Burkina Faso: Ce que disent les images de l'attaque de la base de Djibo

Les images de raids motocyclistes, dans la région des trois frontières, sont rares. C'est toutefois un mode d'action plébiscité par les groupes armés pour submerger les défenses des bases armées dans la région. Si l'on en croit les vidéos publiées par la télévision burkinabé, RTB, ce sont des centaines de combattants à motos et en pick-up qui ont déferlé sur Djibo le 26 novembre 2023. La cellule Info Vérif de RFI a analysé les images de l'attaque.

Selon une source locale, le Jnim assurait dès le dimanche 26 novembre 2023 que « la caserne de Djibo a été prise d'assaut et complètement occupée ». Les combats auraient débuté vers 15 heures (heure locale) et la confrontation aurait duré trois heures. Dès le lendemain, les premières images de cette attaque, diffusées par la RTB, apparaissent sur les réseaux sociaux. La cellule Info Vérif de RFI est parvenue à géolocaliser certaines de ces images.

Dès le début de la vidéo, on voit les membres des groupes armés déferler depuis le nord en bordure du lac de Djibo, probablement en direction de la base militaire située à environ quatre kilomètres à vol d'oiseau.

Les images couleurs ont été prises depuis le ciel par un vecteur aérien. Il est vraisemblable que plusieurs appareils aient été déployés dans la zone durant l'attaque, voire peut-être avant. La réponse de l'armée burkinabè à cette attaque a été plutôt adaptée au regard de la menace, et semble avoir porté ses fruits, d'un point de vue tactique, faisant enregistrer des pertes significatives à l'adversaire.

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En utilisant l'outil FlightRadar24, on parvient à retracer le parcours d'un avion de renseignement burkinabè, de type Diamond DA-42. Il décolle à 17h27 de Ouagadougou, et arrive sur la zone d'intérêt aux alentours de 18h20. L'armée burkinabè connaît bien la région du Soum où elle combat les groupes armés terroristes depuis plusieurs années. En 2022 déjà, cette même base avait été attaquée. L'avion Diamond MPP va permettre, grâce à ces caméras, de mieux comprendre la situation, d'informer le commandement, d'identifier les axes de fuite des groupes armés terroristes et éventuellement de coordonner des frappes. Cela étant, l'avion de renseignement (ISR) va effectuer plusieurs rotations, toujours à en croire le site FlightRadar24.

La base prise d'assaut

En se fiant aux images fournies par l'armée burkinabè, on constate que les assaillants vont effectuer plusieurs brèches en détruisant le mur « sud » de la base. Pour parvenir à leurs fins, les terroristes vont utiliser un véhicule lourd blindé, employé comme voiture bélier. Le mur d'enceinte qui n'est pas renforcé à cet endroit par des « Bastion Wall » (gabions et sacs de sable géants) va céder au premier coup de boutoir. RFI a identifié le véhicule utilisé dans l'attaque comme étant un MRAP « Puma » de fabrication sud-africaine, mais dont dispose l'armée burkinabé.

Une prise de guerre des jihadistes ? De ce que l'on voit ensuite sur les images publiées sur les réseaux sociaux, les assaillants se massent alors devant le mur d'enceinte pour entrer dans la base. Là encore, la réponse de l'armée burkinabè peut-être qualifiée de « vigoureuse » comme l'explique un expert joint par RFI.

La riposte venue du ciel

Les vidéos en attestent : plusieurs frappes de précision sont conduites depuis le ciel. Les comptes proches de la junte ne précisent pas l'armement employé. On sait toutefois que l'armée burkinabè dispose de drones TB2 équipés de petites munitions guidées (MAM-L), dont elle a déjà fait usage par le passé. Le DA-42, dont nous avons suivi la trace, n'est pas conçu pour tirer de l'armement. À ce stade, l'analyse de la symbologie (réticules et paramètres apparaissant à l'image) n'a pas permis à la cellule Info Vérif de déterminer formellement l'origine des tirs. Cependant, en les comparant avec d'autres vidéos plus anciennes disponibles sur YouTube et présentées comme étant des frappes de TB2 au Burkina, on s'aperçoit que les symboles, dans le viseur, concordent. Ce qui confirme l'usage de ces drones dans le raid du dimanche 26 novembre autour de la base de Djibo.

Par ailleurs, un site de la NASA dédié à la détection des incendies et des sources de chaleur témoigne d'un nombre important de feux ou de points chauds, autour de la base de Djibo, après le 26 novembre. Ils révèlent bien la trace des combats et des destructions. Ces relevés sont inhabituels au regard de l'activité quotidienne dans la région si l'on garde en tête que des feux de brousses ou des feux de bois destinés à la cuisine peuvent régulièrement apparaître dans la recherche des sources de chaleur (IR) dans la zone Sahel.

Toutefois, il faut souligner qu'aucune image publiée de source officielle ne laisse apparaître des combats du Jnim à l'intérieur de la base. Il faudra peut-être attendre les images de propagande du mouvement armé pour obtenir des précisions sur le bilan humain et le matériel emporté, s'il y en a eu.

Bilan difficile à établir

Certaines vidéos montrent en revanche des éléments de l'armée se défendant en bon ordre, face à l'assaillant. En revanche, il convient de préciser que les films dont nous disposons en sources ouvertes, qui proviennent de l'une des parties au conflit, ne permettent pas d'établir parfaitement la chronologie des faits.

Concernant le bilan humain, « plus de 400 terroristes » auraient été tués selon l'Agence d'information du Burkina. Un chiffre qui ne peut pas être vérifié de manière indépendante. Ce mardi 28 novembre au soir, des images difficiles consultées par RFI, laissaient apparaitre des corps calcinés et déchiquetés ainsi que des carcasses de motos à proximité immédiate du mur d'enceinte de la base. Quelques armes sont visibles au milieu des restes, mais on ne peut pas affirmer avec certitudes que la totalité de ces corps sont ceux d'assaillants appartenant à un groupe armé terroriste.

Ces images obtenues de bonnes sources ont pu être géolocalisées par la cellule Info Vérif de RFI. Ce mardi toujours, le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme évoquait la mort d'au moins 40 civils dans l'attaque massive de Djibo mais aucun chiffre précis n'a été fourni concernant le nombre d'éléments des forces de défense et de sécurité qui auraient été tués dans les échanges de tirs.

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