Ile Maurice: Le financement de cette hausse fait débat

2 Décembre 2023

L'information sur l'augmentation du salaire minimum circulait depuis quelques semaines et a finalement été confirmée par Soodesh Callichurn hier. Le salaire minimum passe à Rs 15 000 à partir de janvier 2024. Ainsi, le revenu minimum garanti sera de Rs 17 000 à cette date.

Actuellement, le salaire minimum est de Rs 11 575. «Cela représente une augmentation de Rs 3 425, soit 29 %. Cette décision concerne 141 700 travailleurs du secteur privé», a déclaré le ministre du Travail, Soodesh Callichurn. Avec les allocations de la CSG destinées à ceux touchant moins de Rs 25 000, le revenu minimum garanti passe donc à Rs 17 000. Ce montant, a-t-il précisé, exclut la compensation salariale qui sera annoncée par le ministre des Finances le 7 décembre.

«Gouvernman touzour éna volonté ed travayer pou fer fas logmantasion koud lavi é nou pé fer tou séki nou kapav pou protez zot pouvwar dasa. Nou pou kontinié fer li.» Questionné sur l'impact sur les Petites et moyennes entreprises (PME), le ministre a fait savoir que les aides existantes qui avaient été mises en place à travers la Mauritius Revenue Authority lorsque le salaire minimum avait été instauré seront maintenues.

Le «timing» remis en question

Sollicité, Narendranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions, avance que cette décision était nécessaire car la perte du pouvoir d'achat se poursuit. Cependant, il s'interroge sur le timing de cette annonce. Il rappelle que le National Wage Consultative Council devait revoir le montant en 2025, mais la loi avait été amendée avant afin de permettre cette révision. Puis en novembre, une réglementation du ministère du Travail avait été émise pour réviser le montant d'ici à la fin de novembre. «Le montant a été décidé en 17 jours. Il faut savoir quelle est la motivation derrière une telle décision rapide», dit le syndicaliste.

%

Du côté de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé, Jane Raghoo avance que la décision est très bien accueillie, d'autant plus que c'était une des revendications principales du syndicat. «Sé enn gran zafer! Ce combat a débuté avec la grève de la faim de 2017, l'époque où les femmes cleaners touchaient Rs 1 500», souligne-t-elle. Elle a rappelé que lors de la manifestation de la CTSP le 1er mai, l'une des revendications était justement d'augmenter le salaire minimum à Rs 15 000 car le coût de la vie a explosé. «Cependant, il faut que le gouvernement précise bien que ce salaire minimum est pour toutes les catégories de travailleurs. Si cette précision n'est pas apportée, il y aura des abus de la part des employeurs», avance la syndicaliste.

Au niveau de Linion Pep Morisien, Dev Sunnasy, responsable du dossier économique, trouve que cette décision s'apparente au 14e mois demandé par l'opposition. Cela va contribuer à l'inflation et la dévaluation de la roupie. «Aujourd'hui, les Mauriciens ont un choix à faire. Le citoyen devra choisir entre une augmentation du pouvoir d'achat ou une augmentation des revenus au détriment du premier», déclare-t-il. De plus, ajoute-t-il, malgré les aides, cette mesure touchera de plein fouet les PME. D'une part, l'essence et le diesel restent chers. «Puis, une PME doit maintenant trouver plus de Rs 3 000 en plus par employé, soit 30 % d'augmentation dans une période où la majorité des PME sont en souffrance.»

Qui paiera ?

Xavier Duval, leader de l'opposition, trouve que la décision est bonne, mais c'est aussi un aveu que le coût de la vie explose. Les denrées de base ont augmenté de 60 % à 70 %, et l'inflation, à septembre, était de 9 %. «Il ne faut pas oublier que la dépréciation de la roupie a fait que les prix ont augmenté, mais les revenus des grandes compagnies et de l'État ont explosé en même temps. Par exemple, les profits des 19 plus grandes compagnies sont passés de Rs 13 milliards à l'époque pré-Covid à Rs 43 milliards. Quant à l'État, les revenus sont passés de Rs 106 milliards à Rs 177 milliards dans les estimations pour 2023-2024.»

De ce fait, le leader du PMSD se demande pourquoi la CSG Allowance de Rs 2 000, qui garantit le revenu minimum de Rs 17 000, doit être payée par le contribuable au lieu de ces compagnies qui engrangent des profits. «La CSG Allowance ne doit pas être payée aux secteurs profitables. Il faut que ces employeurs garantissent le revenu minimum eux-mêmes. Le contribuable ne peut pas payer pour ceux-là», martèle-t-il. Revenant sur sa proposition de 14e mois, il rappelle que c'était pour soulager le consommateur pendant cette période de fin d'année en rétablissant un peu leur pouvoir d'achat, alors que le salaire minimum et la compensation salariale seront applicables en janvier.

Ashok Subron, de la General Workers Federation, revient aussi sur la question du paiement de cette hausse. Il rappelle que lorsque le salaire minimum avait été introduit, c'était un salaire très minimum qui n'était pas basé sur le «Living Wage», comme préconisé par tous les syndicats à travers le monde. C'est ce salaire qui passe à Rs 15 000. Le problème, selon le syndicaliste, est que personne n'est venu dire qui va payer. «Lorsque le salaire minimum avait été introduit, il a largement été amorti par les fonds publics. Je parle des aides qui ne sont pas comprises dans la CSG Allowance», rappelle-t-il.

Aujourd'hui, selon les statistiques, chaque famille mauricienne contribue à hauteur de Rs 14 000 aux revenus de l'État par mois à travers la TVA. Ce qui prouve qu'une partie de cette hausse salariale est financée par le travailleur lui-même. «Chaque Mauricien qui consomme paie donc pour cette hausse. C'est un 'scam'. Mais pourquoi est-ce à nous de débourser ?» Ashok Subron rappelle que la décision touche aussi les travailleurs étrangers. «Ce sera aux contribuables, encore une fois, de payer le salaire des entreprises qui ont choisi de la main-d'oeuvre bon marché, alors qu'elles font des profits énormes. Le gouvernement ne dit pas toute la vérité, et il faut qu'on vienne nous dire d'où viendra cet argent», affirme-t-il.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.