Madagascar: Des propos à prendre avec des pincettes

En juillet 1825, le commandant de la Mayenne, le lieutenant de vaisseau Duhautcilly arrive sur la rade de Toamasina. Mais comme le chef Jean René, Mpanjakamena (prince) de Toamasina, gouverneur général des provinces des Betanimena, etc., se trouve à Foulpointe, le lendemain il décide d'y aller. Aussitôt arrivé, des émissaires du gouverneur Rafaralahy et de Jean René le conduisent à leurs chefs. Il trouve les deux princes à table avec la soeur de Radama, épouse de Rafaralahy, deux ou trois Français dont Robin, et l'Anglais Hastie.

Duhautcilly est porteur d'une lettre du gouverneur de Bourbon, De Freycinet, au roi merina. Il écrit: « Jean René et Rafaralahy paraissent frappés de la générosité de votre procédé à l'égard du chef de Fort-Dauphin. » Il s'agit du prince Ramananolona, cousin de Radama Ier et gouverneur du Fort qu'il a enlevé aux Français, en mars 1825. Mais Duhautcilly ne peut s'empêcher de répliquer qu'il est « toujours assez rare d'être bien avec ceux qui empiètent sur nos droits ou qui nous offensent sans aucune provocation ».

Le général Rafaralahy et Jean René lui répondent en insistant sur les bonnes intentions de Radama et « sur sa ferme volonté de rester toujours en bonne intelligence avec tous les Européens ». Néanmoins, « s'il ne souffrait point que nous fussions en maîtres sur tel ou tel point de Madagascar, c'est que, dans ce cas, il lui faudrait également le permettre aux Anglais et qu'alors, il ne serait plus maître chez lui ».

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Toujours selon Duhautcilly, les égards qu'ont pour lui les deux princes, joints « aux conversations particulières qu'ils ont ensemble », semblent beaucoup intriguer Hastie. Celui-ci « caressait jusqu'au chien de la maison et faisait avec nous le patelin tant qu'il pouvait. Sans manquer à la politesse, je lui montrais au moins de l'indifférence. Ce qui produisait un bon effet auprès des chefs hova qui ont l'air d'être fatigués, obsédés de cet astucieux personnage ».

Duhautcilly en conclut que les Anglais poussent les Merina « en avant » et les payent. Ces derniers prennent l'argent « utile et bien reçu partout, mais ils se fatiguent d'être ainsi entraînés dans des guerres interminables et ne paraissent guère sympathiser avec les Anglais ».

Cependant, toujours selon le Français, ils ne peuvent faire autrement. Toutes les côtes orientales s'insurgent contre eux et ils ont besoin du secours des Anglais. « Mais il paraît très certain qu'avec beaucoup moins de frais, nous serions beaucoup mieux dans ce pays. Les Hova ne s'en cachent pas et les Anglais s'en aperçoivent. »

Par ailleurs, Duhautcilly se rend compte qu'à cette époque, aucun Français ne se trouve auprès de Radama pour lui traduire la lettre envoyée par De Freycinet. Il craint qu'elle le soit par un missionnaire anglais et alors cela se fera « d'une manière peu fidèle ».

Et tandis que la Mayenne passe un jour et demi en rade de Foulpointe, le Barracouta y mouille aussi. Le 30 juillet, elle embarque cent cinquante à deux cents soldats merina et lève l'ancre. Comme le lendemain la Mayenne quitte aussi Foulpointe pour Sainte-Marie, Duhautcilly veut voir où le « Barracouta» est allé. « Nous explorâmes la côte jusqu'à Fénérive. À petite distance, nous n'y vîmes point la corvette anglaise. » À son arrivée à Sainte-Marie, le 31 juillet, il apprend que celle-ci est passée le matin même et qu'elle a opéré un débarquement à Larée, un promontoire en face de l'ile.

Le 16 août 1825, Duhautcilly revient à Foulpointe pour attendre la réponse de Radama au gouverneur de Bourbon. Le général Rafaralahy confirme ses craintes. « Radama ne pouvant bien lire ni surtout bien écrire le français, obligé de se confier à des missionnaires anglais qui lui sont très suspects et qu'il déteste intérieurement, aura été fort embarrassé pour me répondre. »

Rafaralahy aurait même ajouté qu'il est fort possible « que le roi ait préféré ne point répondre du tout que de s'exposer à vous envoyer une lettre où l'on pourrait lui faire dire ce qu'il n'a pas dans le coeur ». Le prince lui aurait enfin promis d'expédier une lettre au roi pour le prier de répondre en langue du pays, à l'insu des missionnaires et d'Hastie, et d'adresser sa lettre à son adresse personnelle à Foulpointe « où elle sera traduite en français devant moi, par une personne fidèle ».

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