se tenaient au moment de ce sondage, comme pour les 24,8 % à l'alliance gouvernementale.

Même si Pravind Jugnau- th n'a pas jusqu'ici commenté les résultats de ce sondage, réalisé d'ailleurs, avant le verdict favorable du Conseil privé, tout comme la MBC qui n'en a pas pipé un seul mot, les spin doctors ne sachant pas où placer le curseur pour en tirer avantage, le leader du MSM et ses principaux partenaires de l'alliance gagneraient à analyser ses principales conclusions. Car il va sans dire que ce baromètre ouvre des pistes sur le mood de la population et ses principales inquiétudes. Tout comme l'opposition parlementaire, qui tout en s'enorgueillissant que cette nouvelle plate- forme ait été acceptée par une frange importante de la population, peut mesurer le chemin à parcourir et convaincre les indécis qu'elle peut être l'alternance au gouvernement du jour en développant des thématiques de campagne pour répondre aux interrogations d'une population qui ne sait pas à quel saint se vouer.

Pouvoir d'achat

Le pouvoir d'achat demeurera la préoccupation centrale de la population jusqu'aux prochaines élections et même au-delà. Toutefois, ce n'est pas un phénomène strictement mauricien car depuis la crise pandémique suivie de la guerre russo-ukrainienne en février 2022, les cours des denrées de base ont pris l'ascenseur, avec l'inflation devenue la bête noire des banques centrales à l'échelle planétaire. Résultat, les prix des produits alimentaires ont augmenté de manière vertigineuse, entraînant la colère populaire.

Jusqu'où le gouvernement compte-t-il aller pour soulager financièrement les consommateurs à l'avenir ? Est-ce qu'il compte toujours avoir recours aux subventions sur les produits de consommation courante, une pratique qui malheureusement profite davantage aux personnes de la classe aisée ? Cela, alors même que le ministre des Finances utilise le levier de la consommation pour doper la croissance et éventuellement augmenter les caisses de l'État sous forme de TVA.

Entre-temps, les retraités, qui sont les plus financièrement exposés, s'interrogent sur leur pension de Rs 13 500 l'année prochaine, celle-ci devant être partiellement financée par les contributions de la CSG. De plus, Les contributions recueillies sous ce nouveau système de pension ont été utilisées pour financer diverses prestations sociales, dont une part conséquente de la hausse de la pension des seniors de 65 ans à monter, une promesse électorale faite en 2019.

Une telle situation n'a fait qu'enflammer ces derniers jours le débat autour de la raison d'être de la CSG et du remplacement de la NPF qui était fortement déficitaire, selon le ministre des Finances, ses investissements dans des fonds à l'étranger comme à Maurice, ne générant que de maigres rendements. En même temps, la situation financière actuelle de la CSG confirme les analyses des actuaires, dont Bernard Yen d'Aon Solutions, qui a plus d'une fois affirmé dans le passé que la CSG ne subira pas l'épreuve du temps et qu'elle sera déficitaire dans sa troisième année d'existence.

La gestion de la CSG risque d'être explosive pour le gouvernement vu qu'elle touche aux sacrifices consentis depuis 2020. Comment la remettre à flot. Certains ont évoqué l'idée d'une augmentation des contributions des employeurs dont les sociétés font des milliards de profits. D'autres soutiennent que l'État pourrait très bien laisser filer l'inflation, ce qui mécaniquement va augmenter le coût de la vie, les syndicalistes forçant les entreprises à augmenter les salaires et qui, par ricochet, entraînera davantage des contributions de la part des employeurs.

Quoi qu'il en soit, l'été sera particulièrement chaud sur le front social et politique. Fortes des résultats de ce baromètre politique, les deux alliances politiques tenteront dans les mois qui viennent à se mettre en ordre de marche pour récupérer la clé du bâtiment du Trésor...

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