Madagascar: Entre suspense et espoir d'une suite paisible pour tous

Il appartient maintenant aux citoyens de Madagascar de faire entendre leur voix par les urnes
16 Novembre 2023

Le jour J pour le premier tour des élections présidentielles à Madagascar, c'est aujourd'hui. Pendant des semaines, la Grande île a été secouée par une campagne électorale féroce entre le président Andry Rajoelina et une douzaine de candidats qui s'opposent à lui et cela s'est traduit par des manifestations et des violences. C'est maintenant au tour des citoyens de faire leur choix en déposant leur vote dans les urnes. Le second tour, si aucun candidat n'a de majorité absolue, est programmé pour le 20 novembre. Les Mauriciens à Madagascar espèrent une passation de pouvoir paisible et une suite favorable.

Hier, à la fin de cette campagne électorale, l'ambiance était plutôt calme et ordonnée dans l'ensemble du pays. Ce qui contraste fortement avec les manifestations de la semaine dernière, les jets de pierres et les bombes lacrymogènes, lancés sur la foule de partisans réunis au stade de Mahamasina à Antananarivo. Hier, aucune manifestation n'a été autorisée sur l'ensemble du territoire, les autorités s'engageant à maintenir l'ordre pour garantir que les citoyens puissent exprimer librement leur choix, selon l'express de Madagascar.

Pour les Mauriciens résidant ou travaillant là-bas, les sentiments restent mitigés par rapport à la suite des élections, malgré le calme ordonné régnant hier. Sous couvert de l'anonymat, nos compatriotes ont raconté que «les tensions ayant principalement eu lieu dans le centre-ville d'Antananarivo, la situation a nécessité une forte présence de policiers pour assurer la sécurité et rassurer le public. On peut sentir une atmosphère de suspense. Cependant, il n'y a aucune perturbation dans les commerces ni dans notre travail», confie un Mauricien qui visite fréquemment la Grande Île et qui se trouve actuellement dans la capitale, sous couvre-feu jusqu'à ce matin.

%

Malgré les manifestations de l'opposition cette année, dit-il, les choses se sont déroulées plutôt calmement car le pays a connu pire auparavant. Il a en mémoire la crise politique et le coup d'État de 2009, ainsi que les violences déclenchées lors des manifestations à l'époque. Des faits qui hantent encore les esprits.

«Il y a ceux qui sont destinés à être alarmistes et pessimistes car ils ont déjà été témoins d'événements traumatiques. Avec 13 ou 14 familles toujours en lice pour les élections et dirigeant le pays, les élections se sont toujours déroulées de manière tendue. Cette année, nous devons dire que malgré les troubles, les choses ont été relativement sous contrôle par rapport au passé. En tant que Mauriciens, nous nous souvenons également que nous sommes ici pour travailler et nous tenir à l'écart des manifestations politiques et de tout ce qui ne nous permet pas d'interférer avec les affaires des citoyens. Le peuple malgache est très accueillant et chaleureux et nous espérons une transition pacifique en cas de changement de pouvoir.»

Dans d'autres provinces, en sus du calme, il y a un certain désintérêt des citoyens à l'idée d'un changement de régime avec ces élections, déclare R.M. «Dans la capitale, les choses ont généralement été tendues mais heureusement, en tant que Mauricienne, je ne me suis pas sentie en danger car les forces de sécurité ont bloqué les rues où les manifestations devaient avoir lieu, nous demandant de prendre une diversion à temps. Les voitures n'étaient également pas autorisées près des hôtels et des résidences en raison des manifestations et j'ai récemment marché plus d'un kilomètre pour accéder aux transports afin de me rendre à l'aéroport. Lorsque je suis arrivée dans la province de Mahajanga, c'était absolument paisible, sans troubles, presque comme si personne ne se souciait des manifestations se déroulant dans l'autre partie du pays ou que des élections allaient avoir lieu.»

Un entrepreneur mauricien, basé depuis dix ans dans la Grande Île, hors de la capitale, abonde dans le même sens. «Pour nous, c'est business as usual, aucune perturbation. Je remarque un désintérêt et un désengagement vis-à-vis des élections chez beaucoup de ceux à qui je parle. 'Nous ne nous sentons pas concernés par cette élection et nous ne votons pas car cela ne change rien pour le public', disent-ils.»

Aujourd'hui, 27 375 bureaux de vote, répartis sur l'ensemble du territoire, ouvriront leurs portes simultanément à 6 heures, locales, jusqu'à 17 heures, note l'express de Madagascar. Parallèlement, un collectif de dix candidats - d'anciens rivaux politiques - a appelé la population à boycotter ces élections en affirmant que le processus électoral «est entaché de nombreuses failles».

«Ces élections présidentielles ne sont pas trop prises au sérieux, c'est ce que nous notons. Même si les citoyens les boycottent, ce ne sera pas parce qu'ils suivront le mot d'ordre d'autres leaders mais plutôt parce qu'ils sont individuellement dégoûtés (...) Chacun a son histoire, chacun sa perception. Les manifestations viennent d'une minorité qui se sent concernée. Il y a aussi ceux qui sont optimistes. Mais beaucoup sont d'avis qu'au milieu d'une politique d'argent, de démonstration de force et de vengeance entre rivaux, comme cela se produit dans de nombreux pays, rien ne changera pour les gens ordinaires. Les gens luttent pour se permettre l'essentiel chaque jour afin de rester en vie et ils continueront à le faire. Ils ne s'intéressent pas aux élections et au vote car pour eux, indépendamment de qui arrive au pouvoir, rien ne s'améliorera.»

Cependant, abstention des électeurs ou pas, l'espoir est que s'il y a un changement de régime, la transition du pouvoir soit paisible et que la situation reste calme pour tout le monde par la suite. «Le suspense persiste et les opinions sont divisées. Majorité ou non, second tour de scrutin ou non, le risque qu'il puisse y avoir des manifestations après la proclamation des résultats est présent, ce qui pourrait entraîner des violences lorsque ceux qui ne sont pas d'accord avec les résultats expriment leurs frustrations. Nous croisons les doigts pour que cela ne se produise pas et que la paix prévale.»

Couvre-feu imposé à Antananarivo

Madagascar a imposé un couvre-feu à Antananarivo hier soir et aux premières heures de ce jeudi, jour du premier tour de l'élection présidentielle, a annoncé le préfet de police de la capitale.

«Face aux divers actes de sabotage qui se sont déroulés» mardi soir, «je vais sortir un arrêté d'ici peu instaurant un couvre-feu à partir de 21 heures» (22 heures de Maurice) et «jusqu'à 4 heures du matin» (5 heures de Maurice), avait déclaré peu avant le général Angelo Ravelonarivo lors d'une conférence de presse à Antananarivo.

Évoquant l'«incendie d'un bureau» de vote et «la destruction de divers matériaux électoraux», le préfet a mis en garde contre des actions menant à de possibles arrestations avec «circonstance aggravante en cette période électorale».

Les bureaux de vote ouvrent à 6 heures du matin (7 heures de Maurice). Onze millions d'électeurs inscrits devront choisir entre treize candidats. Andry Rajoelina brigue un second mandat. Mais les tensions avec l'opposition sont vives : dix opposants et candidats rassemblés au sein d'un collectif, dont les anciens présidents Hery Rajaonarimampianina et Marc Ravalomanana, ont appelé mardi les électeurs à ne pas voter.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.