Madagascar: CGP Herilala Rakotoarimanana - « Il faut anéantir la corruption au sein de la police »

interview

Le ministre de la Sécurité publique veut poursuivre la politique de proximité avec la population pour lutter contre l'insécurité. Inculquer le refus de la corruption au sein de la police est également un de ses grands chantiers.

· L'Expresse de Madagascar. Pour commencer, pourriez-vous nous en dire plus sur votre parcours ? Force est de reconnaître, en effet, que peu vous connaisse au sein de l'opinion publique.

Ministre Rakotoarmanana. Je suis issu de la promotion "Antoka", en 2000. Durant ma carrière, je suis passé par différents services et ai dirigé différentes entités que ce soit au sein ou en dehors de la police nationale. Il y a eu, par exemple, le service des renseignements généraux, la police judiciaire au sein de la direction de la police économique. J'ai déjà été affecté auprès de différents commissariats de district, comme celui d'Antanifotsy et quelques commissariats d'arrondissement à Antananarivo. J'ai également été aux commandes de la police de la province d'Antananarivo et directeur de la sécurité publique. J'ai également conduit la lutte contre la corruption au sein de la police nationale. De même, j'ai été à la tête de la formation continue. Durant la Transition, j'ai été aux commandes des services de renseignement auprès de la sécurité présidentielle.

· En se basant sur votre parcours, selon vous, quels sont vos atouts pour occuper ce poste de ministre de la Sécurité publique et la lutte contre l'insécurité ?

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Dans l'ensemble, la mission de la police nationale s'appuie sur trois socles. A savoir, la police judiciaire, les renseignements et la sécurité publique. Trois domaines où j'ai déjà été en poste. Comme indiqué auparavant, j'ai fait mes armes au sein de plusieurs services et entités. Je suis ainsi au fait du mode de travail, de la manière dont il faut faire face aux missions quotidiennes, des difficultés rencontrées. Ce vécu me permet d'évaluer les problèmes, les enjeux et d'y apporter les solutions nécessaires pour améliorer les choses.

· Entrons dans le vif du sujet. A l'instar des autres départements, une liste de priorités à réaliser en cent jours s'impose au ministère de la Sécurité publique. En première ligne figure la reprise en main de la situation sécuritaire. Quelle stratégie comptez-vous appliquer à cet effet ?

La plus visible est le déploiement des éléments, dans le cadre de la mise en place de police de proximité. Ce n'est pas une nouveauté. Mais cette stratégie a fait ses preuves et a donné des résultats satisfaisants. Aussi, nous allons continuer dans ce sens. C'est la traduction en acte de la devise "protéger et servir la population". Le but est que la population ressente que la police est présente pour la protéger et travaille pour elle. Ce dispositif prévaut à tous les niveaux de la structure de la police, autant en zone urbaine qu'en milieu rural.

Le second volet porte sur la mission de la Brigade féminine de proximité (BFP). Cette entité est chargée de la lutte contre les violences sexuelles, notamment, sur mineur et de la lutte contre la violence basée sur le genre. La troisième priorité est l'amélioration de la procédure de délivrance de passeport. La dernière, mais non la moindre, est la lutte contre la corruption. Dorénavant, le mot d'ordre et l'état d'esprit dans lequel la police nationale effectue sa mission est l'intégrité, la droiture et le refus de la corruption. Dans notre département, nous avons une direction générale de lutte contre la corruption qui travaille à cet effet.

· Cette direction générale de lutte contre la corruption existe depuis quelques années. Vous en étiez le directeur durant un temps, justement. Cependant, à l'instar d'autres entités publiques, la corruption au sein de la police nationale est fréquemment dénoncée par les citoyens. Les lois, les entités disciplinaires et de répression ne semblent pas dissuasives. Comment comptez-vous changer les choses ?

Ce sujet concerne la personne en tant qu'humain. Ce qui ramène au volet renforcement du capital humain souligné par le président de la République. Avant d'intégrer les rangs, chaque policier suit une période de formation. Aussi, c'est au niveau des formations que la culture, l'état d'esprit et l'attitude exigés d'un policier doivent être inculqués. La lutte contre la corruption est d'abord dans la tête. Aussi, notre tâche est de changer cet état d'esprit, d'abord au niveau de la formation en inculquant la culture de droiture et d'intégrité. Toutefois, lorsque cela s'avère nécessaire, nous appliquons les sanctions qui s'imposent.

· La sanction. Ce point est souligné dans la lettre de Politique générale de l'État (PGE), présentée par le Président en conseil des ministres. Dans la PGE, il est inscrit que la sanction est la manière de convaincre l'opinion publique de la volonté réelle de lutter contre la corruption. Au niveau de la police nationale, êtes-vous prêt à sévir ?

La mission de la police nationale est régie par la loi. Tout ce qui est permis de faire et tout ce qui est défendu de faire y est inscrit. Aussi, chaque policier est au fait des limites à ne pas franchir dans l'exercice de ses fonctions. Dans ce sens, tous ceux qui outrepassent les limites, ces mêmes dispositions légales prévoient les sanctions qui s'imposent. Pour les cas de flagrant délit, il n'y a rien à en redire. Le dernier mot appartient à la Justice. S'agissant des faits présumés, une enquête sera systématiquement ouverte par les entités concernées. Si les faits imputés au policier sont avérés, tout dépendra du délit, il y a aussi les sanctions disciplinaires et administratives qui seront appliquées.

" Chaque policier est au fait des limites à ne pas franchir"

.· Toutefois, à l'instar d'autres domaines du secteur public, la police nationale n'est pas non plus épargnée par le corporatisme. Souvent, le corporatisme entrave les sanctions contre les déviants et les illégalités. Comment comptez-vous vous en détacher lorsque viendra le moment de sévir ?

À mon sens, contrairement aux perceptions, il n'y a pas tant de corporatisme au sein de la police nationale. Comme je l'ai dit auparavant, nous avons la direction générale de la lutte contre la corruption. Donc, s'il y a des cas de corruption, le responsable de cette entité sera systématiquement saisi. À lui d'enquêter si les faits évoqués sont probants ou non. Soyez-en certain, il n'y a pas et il n'y aura pas de corporatisme en cas d'acte illégal avéré.

· Vis-à-vis du citoyen lambda, comment comptez-vous l'inciter à participer à la lutte contre la corruption au sein de la police ? Le constat est que peu de gens connaissent l'existence de cette direction générale de lutte contre la corruption, ou encore que le simple citoyen peut porter plainte devant l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), en cas d'abus ou illégalité perpétré par un policier. Pareillement, les éléments de la police ne semblent pas conscients de l'existence de ces entités de répression, ou ne les craignent pas.

Cela implique le renforcement de la communication. Certes, les citoyens ne cherchent vers qui se tourner ou porter plainte, que lorsqu'il est victime ou face à un cas présumé d'illégalité. Néanmoins, nous essayons de communiquer le plus régulièrement possible afin de faire connaître aux citoyens les différentes entités au sein de la police nationale et leurs attributions. Particulièrement, celles comme l'IGPN qui est chargée de traiter les doléances ou plaintes contre des policiers. Le numéro de téléphone pour joindre de l'IGPN fait, justement, partie des coordonnés que nous communiquons régulièrement.

Pour les éléments de la police nationale, tous sont au fait de l'existence de ces entités. Elles ne sont pas nouvelles. Celle pour la lutte contre la corruption, par exemple, existe depuis plus de quinze ans. Soyez-en assurés qu'au niveau du commandement de la police nationale, nous sommes convaincus et engagés dans la lutte contre la corruption depuis plusieurs années.

· La lettre de la PGE prévoit que chaque ministre devra engager des réformes afin d'améliorer la qualité des services publics dans les départements sous son autorité. Le but est notamment d'en finir avec la corruption. Au niveau du ministère de la Sécurité publique, que comptez-vous faire ?

Nous sommes en plein dedans. Un draft de réforme suivant cette directive présidentielle est déjà en cours d'élaboration. Nous le présenterons officiellement lorsqu'il sera terminé. Néanmoins, sur la lutte contre la corruption, en particulier, chaque responsable au sein du ministère de la Sécurité a effectué un engagement solennel sur la lutte contre la corruption. Un acte d'engagement a été signé avec le Bianco. Nous avons également une Politique interne de lutte contre la corruption (PILCC). L'engagement signé consiste à la concrétisation de cette politique.

· Lors de la passation entre vous et votre prédécesseur, vous avez parlé de l'amélioration de la procédure d'attribution des passeports. Comme la mise en place d'un guichet unique. Pourriez-vous en dire plus sur ce nouveau système et quand comptez-vous le mettre en place ?

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a une contribution financière à payer pour les droits et taxes. La procédure actuelle est que nous, au niveau de la police nationale, recevons et traitons les dossiers pour l'attribution des passeports. Au moment de payer l'argent, le demandeur doit se rendre auprès des guichets du Trésor public. Dans les deux cas, il peut y avoir des files d'attente. Les demandeurs perdent alors beaucoup de temps avant d'obtenir leur passeport.

Aussi, nous les ministères concernés, surtout le ministère de la Sécurité publique, allons faire l'effort de mettre en place un guichet unique auprès du bureau de délivrance des passeports. Le but est que le circuit soit plus fluide et que les demandeurs ne fassent plus de va et vient, mais auront tous les services nécessaires sur un même lieu. Les améliorations que nous comptons apporter seront appliquées incessamment. La finalité est de réduire autant que possible les files d'attente et le délai de délivrance des passeports.

· Pour en revenir à la lutte contre l'insécurité. Qu'importent les moyens déployés, pour la population, seul le résultat compte. Quelle stratégie comptez-vous mettre en oeuvre pour rassurer et convaincre la population de l'efficacité de vos actions ?

Je répondrai à cette question en deux points. Le premier est que nous mettons en place la pérennisation de la sécurité. Il y a des techniques et des dispositifs que nous appliquons à cet effet. Le second point est que, sur la base des évaluations de la situation sur terrain, nous déclenchons une opération spéciale. Mais dans l'ensemble, nous nous efforçons de déployer une stratégie qui s'inscrit dans la durée.

Je tiens, toutefois, à souligner que la lutte contre l'insécurité, n'est pas l'apanage des forces de l'ordre. La vigilance et la contribution citoyenne par le partage d'information, ou même juste en appelant la police lorsqu'il y a des cas d'insécurité est déjà une contribution à la lutte.

· Toujours dans la lutte contre l'insécurité, la célérité d'action et de réaction des forces de l'ordre est également une consigne présidentielle. Quel dispositif la police, met-elle en place à cet effet ?

Au niveau de la police nationale, que pour les forces de l'ordre en général, un dispositif quasi-permanent est mis en place pour cela. Mais, et permettez-moi d'insister là-dessus, la collaboration des citoyens est nécessaire. Rien que le fait de donner l'alerte à temps, donner les indications précises du lieu où se déroulent les faits, est déjà une action importante. Je recommande à tout un chacun d'enregistrer les numéros de téléphone pour joindre les différents services des forces de l'ordre. Les mots-clés sont donc collaboration, prise de responsabilité et confiance mutuelle.

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