Congo-Kinshasa: Procès du reporter Stanis Bujakera - Le dossier d'accusation ne tient pas, selon un consortium journalistique

Un consortium journalistique a publié ce 27 novembre 2023 une enquête concernant le reporter Stanis Bujakera, jugé en RDC depuis le 13 octobre. Il affirme notamment que les analyses techniques sur lesquelles s'appuie la justice congolaise ne tiennent pas la route. Le correspondant de Reuters et de Jeune Afrique (JA) avait été arrêté le 8 septembre pour un article publié et non signé dans JA mettant en cause les renseignements militaires dans l'assassinat de l'ancien ministre Chérubin Okende.

En République démocratique du Congo (RDC), nouveau rebondissement dans l'affaire Stanis Bujakera, journaliste congolais accusé d'avoir fabriqué et diffusé une note confidentielle des services de renseignement congolais (ANR).

Près de 3 mois après son arrestation, une enquête menée par plusieurs médias indique que les affirmations du procureur - servant à accuser le journaliste - sont fausses.

L'enquête a été menée par le consortium Congo Hold Up, avec entre autres le site actualite.cd, le magazine Jeune Afrique, et le site d'investigations Mediapart.

Dans leur enquête, les différents partenaires de Congo Hold Up disent avoir eu accès au dossier d'accusation qui se base notamment sur l'expertise technique d'un commissaire de la police congolaise.

L'analyse technique avancée par un enquêteur n'est pas possible, selon les sociétés Telegram et WhatsApp

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Celui-ci assure avoir établi, par une analyse des métadonnées - donnée qui fournit de l'information sur une autre donnée - de l'image, que Stanis Bujakera a reçu ce document de l'ANR via l'application de messagerie cryptée Telegram et qu'il a été le premier à le diffuser sur un groupe WhatsApp, autre application de messagerie instantanée.

Pour preuve, le policier met en avant une adresse IP - c'est-à-dire un numéro d'identification attribué à un appareil connecté à Internet - et qui a permis d'identifier le numéro de Stanis Bujakera.

Le substitut du procureur se repose donc sur cette analyse technique pour accuser le journaliste d'être à l'origine de la diffusion de cette note de l'ANR qui est une note confidentielle décrivant comment les renseignements militaires auraient tué en juillet dernier l'opposant Chérubin Okende.

Pour son enquête, le consortium a contacté les deux sociétés, Telegram et WhatsApp, ainsi qu'un expert américain. Or, les trois indiquent que cette analyste technique n'est pas possible.

Telegram affirme qu'il est techniquement impossible d'identifier l'adresse IP d'un expéditeur grâce à des pièces jointes. Le groupe ajoute que Telegram a été spécialement conçu pour protéger les personnes qui s'expriment sous des régimes autoritaires.

WhatsApp assure également qu'il n'est pas possible de retrouver l'expéditeur initial d'un message sur WhatsApp.

Et, enfin, l'expert américain Gary Miller, chercheur en sécurité mobile à l'Université de Toronto, assure qu'il n'y a aucune preuve que cette adresse IP a été utilisée par le téléphone de Stanis Bujakera. À l'en croire, indique le consortium, les éléments de preuves mis en avant par le procureur ne sont pas crédibles.

Le consortium rappelle que ces investigations numériques ont pourtant servi d'argument majeur au substitut du procureur pour justifier le maintien en détention du journaliste congolais.

Pour Reporters sans frontières, l'objectif était d'avoir accès aux sources de Stanis Bujakera

Pour Reporters sans frontières (RSF), cité dans l'enquête du consortium, il n'y a aucun élément dans le dossier qui justifie l'inculpation et le maintien en détention du journaliste. Le but dès le départ est clair, ajoute l'organisation de défense de la presse : c'est d'avoir accès aux portables de Stanis Bujakera et de savoir qui lui parle.

L'ANR a vraisemblablement des fuites, indique RSF, mais ils ne savent pas d'où cela vient. Ils présument que le journaliste était en contact avec cette source et tentent de lui faire révéler en le maintenant en prison, ajoute l'organisation de défense des journalistes.

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