Afrique: L'Eswatini, dernier État allié de Taïwan sur le continent africain

Alors que Taïwan se prépare à voter ce 13 janvier 2024 lors d'un scrutin présidentiel, ses relations diplomatiques officielles avec l'Afrique sont désormais quasi-inexistantes puisqu'elle y a perdu presque tous ses soutiens. Hormis le Somaliland, qui ne parvient pas encore à s'imposer comme État souverain, seul le royaume d'Eswatini continue à reconnaître officiellement Taïwan en tant que pays.

Ce petit État enclavé à l'intérieur de l'Afrique du Sud est toujours resté un allié indéfectible de Taïwan. Encore récemment, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen était reçue en grande pompe à Mbabane, pour célébrer un triple anniversaire : les cinquante-cinq ans d'indépendance de l'ancienne colonie britannique, des relations avec Taïwan, et également les cinquante-cinq ans du roi Mswati III. Une visite organisée comme une réponse au déplacement du chef de l'État chinois Xi Jinping en Afrique du Sud deux semaines plus tôt, pour le sommet des Brics.

« J'aime venir ici, j'aime l'amitié que vous nous offrez, et j'espère que cette amitié va continuer et s'intensifier, et que la relation entre nos deux pays durera toujours », a déclaré la présidente sortante reçue au palais royal de Lozitha, en septembre dernier. Car, contrairement à la Gambie, à São Tomé et Principe, ou au Burkina Faso, qui ont tous tourné le dos à l'île depuis 2016, le royaume d'1,2 million d'habitants lui reste fidèle et conserve donc une grande valeur symbolique pour le gouvernement taïwanais.

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Un choix royal

Ils ne sont plus que treize, dans le monde, à reconnaître la République de Chine (ROC) et à conserver des relations diplomatiques formelles avec Taïwan. Le reste des nations reconnaît diplomatiquement la République populaire de Chine (RPC).

Pour l'Eswatini, anciennement appelé Swaziland, le choix de rester aligné sur Taipei s'explique avant tout par le bon vouloir du roi Mswati III, qui règne en maître sur la dernière monarchie absolue d'Afrique. Depuis son accession au trône, en 1986, le souverain entretient une grande affinité avec l'île du Pacifique, et s'y est déjà rendu à 18 reprises. Quand il a été atteint du Covid-19, c'est Tsai Ing-wen qui lui a envoyé un traitement pour se soigner. La reconstruction du pays après les émeutes de 2021 a aussi été en partie financée par les largesses de Taïwan, et l'un des fils du monarque, à l'instar de beaucoup d'autres jeunes Swazis, a pu étudier sur l'île et y obtenir son diplôme. Taipei ferme également les yeux sur le manque de démocratie au sein de ce petit pays et sur les atteintes aux droits de l'homme.

« Cette relation a toujours été très forte, et nous n'avons aucune raison de penser qu'elle pourrait s'affaiblir à l'avenir », martèle le porte-parole du gouvernement swazi, Alpheous Nxumalo. « Taïwan apporterait beaucoup et pour longtemps à la communauté internationale si on les autorisait à participer aux différentes organisations et au système de l'ONU », ajoute-t-il, alors que l'île a perdu en 1971 son siège au sein du Conseil de sécurité.

Une décision plus politique qu'économique

Lors de sa dernière visite, la présidente sortante taïwanaise a signé trois accords, dont le projet de constituer un réservoir de pétrole dans le pays, pour lui assurer davantage d'indépendance énergétique. Taïwan soutient également le royaume dans des domaines comme la santé, l'éducation, ou encore l'électrification, tandis que près des deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Mais ces préférences diplomatiques privent Mbabane de profiter pleinement des investissements que Pékin pourrait proposer.

Ce choix est délibérément assumé par l'exécutif, selon Sanele Sibiya, enseignant à l'Université d'Eswatini : « Du point de vue économique, c'est une évidence : s'aligner avec la Chine aurait plus de sens en termes d'échanges et d'opportunités. C'est donc vraiment une décision politique. » Pékin reste le deuxième partenaire commercial de Mbabane en termes d'importations, mais la monarchie absolue n'a, par exemple, jamais signé les accords des nouvelles routes de la soie. « Les relations diplomatiques entre deux pays ne sont pas uniquement motivées par des intérêts financiers », tranche le porte-parole Alpheous Nxumalo. De plus, l'Eswatini peut tout de même retirer quelques bénéfices de ce positionnement. « Étant le dernier soutien sur le continent, cela met aussi la pression sur Taïwan pour continuer à financer des activités dans le pays », remarque le professeur d'économie Sanele Sibiya. « Le royaume se satisfait ainsi de cette assistance au développement, plutôt que des techniques de prêts basés sur une logique de marché. »

La Chine a bien tenté, par le passé, de convaincre le roi de changer son allégeance, mais semble avoir désormais opté pour une approche plus patiente. Si un jour l'Eswatini devait, à son tour, tourner le dos à l'île du Pacifique, la République populaire de Chine remporterait la grande victoire symbolique d'avoir rallié à sa cause l'entièreté des États reconnus d'Afrique.

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