Tunisie: Approvisionnement du marché - Pour que les offices ne soient plus des planques dorées

16 Janvier 2024

L'Etat providence a donc évité aux Tunisiens de se trouver à court de ce dont ils ont besoin. D'où la naissance de ces offices qui sont des organismes «inventés» pour gérer un certain nombre de secteurs. Toutefois, leur pouvoir, au fil du temps, est devenu tout simplement monstrueux, soit des Etats dans l'Etat.

A une certaine époque, au lendemain de l'indépendance, le premier objectif de l'Etat a été d'assurer une vie décente à des citoyens qui s'étaient habitués à une certaine nonchalance et qui n'avaient qu'un souci : trouver de la semoule, de l'huile et quelques légumes pour manger. La colonisation a laissé des traces qu'il fallait effacer et préparer le citoyen de demain. Une citoyenneté qu'il fallait apprendre sur le terrain, en comptant sur soi-même.

Cela n'a pas été facile et les domaines en friches devaient être découverts un à un et relancés sur des bases solides et, bien entendu, durables. L'Etat s'est chargé de tout. C'est l'Etat providence qui pourvoit à tout et déblaie le terrain face à une population qui commençait à découvrir ce que sont les devoirs de la citoyenneté. L'armée, à cette époque, a joué un rôle extrêmement important dans cette éducation. Les organismes de jeunesse tels que les scouts, les associations sportives, l'Union des femmes de Tunisie, le Croissant-Rouge, etc. ont développé le sens de la collectivité et de la solidarité. Il est indéniable que cette solidarité n'avait rien à voir avec celle sur laquelle s'est adossé le mouvement de libération nationale et la lutte menée contre l'occupant. Cette union sacrée a toujours existé et a été à la base du départ du dernier soldat occupant le pays.

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L'Etat providence a donc évité aux Tunisiens de se trouver à court de ce dont ils ont besoin. D'où la naissance de ces offices qui sont des organismes «inventés» pour gérer un certain nombre de secteurs. Ils se devaient d'intervenir et de devenir le trait d'union entre le pourvoyeur des services et le consommateur, l'industriel, l'artisan, l'agriculteur, etc.

Pour déranger le consommateur

Leur pouvoir, au fil du temps, est devenu tout simplement monstrueux, soit des Etats dans l'Etat. Et ce fut, pour dire les choses crûment, la catastrophe dont nous subissons les conséquences. Incontournables, ils ont accaparé tous les domaines, au point de devenir des planques pour des ministres en disgrâce, des hauts fonctionnaires non ministrables pour lesquels il fallait trouver un point de chute doré. D'où une nette déviation des objectifs et une transformation qui a abouti aux abus auxquels nous assistons, sous les coups de boutoir des lobbies qui se sont emparés des leviers de commande pour tout bloquer ou débloquer.

Il est effectivement constaté que pour «travailler» l'opinion publique, il suffisait d'intervenir de manière suivie et insistante pour déranger le consommateur, le citoyen dans ses petites habitudes. Des petites habitudes qui avaient un sens au point d'irriter les plus compréhensifs. Lorsqu'on voit que nos réserves en devises nous permettent de compter sur plus d'une centaine de jours d'importation, après avoir payé nos dettes, c'est que la pays n'est pas au bord de la banqueroute et qu'il est en mesure d'importer son sucre, son riz, son café et bien d'autres denrées de première nécessité ou tout simplement des produits complémentaires mais qui ont leur importance.

Cela représente un danger

C'est ce qui empêche les lobbies en place, tout en mobilisant des voix de service sur les plateaux de télévision ou sur les ondes pour expliquer « que le pays va mal et qu'il n'est en mesure de ne rien faire face à une situation qui se dégrade ». La Tunisie a reçu des millions de visiteurs qui ont vécu chez nous, sans le moindre problème et nous avons tout partagé avec eux, même nos médicaments qu'ils se plaisent d'emporter dans leurs valises parce qu'ils coûtent moins cher que chez eux. Soit, c'est une preuve de bonne santé, même si cela fausse nos prévisions et parfois prive ceux qui en ont besoin.

Ce pouvoir des offices est tel que s'en emparer représente un danger. Nous nous souvenons d'une réunion ministérielle autour de feu Azzouz Lasram, alors ministre de l'Economie, qui devait discuter des problèmes de la difficulté d'écouler notre huile d'olive. A cette époque, l'huile d'olive était réservée strictement à l'exportation. Feu Abdelaziz Lasram a tout simplement lancé au Président-directeur général de l'Office de l'huile, après avoir discuté quelques minutes avec feu Hédi Nouira Premier ministre : «Nous allons commencer par bouffer notre huile pour ne pas en faire un moyen de pression qu'utilise actuellement notre clientèle qui sait que notre récolte de l'année passée est dans nos stocks ». Depuis, l'huile d'olive a été libéralisée et la situation s'est stabilisée.

Les lobbies sont à l'affût de ce genre de situation. Ils ont assurément essayé de prendre le contrôle de l'huile d'olive cette année, mais l'initiative d'en injecter une bonne quantité à un prix accessible a tout remis en question pour ceux qui ont essayé de distiller leurs intentions en annonçant que pour des raisons qu'eux seuls connaissent qu'elle atteindra vingt-cinq dinars, sinon plus le litre.

Points de chute dorés

Ces offices, tel que nous l'avions signalé dans une précédente édition suite à la récente décision de créer l'Office national des fourrages, ne doivent pas être des points de chute dorés, des planques pour ceux qui ont échoué ailleurs. Allez voir comment fonctionnent ces administrations créées pour soulager l'Etat du poids que constituent un certain nombre de secteurs. Ils ne répondent plus « aux préoccupations des citoyens et de la situation de l'approvisionnement en aliments de base ». L'Office du commerce a complètement dévié des objectifs qui lui ont été assignés et est devenu un levier pour influencer toute une politique que l'on voudrait instaurer pour pouvoir compter sur nous-mêmes. Pour preuve, les pénuries successives que vit le pays : «L'Office du commerce de Tunisie où certains employés sont soupçonnés de corruption et d'implication avec les barons de la distribution dans la pénurie de quelques produits de base tels que le riz, le sucre et le café, malgré la disponibilité des moyens financiers. Il est grand temps d'assainir l'OCT et les circuits de distribution pour mettre fin aux souffrances des citoyens».

Différencier les produits subventionnés

Nous avons suggéré dans ces mêmes colonnes, pour soulager la caisse de compensation, de différencier les produits subventionnés par leurs emballages et des codes barres différents pour la consommation courante et pour les professionnels. Il semble que cela dérange et ne joue pas le jeu de ceux qui profitent de l'actuelle situation en facturant un café à plus de six dinars sinon plus ou un plat de spaghettis à quarante dinars, alors que le paquet de pâte leur coûte quatre cents millimes.

Comment ne pas croire que ce sont des concepts en droite ligne élaborés à l'étranger pour nuire aux intérêts du pays et qui sont devenus obsolètes et ont conduit à la propagation de l'exclusion et de la marginalisation. Il est regrettable de voir une partie des Tunisiens continuer à défendre farouchement ces concepts, sans pour autant se soucier d'en rechercher les incidences sur leur société. L'exclusion est associée de fait à une série de visions et de choix erronés et diktats de l'étranger. Les Tunisiens doivent compter sur leurs propres moyens, afin de mettre en oeuvre une intégration axée sur la justice, l'équité et la valorisation du rôle social de l'Etat. C'est clair.

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