Congo-Kinshasa: Les souvenirs de la musique congolaise - L'Ok-Jazz et l'après Franco

Le 12 octobre 1989, Luambo Makiadi Franco tirait sa révérence à l'âge de 51 ans, aux Cliniques catholiques de Louvain Mont-Godine, en Belgique, suite à une longue maladie. Un grand baobab de la musique congolaise moderne tombait, une mort qui venait semer la tristesse et la consternation parmi les fans et mélomanes du Pool Malebo, d'Afrique, d'Europe et d'ailleurs. Un hommage rare était rendu à ce monument de la musique congolaise par la diffusion de son répertoire fleuve pendant plusieurs jours sur les chaînes de la radio et la télévision du Zaïre, aujourd'hui République démocratique du Congo.

Quel héritage Franco a-t-il laissé à l'Ok Jazz ? La question avait été posée par un confrère du journal « Etumba » de Brazzaville, en 1996, et qui répondait: « Les espoirs que tous les mélomanes avaient mis sur l'immortalisation de l'Ok Jazz se sont estompés, trois ans seulement après la mort de Franco. Les musiciens, en effet, n'ont pas pu arrêter leurs ambitions personnelles pour sauver l'essentiel, c'est-à-dire l'Ok Jazz. Les problèmes de discipline, aggravés par ceux du patrimoine légué à la famille Luambo, ont conduit au début de l'année 1994 à l'éclatement de l'Ok Jazz. Madilu, la famille Luambo, l'Ok Jazz (vidé de ses musiciens) d'un côté, Lutumba Simaro et presque tous les musiciens de l'Ok Jazz avec lui, de l'autre. Ces derniers, sous la direction de Lutumba, vont former, le 1er février 1994, le nouvel orchestre dénommé Bana Ok. Malgré toutes les interventions des autorités gouvernementales du Zaïre, aucun arrangement ne sera obtenu pour réconcilier les deux parties ».

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Tout part d'un concert donné par Madilu Systèm pendant son séjour à Bruxelles, avec les anciens musiciens de l'Ok Jazz installés dans cette ville, et pour lequel il enfreint aux règlements du groupe qui interdit l'organisation à l'étranger des concerts en usant du nom Ok Jazz. Pour ce faire, il a été suspendu pour trois mois. Ce qui ne sera pas accepté par la famille Luambo, particulièrement Marie Louise Akananga, la soeur de Franco qui réagira par la confiscation des instruments. Elle ira même plus loin en exigeant l'augmentation du pourcentage sur les royalties que l'Ok Jazz devra désormais verser à cette famille, dans le cadre du pactole laissé par son frère. La famille soutiendra la position de Madilu selon laquelle le concert livré à Bruxelles était motivé par l'aide à apporter aux enfants de Franco, sérieusement dans le besoin. La décision de Lutumba après la confiscation des instruments est sans recours malgré l'engagement qu'il avait pris à la mort de Franco de sauvegarder son oeuvre.

Ainsi, s'est confirmé ce que redoutaient tous les mélomanes: « La suprématie de Franco pour qui l'Ok Jazz n'existait qu'à travers lui seul et sa famille, laissant Lutumba Simaro, prétendu successeur, sans aucun pouvoir ».

En attendant de voir l'Ok Jazz se reconstituer, Madilu sort, au mois d'avril 1994, la chanson « Ya Jean », qui est à la Une de tous les hit-parades. Cette oeuvre est réalisée avec le concours des anciens musiciens de l'Ok Jazz installés en Europe. De retour à Kinshasa et sur la même lancée, il continue la production musicale avec des musiciens mieux placés pour réactualiser la rumba traditionnelle, la populariser auprès des nostalgiques de Franco. De son côté, Lutumba Simaro, qui a confirmé l'existence de son groupe « Bana Ok » depuis le 1er février 1994, réagit par la sortie d'un titre qui lui confère son titre inaliénable de poète de la chanson congolaise, intitulé « Cabinet molili ».

Entre-temps, qu'est devenu l'Ok Jazz après la création de l'orchestre « Bana Ok » et le passage à la carrière solo de Bialu Madilu Systèm ? La réponse à cette question est donnée en 1996 lorsque l'un des fils de Luambo, dans le souci de perpétuer la mémoire de son père, sollicite les services de Gilbert Youlou Mabiala et de Michel Boyibanda pour restaurer cet orchestre. La demande acquiert l' assentiment des deux musiciens brazzavillois.

A noter que lors du 26e anniversaire de la disparition de Franco, une sculpture en bronze de 2,97 mètre et pesant 400 kilos fut érigée sur la Place des artistes, à côté du Memoriam des musiciens, au quartier Matonge de Kinshasa. On le voit debout sur son piédestal, tenant une guitare comme pour maquer désormais sa présence éternelle. Une avenue de Kinshasa porte depuis lors son nom, « Avenue Luambo Makiadi Franco » (ex Avenue Bokassa).

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