Ile Maurice: SDF à Paris, mannequin à New York, les mille et une vies de Lorenzo Bagero

De Cité Malherbes à la Fashion Week de Paris où se produira Lorenzo Bagero, DJ-producteur d'origine mauricienne, le 25 janvier. Parcours en dents de scie et leçon de vie, où être SDF à 18 ans n'empêche pas de devenir un «homme d'affaires atypique» à 28 ans.

Un nom qui claque comme une marque. Lorenzo Bagero. La singularité qui va avec. Parce que cet homme au visage tatoué, mauricien d'origine, citoyen du monde, n'entre dans aucune case. Ou plutôt, il semble les avoir toutes essayées. Et comme elles ne lui convenaient pas, il s'en est créé une à lui.

Celle du DJ-producteur qui, après avoir connu grandeur et décadence, souhaite un retour aux sources. En prélude à une «tournée européenne de trois semaines», il annonce pour mars de cette année une tournée à Maurice. Des prestations dans des festivals qui commenceront le 5 mars prochain à GrandBaie, dit-il seulement. Toile de fond pour un éventuel projet de lancement d'une agence de mannequin chez nous.

À 28 ans, c'est par choix que Lorenzo Bagero, dont le nom de famille est Boodhoo, commence cette tournée dans une île natale où il n'est pas revenu «depuis huit ans». Il a grandi à Cité Malherbes à Curepipe jusqu'à l'âge de 14 ans.

Vous avez fréquenté quel établissement scolaire ? «Je n'étais pas d'accord avec l'école», répond-il. «Je n'ai pas fait d'études. Ce n'était pas pour moi.» Il commence à travailler dès ses 13 ans. Des petits boulots qui s'expliquent en partie par sa situation familiale «compliquée». Sa mère a refait sa vie, dit-il seulement.

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Lorenzo Bagero quitte Maurice pour la France à l'âge de 14 ans. Une adolescence vécue entre sa grand-mère et des oncles. Avec le recul, même s'il reconnaît que les «études permettent d'ouvrir des portes dans le milieu professionnel», Lorenzo Bagero insiste : «Le charisme permet de défoncer ces portes.»

En France, l'ado qui a de l'énergie à revendre canalise la sienne dans le sport. «On adopte le comportement des gens avec qui on est», explique-t-il. De son passé dans la cité, il dit avoir gardé un «côté un peu sauvage». Un tempérament de boxeur qui fait de lui un «champion d'Europe de mixed martial arts de mes 16 ans à mes 18 ans».

En froid avec l'école mais aussi avec ses proches, le chemin de vie qu'il raconte au téléphone ressemble par moments à un chemin de croix. «J'ai vécu un an dans la rue à Paris.» Le jeune de 18 ans fait des ménages pour vivre. «J'ai été plongeur aussi dans des restos.» À l'époque, il traîne son existence du côté de la rue du 9-septembre à Paris, un quartier d'affaires autour du Regus, immeuble où se situent les bureaux de nombreuses entreprises.

Au détour d'une rencontre, sa vie prend une autre existence. À la vue de son visage tatoué, quelqu'un lui conseille de tenter sa chance dans la mode. En jouant de ce physique, mais surtout de ce style «atypique». Épithète qui lui colle à la peau depuis. Tout comme le Cry baby écrit à l'encre qu'il porte sur le front. À côté, il y a la «couronne de Jean Michel Basquiat». Sous un oeil, il y a le symbole d'un coeur brisé avec deux prénoms : Aydée et Lucie. «Ceux de ma maman et de ma soeur.» Sur l'autre joue, le tatouage représente une rose. Chacun des tatouages c'est «l'un des coups que m'a donnés la vie». Ajouté à cela l'air du bad boy surligné par une préférence vestimentaire pour le style rock'n'roll en cuir, body et jeans déchirés, et une icône de la mode est déjà née.

200 refus

Dès lors, Lorenzo Bagero bosse pour se payer le voyage vers une capitale de la mode : New York. Les débuts sont extrêmement difficiles. «J'ai reçu 200 refus.» Mais à force, la «gueule tatouée» de celui qui «n'a jamais été timide» se fait remarquer dans des castings. Son ouverture - son premier contrat - se présente sous la forme d'un «shooting pour une campagne de pub pour Calvin Klein». Il a 19 ans. De là les choses s'emballent. Il devient le mannequin tatoué chic du moment. Est représenté pendant deux ans par l'agence de mannequins Wilhemina International. C'est le tourbillon. Poser un jour à New York, se retrouver quatre jours plus tard en Espagne pour une autre séance de photos, retraverser l'Atlantique pour poser à Los Angeles et ainsi de suite. Mais une fois les projecteurs éteints, les vertiges de l'industrie de la mode en font une proie pour des addictions. Lorenzo Bagero ne cache pas qu'il a essayé beaucoup de substances. «Mais je ne me suis jamais piqué», souligne-til. C'est une manière pour lui de «lutter contre la dépression».

Qu'est-ce qui l'a aidé à s'en sortir ? Au téléphone, la voix douce qui parle avec un accent français dit, sans fluctuer, «la foi». «C'est quelque chose d'important pour moi. Chaque jour, je prie.» Une voie où l'accompagne sa mère, avec qui il renoue. Appuyé d'un côté sur cette mère, «qui est très forte, qui m'a appris à devenir responsable et à me battre tous les jours» et de l'autre, sur sa foi, Lorenzo Bagero sort du double enfer des addictions et de la dépression.

Il prend aussi un recul salutaire du tourbillon des flashes, pour se concentrer sur l'aspect management et business de la mode. Lorenzo Bagero se crée son marché niche : un mélange de mode et de musique. Il anime des shows durant les défilés, ce qui le met à la fois en contact avec les visages des marques, mais surtout, avec ceux qui les dirigent. Lorenzo Bagero est programmé durant la Fashion Week à Paris, le 25 janvier prochain.

L'ancien mannequin qui a déjà les bases, forge davantage «sa» marque. Avec par exemple des phrases à l'emporte-pièce où il explique qu'après avoir porté des vêtements griffés pour le travail, «aujourd'hui je ne porte que du Lorenzo Bagero et vous ne trouverez cela nulle part».

Il orchestre une campagne de communication. Donne des interviews tout en cultivant un certain mystère. Même si c'est curieux pour un mannequin de ne pas souhaiter trop se montrer en photo, Lorenzo Bagero tient à maîtriser les images de lui qui circulent en ligne. Une particularité qu'il soigne en attendant que sorte une série espagnole pour Netflix dans laquelle il a tourné.

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