Ile Maurice: Faire résonner la voix des jeunes et imaginer un autre avenir

L'Institut français de Maurice (IFM) accueille aujourd'hui, et ce, jusqu'à dimanche, la quatrième édition du forum «Notre Futur - Dialogues Afrique-Europe». La plus jeune à siéger sur le comité éditorial est Kooshilla Saraye, coordinatrice de la «Young African Leaders Initiative» et ambassadrice des jeunes auprès de l'Union européenne. Découvrons cette jeune femme qui entend encourager les participants à s'exprimer et à échanger pour imaginer de nouvelles relations entre les deux continents.

La poignée de main très énergique de Kooshilla Saraye, 29 ans, est en contraste avec son allure un peu gauche et intimidée. Cela tient sans doute au fait qu'il s'agit de sa première interview de presse. Et pourtant, cette jeune femme, engagée bénévolement auprès de plusieurs associations, n'est pas née de la dernière pluie et a une certaine expérience en matière de travail avec des jeunes.

Actuellement Operations Lead à Skygher, compagnie familiale engagée dans l'importation de produits de quincaillerie, elle est originaire de Lallmatie, où son père, Satish, possède deux quincailleries. Aînée de quatre enfants, elle a suivi sa scolarité secondaire au Manilal Doctor SSS de Lallmatie, optant pour la comptabilité, les Business Studies et l'économie comme matières à l'étude en Form VI. Il faut dire que durant son temps libre, elle a toujours prêté main-forte à son père et à sa mère, Biswanee, au sein des quincailleries familiales et elle continue à le faire d'ailleurs. «C'est very demanding, voire fatigant. Depuis toute petite, j'ai vu mes parents à l'oeuvre, vu les sacrifices qu'ils ont fait et leur succès. C'est ce qui m'a poussée vers l'entrepreneuriat. Mon rêve est d'ailleurs de start something from scratch and build it.»

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À la fin de ses études secondaires, Kooshilla Saraye est admise à l'université de Maurice (UoM), où elle suit un cours pour obtenir un Bachelor en ressources humaines qu'elle fait suivre d'un Masters en Information Technology and Enterprise Management. Et, en parallèle, elle fait du bénévolat au sein de plusieurs associations estudiantines, dont le Benevolent Club et l'Association internationale des étudiants en sciences économiques et commerciales. Au cours de sa quatrième année, elle préside la branche de Réduit. L'équipe et elle montent des projets en faveur de la protection animale, de la préservation de l'environnement, de l'autonomisation des femmes et de l'entreprenariat. «Cela m'a permis de développer mes aptitudes en leadership et de collaborer avec d'autres organisations pour motiver les jeunes à participer à nos projets.»

Elle est ensuite employée à Edventr Ltd en tant que Business Executive et y reste deux ans. Elle rejoint la branche locale de la *Young African Leaders Initiative8 , dont elle devient en 2022 le Chapter Coordinator. Puis, par l'entremise d'un ami, elle apprend que la division des jeunes du département des ressources humaines, science et technologie de l'Union africaine (UA) cherche de jeunes professionnelles. Cela l'intéresse. Elle fait sa demande et est acceptée comme Human Resource and Programme Associate. C'est ainsi qu'avec la bénédiction de ses parents, en 2019, elle met le cap sur l'Éthiopie, plus précisément à Addis-Abeba, et est heureuse de travailler en faveur des jeunes.

«C'était un dream job», précise-t-elle. Elle apporte sa contribution à différents projets, notamment sur la mise en place d'un modèle pour les jeunes des 55 Etats-membres de l'UA, calqué sur le Model UN. Sur 30 000 demandes de jeunes, la division doit en sélectionner 200. Ceux-là sont ensuite formés à l' African Union Youth Volunteer Corps aussi bien en présentiel qu'en ligne. Lors de son séjour à Addis-Abeba, elle en profite pour suivre des cours en ligne auprès de l'UoM en vue d'obtenir un Masters en Innovation and Leadership. Et le réussit.

Puis, arrive la pandémie de Covid-19. Elle, qui pensait terminer son contrat, voire rempiler, a des appréhensions pour ses parents. À tel point qu'elle décide de rentrer. C'est ainsi qu'en août 2020, elle regagne Maurice sur un des vols de rapatriement. Et travaille en ligne avec son employeur de l'UA pendant encore 11 mois jusqu'à ce que son contrat arrive à terme. Elle intègre la Jeune chambre économique de Curepipe, et, depuis 2021, elle a été nommée ambassadrice des jeunes auprès de l'Union européenne (UE). Ils sont une vingtaine à avoir eu ce statut. Jusqu'ici, les jeunes ambassadeurs de l'UE, qui ont un mandat de deux ans, ont planté des arbres endémiques à Bras-d'Eau, participé à un forum sur l'autonomisation des femmes, et ont eu des dialogues avec Vincent Degert, ambassadeur de l'UE, avant son départ à la retraite.

C'est à travers l'UE qu'elle a appris la tenue de la quatrième édition de Notre Futur - Dialogues Afrique-Europe, coordonnée par les Instituts français de Maurice et de Paris, avec le concours d'autres partenaires locaux et régionaux. Ce forum a lieu ce week-end : à l'amphithéâtre de Pointe-Canon, à Mahébourg, aujourd'hui, et demain à l'IFM, à Rose-Hill. Au regard de son expérience auprès des jeunes, c'est tout naturellement que la délégation de l'UE a proposé son nom pour siéger au comité éditorial. Les communications entre les différents membres du comité, dénombrés à sept personnes, ont démarré au mois d'avril. Leurs échanges ont permis de définir les quatre piliers de la programmation (voir hors-texte). «Cela a été un travail d'équipe.»

Elle participera à deux ateliers, l'un ayant pour thème «Université afropéenne» où il sera question de réfléchir à de nouveaux modèles d'universités, et l'autre sur le thème des «Jeunes du Sud : Faire entendre nos voix». Kooshilla Saraye voudrait que ce forum montre aux jeunes africains et européens qui seront présents les différentes facettes des deux continents, que ce soit politique, sociale, culturelle. «Nous avons certes beaucoup de différences, mais notre point commun est que nous sommes tous humains et vivons dans un monde interconnecté. Je vais inciter les jeunes à participer pleinement au forum et je suis sûre qu'ils apprendront beaucoup de ces échanges car everybody is a book. Je pense également que j'en sortirai enrichie car learning is one of my values.»

L'horizon par-delà les frontières

Ce forum réunira pendant trois jours des jeunes des Comores, de Mayotte, de Madagascar, de La Réunion et des Seychelles, ainsi que de l'Afrique de l'Est, soit du Kenya, de la Tanzanie, du Mozambique, ainsi que d'Europe et de Maurice dans l'optique de «fabriquer, imaginer, explorer et questionner de nouveaux dialogues possibles entre l'Afrique et l'Europe», peut-on lire sur le communiqué de presse de cette manifestation. Il y aura donc des citoyens, des artistes, des enseignants, des chercheurs, des intellectuels, des responsables d'institutions publiques ou d'organisations de la société civile qui se retrouveront à l'IFM et qui plancheront sur des projets possibles.

Le programme a été défini par plus d'une cinquantaine de jeunes, des Mauriciens mais aussi d'autres nationalités, notamment des étudiants ou des professionnels installés à Maurice au cours de deux journées de réflexion. «De ces discussions ont émergé quatre axes de programmation : Arts et cultures sans frontières, Être ici et/ou là-bas, Penser autrement les frontières Afrique-Europe et L'île comme laboratoire pour penser le monde», indique le communiqué, qui précise qu'un comité éditorial a été créé afin de coordonner ce forum et de «guider la réflexion des jeunes invités aux journées de co-construction».

Ce comité comprend Nathalie Bernardie-Tahir, professeure de géographie à l'université de Limoges et présidente du conseil d'administration de l'université des Mascareignes, Zia Gopee, historien de l'art, Farrah Jahangeer, chercheuse en architecture et enseignante, Stéphan Karghoo, historien et directeur du Centre Nelson Mandela, Shenaz Patel, journaliste et écrivaine, Gilles Ribouet, géographe et responsable de la communication à la Commission de l'océan Indien, et Kooshilla Saraye. Le programme complet du forum est à retrouver sur «notrefutur.io».

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