Afrique: Les souvenirs de la musique congolaise - De l'Ok Jazz au Tout-Puissant Ok Jazz, à l'ascension et la gloire du Grand Maître Franco (3)

Hormis la défection de Léon Bombolo dit Bolhen et Vicky Longomba qui quittèrent l'Ok Jazz en 1960 pour créer l'orchestre Négro succès, les années 1963, 1964, 1965, 1966 furent marquées par l'arrivée dans cet orchestre d'une pléiade des artistes musiciens, entre autres, Michel Boyibanda, Francis Bitsouamou dit Céli Bitsou (anciens sociétaires du Négro Band et Bantous de la capitale), de Gilbert Youlou Mabiala , Jean Félix Mpouela alias Du Pool venus de Brazzaville pour gonfler le nombre de musiciens qui furent à l'origine de l'ascension, la gloire de Franco et l'épopée de l'Ok Jazz.

Après une absence de deux ans au cours desquels il évolua dans l'African Jazz et le Négro succès, Vicky Longomba réintégra l'Ok Jazz en 1962 et pèsera de tout son poids pour obtenir le retour dans l'orchestre d'Edo Ganga et de Daniel Loubelo De la Lune, transfuges de l'orchestre Bantous de la capitale. Peu avant, Simon Lutumba Simaro (guitariste) fera son entrée en 1961, venu de l'orchestre Kongo Jazz après un passage dans Micra Jazz et Conga Jazz de Dewayon, puis Georges Kiamwangana Verckys (saxophoniste) et Christophe Djali Djangi dit Lola Checain (chanteur) en 1963. Comme annoncé dans notre précédente livraison, la période précitée fut particulièrement marquée par le conflit qui opposa en 1965 Luambo Franco et Jean Kwamy, à l'issue du départ de ce dernier dans l'African Fiesta. Conflit qui généra deux chansons dont « Mbuakela » ou « Mbokela » (diatribes) et « Faux millionnaire » de Kwamy adressées à Franco et « Chicotte » de Franco à l'endroit de Kwamy, qui défraie la chronique parmi les mélomanes des deux rives du fleuve Congo.

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L'on notera également la participation de l'Ok Jazz en 1966 au premier Festival des arts nègres de Dakar, au Sénégal, aux côtés des Bantous de la capitale de Brazzaville et qui fut aussi une étape de l'épopée de ce groupe. La présence dans ses rangs des musiciens brazzavillois dont Michel Boyibanda, Gilbert Youlou Mabiala, Jean Félix Mpouela Du Pool et de Francis Bitsoumanou inaugura une nouvelle ère, après l'expulsion des Brazzavillois de Léopoldville, le 22 août 1964, par le Premier ministre, Moïse Tchombe.

La naissance de l'orchestre Révolution, en avril 1967, constitua le plus grand mouvement que Luambo Franco connut dans son groupe. Il fut sérieusement ébranlé par le départ massif des musiciens tels Mulamba Mujos, Jean Kwamy (transfuge de l'African Fiesta), Welekingana John Paye, Armando Brazzos, Tshamala Picolo, Bosuma Désoin, Musekiwa Isaac, Christophe Djale et Michel Boyibanda (qui fut un come-back dans le Négro Band). Par un élan de solidarité, ils voulurent démontrer à Franco leurs valeurs artistiques mais hélas, l'orchestre Révolution vécut le temps d'une rose car miné par des conflits internes. Un album composé des titres « Ngaï mwana Congo » et « Divorce » de Mujos, « Mopepe ya mbula » et « Kinshasa na yaki » de Kwamy fut à l'actif du groupe et salué comme l'une des grandes oeuvres de l'année. Un bon nombre des dissidents rejoignit l'Ok Jazz quelque temps après la dislocation de Révolution.

En 1972, Vicky Longomba, de nouveau en porte à faux avec Franco suite à plusieurs conflits dont celui du leadership, quitta définitivement l'Ok Jazz pour former Lovy du Zaïre. Il créa ses propres éditions dénommées « Editions Vick Long ». Luambo Franco et Vicky Longomba, deux co-fondateurs de l'Ok Jazz, ne s'appréciaient plus au cours de l'évolution de cet orchestre.

En octobre de la même année, le président Mobutu décréta la loi de recours à l'authenticité, obligeant les Zaïrois à abandonner leurs prénoms chrétiens pour des prénoms authentiquement zaïrois. François Luambo Franco devient Luambo Makiadi, ajoutant un autre nom qui traduit ses origines tribales, « Lokanga Landju Pene ».

Au fil du temps et des événements, Franco, resté seul capitaine à bord du navire Ok Jazz, s'affirme ainsi dans la sphère musicale kinoise et devient de plus en plus célèbre et incontournable. En trois décennies 70-80-90, Luambo Makiadi est au faîte de la musique congolaise à travers ses sublimes chansons emblématiques qui bousculent l'écosystème musical des deux rives du fleuve Congo et du continent. Il sort de sa coquille pour imposer son leadership et attire auprès de lui tous ceux que le pays compte en termes de grands talents artistiques. Il vole de succès en succès, c'est l'apothéose. Luambo Franco devient le musicien repère des grandes nuits présidentielles où il agrémente avec l'Ok Jazz plusieurs banquets. Il est l'un des maîtres de la rumba congolaise et amasse sans coup férir biens matériels et gloire spirituelle. L'Ok Jazz (orchestre Kinshasa Jazz) devient ensuite le T P Ok Jazz (Tout puissant orchestre Kinshasa Jazz). Il est tout à la fois chanteur, guitariste, auteur compositeur, éditeur, conteur, dérangeur et meneur d'hommes. Animé par la volonté et l'amour du travail bien fait, Franco devient le Grand Maître de la musique zaïroise dont la seule évocation du nom inspire respect et admiration. La devise du groupe était « On entre OK, on sort K.O ». A suivre!

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