Tunisie: Focus géopolitique - Les perspectives de 2024 sont assombries par l'essoufflement du commerce mondial

Drapeaux du Brésil, de l'Inde, de la Chine, de la Russie et de l'Afrique du Sud - Pays membres des Brics.
27 Décembre 2023

La vague inflationniste apparue après la crise sanitaire du Covid-19 reflue rapidement en zone euro, plus lentement aux Etats-Unis, ouvrant la voie à des baisses de taux en 2024.

Néanmoins, l'effet sédatif des hausses antérieures s'exercera encore sur la demande, particulièrement en Europe où consommateurs et entreprises sont plus frileux, alors que les Etats-Unis sont par ailleurs engagés dans un spectaculaire réarmement industriel face aux grandes ambitions de la Chine. L'Europe restera-t-elle à l'écart de cette course au risque de voir sa productivité et sa compétitivité se dégrader?

Entre la Chine, les Etats-Unis et la zone euro, des écarts marquants sont apparus tant sur le plan de l'inflation que sur celui de la croissance économique, au point d'interroger leur possible traduction sous forme de divergence à court terme des taux d'intérêt directeurs. Au-delà, c'est la capacité de l'Europe à rejoindre la course à l'investissement engagée par les Etats-Unis et la Chine qui interroge.

Hypothèses

Dans le dossier des Perspectives, les économistes internationaux analysent la situation économique mondiale et exposent leurs hypothèses concernant les grands marchés (pétrole, changes, taux) et leur scénario de prévision pour 2024-2025 pour les principaux pays et zones du monde, dont la Chine, les Etats-Unis, la zone euro, le Japon, et les grandes zones émergentes, ainsi que les grands pays européens.

Les experts précisent que la résurgence du risque financier fait peser une nouvelle menace sur l'économie mondiale, tandis que l'inflation mute et perdure, si bien que les banques centrales pourraient ralentir le resserrement monétaire sans pour autant l'annuler. A court terme, «le rythme de croissance serait inférieur au potentiel aux Etats-Unis et l'Europe, la Chine bénéficiant au contraire d'un éphémère rebond "post-Covid". A moyen terme, tous verraient leur potentiel de croissance s'amoindrir, notamment en raison du vieillissement démographique, mais aussi probablement du legs des crises successives ».

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Prévisions de croissance du PIB

Alors que les répercussions économiques du choc de la pandémie du Covid-19 étaient en passe de se dissiper et que l'impact de la guerre en Ukraine sur les prix mondiaux s'atténuait, les politiques monétaires auront à lutter à la fois contre l'instabilité financière et contre la dérive des prix, sachant que l'inflation a changé de nature en se révélant moins circonstancielle et plus fondamentale. Il est ainsi probable que les banques centrales ralentissent les hausses de taux par rapport au calendrier initial.

A court terme, les économies occidentales retiennent un rythme de croissance inférieur au potentiel, ces dernières ayant entamé leur resserrement monétaire plus tardivement que les pays émergents. Elles le dépasseraient en Chine, principalement par un effet de récupération post-pandémie qui ne s'inscrirait pas dans la durée.

A moyen terme, l'hypothèse est focalisée sur une modération de la croissance potentielle aux Etats-Unis, en Europe et en Chine, en raison d'une démographie déclinante et de moindres gains de productivité. Ce diagnostic est basé sur l'examen approfondi de quatre questions clés, à savoir les risques immobilier et financier, et les trajectoires respectives de la croissance potentielle, de l'inflation et des finances publiques.

Focus géopolitique-BRICS+

L'activité géopolitique mondiale du dernier trimestre a été tout sauf calme, la connexion avec le scénario macro-économique est moins immédiatement apparente qu'à d'autres périodes. Cette connexion s'inscrit néanmoins sur le long terme. En effet, les équilibres géopolitiques mondiaux se recomposent en impactant lentement la structure de l'offre, par l'évolution des chaînes de valeur.

Sphère émergente

Si, dans un tel contexte, les perspectives de croissance des pays émergents ne sont pas impressionnantes, elles sont néanmoins satisfaisantes. En dépit des facteurs de risque, la croissance de la sphère émergente bénéficiera des baisses de taux directeurs, de la stabilisation de la croissance chinoise et même de la résistance de la demande américaine, si elle se confirme. Les scénarios tablent sur une croissance du PIB des pays émergents de 3,6% en 2023, un chiffre légèrement inférieur à celui de 2022 (3,8%). En dépit de la poursuite du ralentissement dans les économies développées, il retient ensuite une accélération limitée, à 3,9%, en 2024. Cela reste inférieur à la moyenne de long terme, mais traduit globalement une certaine «résilience» de la demande intérieure. Par ailleurs, certains des plus grands pays émergents, moins ouverts au commerce extérieur que la moyenne, pourraient afficher une croissance relativement forte malgré la faiblesse des exportations mondiales : l'exemple le plus évident est celui de l'Inde, qui devrait connaître une croissance de près de 6% l'an prochain.

Enfin, certains pays commencent à bénéficier de la diversification des investissements hors de Chine : c'est notamment le cas de l'Inde, de l'Indonésie ou du Vietnam.

Dans l'ensemble, les fondamentaux et la situation financière des pays émergents sont relativement satisfaisants, en particulier en Asie, mais aussi dans certains pays de la région Europe, Moyen-Orient, Afrique (EMEA) et dans une moindre mesure en Amérique latine, où le risque souverain reste plus important. Mais il y a des pays plus fragiles, qui pourraient rester sous pression si les taux américains restaient durablement élevés ou si les cours des matières premières augmentaient, notamment l'Argentine et l'Egypte.

Le spectre de la récession menace la zone euro en 2024

L'Allemagne et l'Italie vont finir l'année 2023 en récession. Plombée par la crise énergétique et la remontée des taux, la croissance du PIB de la zone euro continue de patiner. Et les perspectives de 2024 sont assombries par l'essoufflement du commerce mondial et la propagation des effets de la politique monétaire à l'ensemble de l'économie. Les conséquences de la guerre au Proche-Orient sont encore difficiles à mesurer à ce stade. Mais les tensions sur les marchés de l'énergie provoquées par cet affrontement fragilisent grandement la compétitivité de l'union monétaire.

L'Europe va-t-elle plonger en récession dans les mois à venir ? Après le rebond économique post-covid, la zone euro traverse une zone de fortes turbulences. La guerre en Ukraine et la crise énergétique ont brutalement mis un coup d'arrêt au rattrapage de l'économie européenne en 2022. L'Europe a, certes, échappé au scénario noir d'une croissance négative jusqu'à maintenant.

Mais les signaux négatifs se multiplient. L'indice PMI, qui constitue un indicateur avancé très observé dans les milieux économiques et financiers, s'est replié au mois d'octobre à 46,5 après 47,5 en septembre. Le secteur privé a marqué sa plus forte contraction depuis 10 ans en dehors de la période de pandémie.

L'inflation est pour l'heure encore tenace, elle devrait être de 5,5% dans l'ensemble de la zone euro et de 2,9% l'an prochain, forçant la Banque centrale européenne (BCE) à maintenir un ton ferme quant au niveau des taux d'intérêt qu'elle fixe.

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