Tunisie: Djerba/Actes de vandalisme - La mosquée ibadhite El Berdaoui pillée par des chercheurs de trésors

22 Décembre 2023

Certaines mosquées ibadhites sont souterraines d'où le nom qui leur est attribué «Jemaâ El Louta»

Ce n'est pas la première fois que des mosquées ibadhites sont profanées et saccagées par des pilleurs à la recherche de trésors.

Située à Mezrane sur l'île de Djerba, la mosquée souterraine Bardaoui datant du Xe siècle après J.C a été profanée il y a quelques jours par des pilleurs à la recherche de trésors. Cette atteinte à ce lieu de culte est d'autant plus consternante qu'elle touche à une des composantes essentielles du patrimoine de l'île, les mosquées ibadhites. Pluriséculaires pour la plupart, chacune d'elle a une architecture et une histoire unique. Certaines comme la mosquée El Berdaoui ont non seulement cette architecture spartiate et minimaliste qui les démarque des autres mais elles ont, par ailleurs, pour particularité d'être construites sous la terre d'où le nom qui leur est attribué «Jemaâ El Louta».

Seules les coupoles recouvertes d'une épaisse couche de chaux émergent du sol. Un escalier étroit conduit à la salle de prière et au mihrab, une saillie pratiquée dans le mur en forme d'arc de cercle. Selon les historiens, ce choix n'est pas fortuit. Les ibadhites, qui étaient minoritaires sur l'île et persécutés pour leur doctrine, auraient construit des mosquées souterraines pour pouvoir s'y mettre à l'abri en cas d'incursion étrangère et pratiquer leur culte à l'abri des regards.

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Une autre hypothèse évoquée: outre la recherche de fraîcheur en période de chaleur, cette architecture serait la continuité des lieux de cultes qui étaient aménagés dans des grottes.

Sauvegarder des lieux de culte chargés d'histoire

Trois de ces mosquées ibadhites, à savoir Sidi Yati, Sadkiwis et El Berdaoui ont fait l'objet, en 2019, de travaux de restauration financés par un fonds suisse et qui se sont déroulés sous la supervision de l'Association pour la Sauvegarde de l'Ile de Djerba (Assidje). Malgré les efforts entrepris pour sauvegarder ces lieux de culte, certains ont été vandalisés et saccagés par des malfrats. Guidés par de vils desseins, ces derniers n'en sont pas à leur premier coup.

En 2006, de gros blocs de pierre ont été retirés des murs de la mosquée de Ouelhi pour servir de matériau de construction. En 2008, des chasseurs de trésors ont saccagé et profané les mosquées de Sidi Daoued, Mrabet Belgacem à Mezraya et El Hara à Ouersighen. En 2009, un cadran solaire datant de 250 ans et indiquant l'heure des cinq prières quotidiennes a été subtilisé de la mosquée El Bassi. Afin de protéger ces mosquées de nouveaux actes de vandalisme, les autorités locales ont muré les ouvertures extérieures de ces édifices afin d'empêcher les vandales d'y pénétrer de nouveau et décourager toute tentative de fouille illégale.

Cela n'empêchera pas à nouveau, en 2010, des pilleurs de s'en prendre, cette fois, à la mosquée côtière ibadhite de Sidi Jmour, saccageant une partie du minuscule minaret de forme conique mesurant un mètre 25 de hauteur et 0,5 mètre de diamètre. Le lieu de culte est profané par ces pilleurs qui ont occasionné à l'édifice des dégâts considérables sans se soucier de l'histoire et de la mémoire de ce lieu séculaire qui a servi, depuis le XVIème siècle, de base de défense et de surveillance contre les assaillants étrangers.

A la recherche de trésors qu'ils croient enfouis dans les moindre coins et recoins de l'édifice, les pilleurs procèdent selon le même mode opératoire: excavations profondes sous les colonnes des salles de prière, catafalques déplacés pour fouiller à l'intérieur des tombes des fondateurs de ces lieux, trous creusés dans le mihrab.... Faudra-t-il, à chaque fois, entreprendre des travaux de restauration après le passage de ces pilleurs alors que les moyens financiers viennent souvent à manquer? C'est tout un pan du patrimoine de l'île qui risque, sinon, de partir en fumée si des mesures ne sont pas prises pour sauvegarder les monuments historiques de l'île.

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