Congo-Kinshasa: Les souvenirs de la musique congolaise - La mort du grand maître Luambo Makiadi Franco

En 1987, au moment de l'apparition de la maladie du sida dans le monde, Franco sort un disque intitulé « Attention na sida ». Quelques temps plus tard, une rumeur court selon laquelle il est malade. Amaigri, certains déduisent qu'il est séropositif. Après multiples soins dans certaines cliniques de Kinshasa et de Bruxelles, le 12 octobre 1989, Franco meurt à l'âge de 51ans aux Cliniques catholiques de Louvain Mont-Godine, en Belgique.

Une étoile qui avait illuminé de toute sa classe le paysage musical congolais venait de s'éteindre. Les mélomanes des deux rives du fleuve Congo et d'ailleurs étaient dans la tristesse et la consternation.

En septembre 1989, soit un mois avant sa mort, Luambo Makiadi Franco n'avait plus la maîtrise de son état de santé. Il réussit quand même à livrer quelques concerts à l'étranger. Le 22 septembre à Amsterdam, a lieu le concert à l'issu duquel il est admis à l'hôpital, le lendemain. Auparavant, Franco enregistre à Bruxelles son dernier album intitulé « Forever », accompagné de Sam Magwana et des autres musiciens de l'Ok Jazz, aile Bruxelles. L'album qui mit fin à son apogée discographique qui débuta en 1953, soit 36 ans de présence dans la galaxie musicale congolaise.

Terrassé par la maladie (douleurs de tout genre, mal de reins ...), de nombreux médecins courent à son chevet sans jamais établir un diagnostic réel. Au début de l'année 1988, il refait le voyage de Bruxelles dans l'objectif de subir des analyses et trouver l'agent causal de sa maladie. De plus en plus épuisé et rongé par le mal, il perd énormément du poids. Sa famille et ses proches sont gagnés par le doute et l'angoisse.

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Des nouvelles les plus alarmantes faisant état de sa mort prochaine circulent dans tout Kinshasa, nombreux le tuant dans l'imaginaire collectif avant qu'il le soit dans la réalité. De cliniques en cliniques, de spécialistes en spécialistes, Franco traîne sa maladie sans trouver le moindre soulagement. Cancer des os pour les uns, insuffisance rénale pour les autres, les plus radicaux n'y vont pas par quatre chemins et déduisent que Franco est atteint du sida.

Au fil des jours, le ciel s'obscurcit. Pourtant, il y croit toujours et reste serin. L'on se souvient de l'interview que Franco accorda au grand chroniqueur Lukunku Sampu de Télé Zaire de l'époque qui fit le déplacement de Bruxelles, pour s'enquérir de son état de santé. L'interview qui eut lieu dans le studio de la Radio Télé Bruxelles et diffusée en différé par Télé Zaire. Au cours de l'entretien, l'on découvre le grand maître Franco amaigri, portant des lunettes et devenu quelque peu méconnaissable car rongé par la maladie, mais très serein quant à sa guérison. Il promet à ses fans et sa mère qu'il rentrera à Kinshasa malgré les rumeurs alarmantes qui y courent sur son état de santé, affirmant que sa maladie n'a rien à voir avec le VIH. Mais lorsqu'il disparaît plus tard, se répand la nouvelle selon laquelle il serait bien mort du sida qu'il aurait contracté auprès des prostituées.

Entre temps, les médecins voyant son état de santé s'empirer l'hospitalisent à Mont Goldine, en Belgique. Son épouse, ses enfants et son frère Jules lui rendent régulièrement visite et sont inquiets de la tournure que prennent les évènements. Chacun de ses mouvements est source d'augmentation d'un mal.

Dans la nuit du 12 octobre 1989, la maladie ayant atteint son paroxysme, Luambo n'en peut plus et rend l'âme. Un grand baobab de la musique congolaise moderne est tombé, une mort qui vient semer la consternation et la tristesse parmi les fans et les mélomanes.

Il sied de noter que durant sa vie d'artiste, sympathique et tolérant dans ses relations avec ses musiciens, Luambo Franco (d'après quelques témoignages) n'a jamais osé fermer la porte à tous ceux des musiciens qui quittaient l'Ok Jazz et manifestaient le désir d'y revenir. Former à l'école de la vie, au bout de l'effort et de la persévérance, Franco a vécu au milieu d'un peuple dont il a écouté, exprimé les sentiments les plus profonds, tout comme il a su courageusement dénoncer les injustices et les faiblesses de la société congolaise. Ses principales sources d'inspiration sont notamment les thèmes incendiaires liés à la prostitution, la maladie, la pédophilie, la sérénité dans le couple, au célibat, au divorce, à l'infidélité, à travers lesquels chaque mélomane avait trouvé son compte.

L'on se souviendra également, au cours de sa gloire et son ascension dans la sphère musicale congolaise, de ses mérites discographiques entre autres « Les Maracas d'or », « les disques d'Or » et l'inoubliable bestseller du duo Tabu Ley Rochereau, Luambo Makiadi Franco dans « Lisanga ya baganga » produit en 1983. Ok Jazz plébiscité meilleur orchestre de l'année 1982 sans oublier les distinctions honorifiques pendant le règne de Mubutu.

Si chaque époque génère son messie, on peut affirmer que Franco a été pendant tout son règne « le messie » de la musique congolaise dont l'oeuvre a pris un caractère d'évangile. Comme tout messie humain, Franco n'a pas échappé à notre sort commun,

Sa dépouille rapatriée à Kinshasa, un deuil national de quatre jours fut observé peu avant son inhumation au cimetière de la Gombe, le 18 octobre. Une cérémonie officielle due à un héros national fut organisée au Palais du peuple suivie d'une messe d'adieu à la cathédrale Notre Dame du Congo.

Quelques années après sa mort, une avenue de Kinshasa, ex-avenue Bokassa, porte son nom.

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