Afrique: Gemaël Yanick Mboumba Mboumba - « Les économies africaines ne sont pas résilientes »

interview

Ecrivain et universitaire congolais, Gemaël Yanick Mboumba Mboumba vient de publier un nouveau livre sur la situation de l'Afrique actuelle. Il nous en livre le fond du message à travers cet entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : "Afrique essoufflée et malade d'elle-même", il y a quoi derrière ce titre ?

Gemaël Yanick Mboumba Mboumba (G.Y.M.M.) : Ce titre se donne à comprendre grâce à la réalité de notre Afrique qui souffre de tous les maux. Le tableau que peint l'Afrique de notre temps est sombre dans sa totalité. En faisant un état des lieux sur l'Afrique, nous réalisons avec force qu'il y a une suite programmatique des événements douloureux qui la tirent vers le bas. En ce sens, notre analyse met à jour la centralité de la souffrance constante de l'Afrique. Elle doit donc changer de paradigme pour se réaliser pleinement, la nouvelle pensée africaine peut servir de terreau, pour sortir ce continent de ce labyrinthe...

L.D.B.C. : Comment vous est née l'idée de ce livre ?

G.Y.M.M. : L'idée du livre fait mention de la jointure d'une réalité, d'un continent qui est sans repère et d'un espace qui est sans liberté. En effet, cette logique marque un tournant complexe dans la conscience avortée d'une Afrique martyrisée et essoufflée d'elle-même. La fibre scientifique du livre montre que l'Afrique n'a ni la puissance économique ni la puissance militaire et encore moins la puissance culturelle. Cette faille repousse l'Afrique dans un autre lieu, qui fait d'elle un continent enchevêtré par une histoire du cycle répété de la dépendance, depuis un peu plus d'un demi-siècle.

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L.D.B.C. : Écrivez-vous pour le plaisir ou bien pour défendre l'Afrique ?

G.Y.M.M. : Nous n'écrivons pas pour un plaisir quelconque, mais pour mettre en lumière nos idées, nos observations, nos analyses. De ce fait, nous n'en dirons pas moins. Car, l'Afrique est sans doute l'utérus du cosmos et sa nouvelle pensée le démontre scientifiquement. Mais, nous constatons que l'Afrique est aujourd'hui calcinée et vie douloureusement dans l'effacement. Son déclin s'est accentué avec acuité après les indépendances, par suite des incohérences, des faiblesses, de l'incapacité intrinsèque de son peuple. Nous avons des grands penseurs en Afrique comme Théophile Obenga, Charles Zacharie Bowao, Didier Ngalebaye, Auguste Nsonsissa, Laurent Ngankama, Marie Joseph Samba Kimbata, Innocent Péa, Elikia Mbokolo et Yolande Berton Ofoueme dont nous avons rendu hommage sous peu, pour sa grande contribution scientifique au sein de notre Université Marien-Ngouabi.

L.D.B.C. : Peut-on dire que l'Afrique vit et entretient un hiatus entre ce qu'elle veut et ce qu'elle fait ?

G.Y.M.M. : Nous pouvons le dire de façon comique mais sans une profondeur intrinsèque et viscérale. Or, l'Afrique produit ce qu'elle ne consomme pas et consomme ce qu'elle ne produit pas. La résurgence de maux séculaires autrefois disparus, le pullulement de fléaux de toute nature présentent un mimétisme social et culturel qui accentue la spirale de la dépendance et de la différence. Et pourtant, l'Afrique a des potentialités économiques évidentes, qui renforcent les ressources des économies extérieures, tandis que sa misère est cruelle, au point où elle est présentée aujourd'hui comme le continent de la décadence et de la pauvreté par excellence, où l'hypocrisie est institutionnalisée.

L.D.B.C. : Est-ce que chaque Africain prend conscience qu'il est héritier non seulement sans héritage mais aussi et chroniquement endetté ?

G.Y.M.M. : Effectivement, il y a une relation dialogique entre l'homme contemporain et la dette. En effet, notre continent, si ce n'est pas le premier, c'est le plus endetté qui soupire après et derrière les grands créanciers afin d'obtenir une annulation du fardeau qui est comme une ombre et un fantôme qui fragilise les équilibres macro et micro économiques.

Les économies africaines ne sont pas résilientes. Or, la vulnérabilité de ces économies matérialise le processus de l'endettement qui prend corps dans l'implémentation du circuit économique. Pour tout dire en une expression, du berceau à la tombe, l'Africain est pris dans les maillons de l'endettement. Ainsi, le nouveau-né hérite non seulement de cette dette qu'il porte comme le péché originel, mais aussi comme les semences d'une existence tropicalisée et de la certitude d'un avenir crucifié.

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