Ile Maurice: Une toute première fois qui émerveille

16 Décembre 2023

Il y a encore beaucoup d'enfants à Maurice qui n'ont jamais fait un séjour à l'hôtel, même pour une courte durée.

Consciente de cette réalité, la direction du Centre d'Éducation et de Développement pour les Enfants Mauriciens (CEDEM), qui encadre notamment les enfants de la résidence Anoska, a décidé, en cette fin d'année, de faire 12 adolescentes mineures vivant majoritairement dans cette région, découvrir le milieu hôtelier, tout en leur transmettant des messages de connaissance de soi et d'intégrité corporelle. Leurs impressions ci-dessous indiquent l'émerveillement.

Mardi à la mi-journée, lorsque nous débarquons à l'hôtel Manisa à Flic-en-Flac, les 12 adolescentes de 12 à 17 ans, qui sont hebdomadairement encadrées à la résidence Anoska par Yukime Venkatasawmy, thérapeute qualifiée et animatrice au CEDEM, sont à la piscine après une matinée à la plage de Flic-en-Flac. Celles qui savent nager papotent dans la piscine pour adultes alors que les moins habituées à l'eau font trempette dans celle des enfants, le tout sous le regard amusé mais non moins vigilant des six éducateurs du CEDEM et de la psychologue clinicienne Trisha Boodhoo, responsable des projets au sein de cette organisation non gouvernementale. Le groupe a débarqué la veille à l'hôtel Manisa pour un séjour de deux nuits.

Si Alison, 14 ans, aînée de trois enfants, a l'habitude de passer une journée à la plage de Flic-en-Flac avec ses parents - sa mère travaille comme laboureur et son père est maçon - et qu'elle est déjà allée à l'hôtel Tamarin, elle n'avait jamais encore séjourné dans un hôtel. Elle dit avoir été agréablement surprise par l'accueil reçu. «Kouma dir dimounn inn accueillir nou bien ek inn koz ar nou bien», relate-t-elle. Elle a relevé la propreté de la chambre et l'ordre y régnant et cela lui a montré «ki bisin ena discipline.» Elle a apprécié les repas, *«manze là extra bon» mais ce qu'elle a préféré c'est la possibilité de nager quand elle le voulait, que ce soit à la mer qu'à la piscine. Si elle n'avait pas eu la chance de faire partie de ce groupe, elle aurait passé ses journées à la maison à résidence Anoska ou aurait été chez ses cousins et cousines. «Sezour la inn bien pasé. Monn gaign boukou kamarad ek sa ti enn bon détente.»

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Sharon, 12 ans, cadette de trois enfants, qui vient de la résidence L'oiseau à Curepipe, est aux anges car mardi, elle a obtenu ses résultats de Primary School Achievement Certificate (PSAC) et a réussi. Si «entier mo klas ek moi nounn gaign lékol loin (NdlR : à Rose-Belle), elle aurait préféré effectuer sa scolarité secondaire dans une école plus proche de son domicile. Sharon est une habituée des journées passées sur les plages publiques de Flic-en-Flac, Mon Choisy et Le Morne mais c'est bien la première fois qu'elle passe deux jours dans un hôtel. L'activité qu'elle a préférée de loin est la natation. Et puis, ajoutet-elle, «nous nous sommes bien entendues. On a été comme une équipe. Personne n'a manqué de respect à l'autre et on ne s'est pas dit des choses blessantes.»* Si elle n'avait pas eu la chance de venir à l'hôtel, elle serait restée chez elle, plantée devant la télé ou aurait fait de la lecture à la maison et parfois une activité en plein air. «J'aime beaucoup le fait d'être à l'hôtel. Quand on est jeune, il faut profiter de la vie. Quand on sera vieux, on sera perclus de douleurs et on ne pourra rien faire. Donc, j'en profite.»

Solana, 15 ans, vit à résidence La Caverne. Son père est éboueur et sa mère assistant teacher. Elle est scolarisée au SSS Vacoas. «Premier fois mo res dan enn lotel. Li extra zoli ek repas bien goûtés. Mo pa ti imaziné li ti pou koumsa. Mo envie dekouver boukou kitsoz dan l'hôtel». Elle a d'ailleurs confié à un membre du personnel d'encadrement du CEDEM qu'elle serait intéressée à travailler dans un hôtel. L'idée d'avoir à repartir la rend tristounette. «Sezour la inn pas tro vit. Kouma dir mo pa envie alé.»

Offrir des loisirs sains

Jorja, 12 ans, née d'une mère Seychelloise, qui exerce comme assistant teacher et d'un père mauricien, chef dans un des hôtels du groupe Attitude, est née au Ghana où son père a travaillé pendant huit ans avant que lui et les siens ne regagnent Maurice. Jorja avait alors cinq ans. Elle connaît bien les hôtels seychellois mais n'avait jamais mis les pieds dans un hôtel mauricien jusque-là. Elle également a réussi son examen de PSAC et entamera son secondaire au Mahatma Gandhi Institute de Solferino. Elle dit apprécier le cadre de l'hôtel, les repas et en particulier les desserts dont elle analyse chaque ingrédient car elle veut faire le même métier que son père. Ce qu'elle a préféré lors de ce séjour ? Les heures passées à la plage et à la piscine. Son rêve est d'ailleurs d'aller vivre dans le pays de sa mère car sa famille du côté maternel habite à cinq minutes de la plage.

La psychologue clinicienne Trisha Boodhoo, qui est aussi responsable des projets au CEDEM, rappelle que cette organisation non gouvernementale a une longue histoire d'activités résidentielles pour ses bénéficiaires vulnérables, l'objectif étant de leur offrir des loisirs sains, dans un cadre plaisant et sécurisé et où tout est fait pour rendre leur séjour agréable, tout en leur proposant un volet thérapeutique quotidien de 90 minutes sous forme de discussions informelles sur divers sujets. Ceux abordés avec ces adolescentes ont porté sur la connaissance de soi, la gestion des émotions et en particulier de la colère, sur l'intégrité corporelle, l'importance d'avoir une sexualité responsable, sur l'hygiène et la discipline.

Si l'hôtel Manisa a été retenu c'est parce que parmi toutes les cotations demandées et obtenues, la sienne était la moins chère. Elles étaient à trois par chambre, soit deux adolescentes et une éducatrice tandis que Trisha Boodhoo et Yukime Venkatasawmy se partageaient une chambre. Les discussions informelles se déroulaient à la plage, lorsqu'elles étaient à la piscine ou en chambre. «Si on avait fait cela dans une salle de conférence, les enfants nous auraient écouté d'une oreille. Par contre là, elles sont détendues et on peut discuter de n'importe quel sujet. Nous avons établi un programme mais nous préférons go with the flow», déclare Yukime Venkatasawmy. La sécurité et la vigilance a été constamment de mise mais sans que les éducatrices le fassent ressentir. «Nous avons même créé un groupe Whatsapp pour communiquer entre nous et signaler un quelconque incident. Mais il n'en a rien été», raconte Trisha Boodhoo.

«Nous avons noté que les activités résidentielles ont un effet thérapeutique sur ces jeunes», précise la psychologue clinicienne. Yukime Venkatasawmy, acquiesce et ajoute que*«lorsque nous sommes à résidence Anoska, il faut leur dire de parler correctement. La personn pa pé zouré, crié ou fer sauvaz. Mo pense cadre-là li apaisant pou l'esprit ek li reflete lor la parole aussi.»* Les deux responsables disent avoir noté que ces enfants se sentent valorisés car c'est la première fois que des serveurs viennent au-devant d'elles pour prendre leurs commandes et les servent. *«Cela les fait se sentir importantes ek zot pa envi fer bann zes ki zot fer dans résidence.»

Si certains parents étaient réticents à l'idée de laisser leurs enfants se rendre à l'hôtel c'est parce qu'euxmêmes n'ont jamais mis les pieds à l'hôtel. Il a fallu les rassurer. «Nous leur avons expliqué ce qu'il en était et leur avons fait signer des formulaires de consentement.» Mercredi avant le départ, ces adolescentes ont toutes reçues un certificat de participation. Et pour vérifier qu'elles aient retenu les principes d'hygiène et de respect du cadre, le matin du départ, elles ont dû faire le lit et ranger leur chambre. Chaque chambre a été inspectée et un Award pour la chambre la mieux rangée et la plus propre a été décernée.

C'est ce qu'on appelle joindre l'utile à l'agréable.

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